conseil constitutionnel immeuble © MAP
Le détecteur de fumée obligatoire ? Un cavalier législatif ! Le prélèvement sur les trésoreries d'organismes HLM ? Un impôt qui ne dit pas son nom ! Le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision concernant la
loi Boutin ce mercredi et l'on compte ainsi six articles de la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, partiellement ou totalement censurés par les Sages, pour inconstitutionnalité.
Après des débats houleux au Parlement, la loi avait été finalement adoptée dans la douleur le 19 février dernier. Mais c'était sans compter sur la possibilité qu'ont les parlementaires de saisir le Conseil Constitutionnel sur des articles qu'ils jugent litigieux. Et dans ce cas, les quotas ont été rapidement remplis : le 25 février, soixante sénateurs et plus de soixante députés ont ainsi porté à l'examen des Sages six articles (4, 61, 62, 64, 65, 118). Auxquels se sont ajoutés deux autres (115 et 123) par auto-saisine du Conseil.
Premier visé, l'article 4 de la loi, instituant un prélèvement sur les ressources financières des organismes HLM à la trésorerie excédentaire au profit de la Caisse de garantie du logement locatif social. Un prélèvement assimilable à un impôt, pour lequel la loi doit fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement. En laissant cette compétence au Conseil d'Etat, le législateur a dans ce cas
"méconnu l'étendue de sa compétence". Verdict : article supprimé.
Christine Boutin © Chistine Boutin, Ministre du Logement - MC
Saisi par les parlementaires sur les articles 61, 64 et 65 qui modifiaient le cadre légal applicable aux conditions d'attribution des logements et aux résiliations des contrats, supprimant dans certains cas, le "
droit au maintien dans les lieux", le Conseil a réfuté certains griefs avancés, notamment sur une éventuelle atteinte au droit des contrats. Mais en revanche, la possibilité de maintien dans leur logement social de locataires, alors même que leurs ressources sont élevées, du fait de leur situation juridique antérieure à l'acquisition de l'immeuble par un organisme d'HLM (disposition des articles 61 et 64), a été jugée contraire au principe d'égalité.
"Ce critère juridique est en effet sans rapport avec l'objectif d'attribuer les logements aux plus défavorisés" explique le Conseil.
Mais là où la censure se fait plus douloureuse peut-être, c'est sur celle issue de l'auto-saisine du Conseil. L'article 115, instaurant l'obligation de la pose de détecteurs de fumée dans les logements et l'article 123, ratifiant une ordonnance relative aux communes de Polynésie Française sont retoqués : ils constituent des
"cavaliers législatifs", appelés ainsi car ils sont dépourvus de tout lien avec le projet de loi." La loi Boutin, cheval de troie pour le détecteur de fumée... Il faudra ainsi un nouveau texte pour voir l'obligation applicable.
N.B. : L'article 118.III. 1° de la loi, relatif à l'office interdépartemental de l'Essonne, du Val-d'Oise et des Yvelines, a également été censuré. Il
"a été introduit par la commission mixte paritaire alors qu'il n'était pas en relation directe avec une disposition restant en discussion, a expliqué le Conseil.
Il a donc été censuré comme adopté selon une procédure irrégulière".
Lire la décision du Conseil Constitutionnel
Réaction du Ministère du Logement
Le Ministère du logement, contacté par l'AFP, a déclaré être "globalement satisfait" de la décision du Conseil Constitutionnel, soulignant qu'elle "renforce l'esprit de la loi". Et d'ajouter que "cinq des six articles censurés étaient d'origine parlementaire." Quant à l'article sur la péréquation financière entre organismes HLM, s'il a été censuré, c'est "plus pour des raisons de forme que de fond" a-t-il précisé.