Si la maison est construite sans maître d'œuvre, c'est l'entreprise de construction qui est responsable de la bonne implantation sur le terrain. Telle est la solution apportée par la Cour de cassation à une question récurrente en droit de la construction. Explications avec Ganaëlle Soussens, avocat au Barreau de Paris.
Lorsque la mission de l'architecte est limitée au seul dépôt de la demande de
permis de construire, il n'intervient évidemment pas pendant la phase de réalisation des travaux. Alors, qui remplit les fonctions du maître d'œuvre ?
Selon que l'on défend l'un ou l'autre, l'on soutiendra tantôt que c'est le maître de l'ouvrage, c'est-à-dire celui qui a voulu économiser sur les honoraires d'architecte ; tantôt que c'est l'entreprise de construction, le seul professionnel intervenu en phase de réalisation.
Dans un arrêt du 6 novembre dernier, la Cour de cassation a tranché cette question en faisant peser sur l'entreprise la responsabilité de la maîtrise d'œuvre de l'opération, en ce qui concerne l'implantation de la construction.
Les termes de l'arrêt sont sans équivoque :
"En l'absence de maître d'œuvre et de plans d'implantation, l'entrepreneur a l'obligation de vérifier la conformité de la construction au permis de construire et à la réglementation de l'urbanisme".
L'entreprise, qui n'a pas vérifié l'implantation de la maison, devra donc indemniser les propriétaires des conséquences du défaut d'implantation, c'est-à-dire, à l'extrême, du coût de la démolition/reconstruction.
Encore, l'entreprise peut voir son assureur refuser de prendre en charge le sinistre puisque l'on n'est pas sur le terrain de la garantie décennale (celui des malfaçons, pour schématiser) mais sur le terrain de la responsabilité contractuelle, donc celui de la faute.
Or, l'obligation d'assurance qui pèse sur les constructeurs est limitée à leur seule garantie décennale. Il existera donc, dans les faits, des affaires dans lesquelles l'entreprise sera reconnue responsable mais ne sera ni solvable, ni assurée.
Dans cette hypothèse, le propriétaire du bâtiment implanté au mépris des règles applicables sera privé de toute indemnisation. Il est donc dans la situation où il se serait trouvé si la Cour de cassation avait considéré qu'en ne missionnant pas d'architecte pour la phase de réalisation, il assumait lui-même la maîtrise d'œuvre. Sauf, qu'entre-temps, il a dû se lancer dans une procédure judiciaire longue et coûteuse...
Ne dit-on pas que l'enfer est pavé de bons sentiments ?
Sans architecte sur le chantier, c'est l'entreprise qui assume la maîtrise d'œuvre