Une seconde vie pour la toiture d'un château du XIIIe siècle

    Publié le 13 septembre 2019 par Corentin Patrigeon
    La maison forte de Brotel, près de la commune iséroise de Saint-Baudille-de-la-Tour, a fait l'objet d'une restauration de sa toiture : afin de respecter la culture architecturale de la région, ce sont des lauzes qui ont été (ré)employées à cet effet, malgré des contraintes de coûts et de temps. Retour en images sur cette bâtisse du XIIIe siècle.
    A défaut de renforcer ses remparts, la maison forte de Brotel a déjà consolidé sa toiture. Cette bâtisse du XIIIe siècle, implantée au sommet d'un éperon rocheux, se trouve sur le territoire de la commune de Saint-Baudille-de-la-Tour, en Isère. Passant d'une famille à une autre au cours des siècles, le château fait désormais l'objet d'une vaste campagne de restauration décidée par le dernier propriétaire en date, Guillaume Convert. La première étape de cette modernisation d'ampleur a consisté à moderniser la toiture du bâtiment, composée de lauzes, ces pierres typiques de l'architecture régionale. Les travaux de réfection des 280 m2 de couverture ont mobilisé des métiers d'art spécifiques, et ont dû surmonter des contraintes d'approvisionnement et de temps de pose.

    Découvrez cette réalisation en images.

    Cette réalisation à reçu un Trophée de la construction en 2019 dans la catégorie "Métiers d'art et du patrimoine".
    Une seconde vie pour la toiture d'un château du XIIIe siècle

    La lauze, un matériau de moins en moins employé

    Brotel 02
    Brotel 02 © Moyne Tradition
    "Ce chantier a été très intéressant par rapport à la rareté de son objet", confie l'architecte du patrimoine en charge du projet, Pierrick de Vaujany. "Refaire une couverture en lauze n'est pas forcément évident, car on en fait de moins en moins. Aujourd'hui, on compte les toitures en lauze sur les doigts d'une main." Un constat qui s'explique par les coûts élevés du matériau, qui impactent tout le process, de l'extraction de la pierre jusqu'à sa pose. C'est pourquoi les toitures typiques de la région iséroise sont souvent refaites en tuiles plates.
    Dans le cas de la maison forte de Brotel, les équipes intervenant sur site savaient qu'elles se lançaient dans un chantier d'ampleur : "Je voyais le site se dégrader au fil du temps, faute d'entretien", reconnaît l'architecte. "Mais nous avons eu la chance de tomber sur un propriétaire qui s'est accaparé ce lieu afin de sauvegarder ce patrimoine unique." Bien que le château du XIIIe siècle ne bénéficie pas d'un classement spécifique au titre de la protection des monuments historiques, il est tout de même labellisé Site patrimonial remarquable.
    La lauze, un matériau de moins en moins employé

    Des pierres venues d'ici et d'ailleurs

    Brotel 03
    Brotel 03 © Moyne Tradition
    Pour cette restauration de la couverture en lauzes du corps de logis principal du château de Brotel, des métiers d'art spécialisés dans ce type de pierres ont pu mettre en valeur leur savoir-faire. Les quelque 280 m² de surface de toiture ont ainsi été refaits d'octobre 2017 à mars 2019 ; une opération qui s'est chiffrée à 195.700 € TTC. Les compagnons ont d'abord procédé à la dépose soignée des lauzes, suivie d'un tri rigoureux pour sélectionner les éléments sains susceptibles d'être réutilisés in situ. En complément, d'autres pierres sont récupérées de lots démontés sur d'autres chantiers. En parallèle, le littelage a été remplacé par des planches en peuplier, tandis que la zinguerie en cuivre a été également refaite.
    Des pierres venues d'ici et d'ailleurs

    Un savoir-faire perpétué mais des contraintes de temps

    Brotel 04
    Brotel 04 © Moyne Tradition
    "Ce fut un réel plaisir de travailler avec des entreprises locales, dont le cheval de bataille était les chantiers de toitures en lauzes", se réjouit Pierrick de Vaujany. "Les gestes anciens ont ainsi été perpétués." Pour autant, le respect des traditions architecturales de la région a aussi entraîné des contraintes en termes de simplicité et de rapidité de pose, ainsi qu'en termes de coûts : "L'accès du site est compliqué, étant donné qu'il est perché sur un éperon rocheux, donc la mise en place des échafaudages n'a pas été évidente. En plus, les lauzes sont des pierres lourdes, et leur calage est long." Certes, les équipes auraient pu envisager de recourir à des matériaux contemporains, comme les ardoises ou les tuiles métalliques. Mais à leurs yeux, même si la mise en oeuvre de ces solutions aurait été plus pratique, le site de Brotel aurait assurément perdu de son charme.
    Un savoir-faire perpétué mais des contraintes de temps

    Une rénovation qui se fond dans le paysage

    Brotel 05
    Brotel 05 © Moyne Tradition
    In fine, la rénovation de la toiture se fond dans le paysage constitué des autres bâtiments de la maison forte. "On ne voit pas la différence entre le neuf et l'ancien", assure l'architecte du patrimoine. Il a fallu un taillage minutieux des pierres, une mise en forme indispensable de manière à garantir une étanchéité parfaite des nombreux raccords, courbes et autres biais. Mais le changement des lauzes s'est aussi couplé d'une reprise partielle de la charpente, en bois de chêne, qui avait commencé à se déformer. Les faîtières ont ainsi été remplacées, de même que des consoles sur un des bords de la toiture. Des travaux qui ont été réalisés à temps : des entrées d'eau avaient été repérées dans la couverture, heureusement assez vite pour éviter d'éventuels dégâts. A noter : la cheminée de l'ancienne cuisine, qui avait été condamnée, a été rouverte. La souche a été rétablie et le conduit d'origine remonté jusqu'à la toiture pour faire passer un système d'extraction moderne.
    Une rénovation qui se fond dans le paysage

    Des travaux qui ne font que commencer

    Brotel 06
    Brotel 06 © Moyne Tradition
    En réalité, la rénovation de la toiture de la maison forte de Brotel n'est que le démarrage d'une grande campagne de restauration qui va s'étaler sur du long terme : "L'idée était de sauver en priorité le bâtiment principal et d'effectuer les premiers travaux de modernisation indispensables, comme l'installation d'un système de chauffage", reprend Pierrick de Vaujany. "Le propriétaire a plein de projets concernant les parties communes mais aussi la petite tourelle du château." Le changement de la couverture, qui s'est étalé sur trois ans au total, n'est donc que le début d'une longue histoire.
    Mais au vu du résultat de cette opération, y aura-t-il des émules ? "C'est peut-être encore un peu tôt pour cela. Il faut d'abord pousser les élus locaux à se sensibiliser à ce patrimoine. Et il y a un facteur à prendre absolument en compte dans le cas de la lauze : la charpente. En effet, la lauze nécessite une charpente lourde, mais dans bien des cas de rénovation, la charpente a été allégée, et ne pourrait de fait plus supporter le poids de la pierre dans le cas d'un retour à la lauze. C'est donc déjà une bonne chose d'arriver à sauver les couvertures de lauzes en place !"
    Des travaux qui ne font que commencer

    Rénovation d'une toiture en lauze

    Brotel 07
    Brotel 07 © Moyne Tradition
    Fiche technique :
    - Maître d'ouvrage : Guillaume Convert, propriétaire particulier
    - Maître d'oeuvre : Pierrick de Vaujany, architecte du patrimoine (pas de bureau d'études)
    - Artisan d'art, lauzeur, charpentier bois et couvreur : Moyne Tradition
    - Artisan décorateur qualifié, tailleur de pierre, maçon traditionnel : Ateliers Nicolas Druelle
    - Période de rénovation : d'octobre 2017 à mars 2019
    - Surface de toiture : 280 m²
    - Coût total de l'opération : 195.700 € TTC
    Rénovation d'une toiture en lauze
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