Le projet de réhabilitation du Lutetia a donc été confié à l'architecte Jean-Michel Wilmotte et son agence, qui ont mis au point une nouvelle circulation en repensant les espaces de rencontres et de convivialité du rez-de-chaussée, mais également les chambres des 7 étages composant ce "paquebot parisien". Un réaménagement qui a toutefois permis au palace de répondre à l'ensemble des critères de l'hôtellerie de luxe contemporaine : au-delà des équipements technologiques nécessaires pour se conformer à la réglementation actuelle, l'hôtel a également pu bénéficier de systèmes innovants en matière de gestion énergétique et de recyclage des eaux usées.

Un autre axe majeur du travail de modernisation a consisté à faire entrer un maximum de lumière naturelle dans le bâtiment. Concrètement, cet impératif s'est traduit par la création d'un jardin intérieur, qui permet en outre de connecter les différents espaces du rez-de-chaussée : le restaurant Saint-Germain, la bibliothèque, le bar Joséphine et l'Orangerie. Afin de respecter l'architecture intérieure et le cachet prestigieux du lieu, à mi-chemin entre l'Art nouveau et l'Art déco, l'agence Wilmotte a travaillé de concert avec un autre cabinet d'architectes, Perrot & Richard. Le bois, et plus précisément l'eucalyptus, fut l'un des matériaux les plus employés pour la réhabilitation du palace. Les meubles sont les premiers concernés par ce choix : dessinés sur-mesure par Wilmotte, ils arborent des lignes simples mais des matières nobles (bronze, métal, cordages...). Les pièces sont elles aussi empreintes de cette touche plus contemporaine : les comptoirs de la réception et de la conciergerie sont par exemple composés de carbone incrusté de détails de bronze.

D'autres éléments de décors, encore plus spécifiques au Lutetia, ont été restaurés en misant sur le savoir-faire d'artisans spécialisés : par exemple, la rénovation de peintures, fresques ou boiseries a été confiée à l'Atelier de Ricou. "Près de 17.000 heures de travail ont été nécessaires à la restauration de la fresque emblématique du bar Joséphine", détaille un des collaborateurs. "Si une seule personne avait œuvré sur ce chantier, cela aurait pris entre 8 et 10 ans." Côté vitraux, la réhabilitation a été assurée par les Ateliers Duchemin, qui ont réalisé "une restauration à l'identique, selon une technique qui remonte au Moyen-Age, sur des vitraux exceptionnels et typiques de l'Art déco". Par ailleurs, la verrière du restaurant Saint-Germain a été remise à jour : l'artiste Fabrice Hyber y a peint une aquarelle de verre sur le thème d'une humanité recomposée.

Parmi les lieux-clés du Lutetia, on peut d'abord citer la galerie principale de l'hôtel : desservant le lobby et les salons du rez-de-chaussée, elle a pu profiter d'une restauration à l'identique de ses murs, sols, moulures et ferronneries. Là encore, un travail important a été effectué sur les jeux de lumière, à l'aide d'éclairages tamisés soulignant les détails ornementaux. Quant à la bibliothèque et ses 1.600 ouvrages, la lumière naturelle y est aussi présente. Le patio, pour sa part, est dorénavant considéré comme un véritable puits de lumière inondant le rez-de-chaussée. Délesté de son toit, transformé de fond en comble et dallé de mosaïques, il accueille en son sein des plantes issues de l'agriculture francilienne. A noter : le patio arbore toujours le logo historique du Lutetia en filigrane sur le sol. Enfin, le restaurant Saint-Germain est toujours abrité sous sa verrière d'origine, dont la structure est typique des constructions de Gustave Eiffel. La treille sur plâtre originelle a été refaite à l'identique, pendant qu'un parquet en point de Hongrie a été installé pour accueillir un mobilier qui se veut sobre et élégant.

D'autres lieux dédiés aux rencontres et aux moments de convivialité ont été réaménagés à l'occasion de ce chantier emblématique. C'est le cas du bar Joséphine, anciennement le salon Borghèse, dont une fresque d'Adrien Karbowsky a été exhumée de six couches de peinture et remise en valeur. De manière à ce que la lumière naturelle vienne éclairer cette œuvre Art déco, les architectes ont opté pour de grands verres teintés plomb d'aspect bronze au plafond. Agissant comme des miroirs, ceux-ci reflètent le bar de 10 mètres de long situé en-dessous. De même, les larges baies vitrées donnant sur le boulevard Raspail ont été sauvegardées pour apporter davantage de lumière. En outre, les salons emblématiques du Lutetia ont été remis au goût au jour : au nombre de six, ils peuvent accueillir jusqu'à 300 convives pour des réunions, des séminaires, des baptêmes ou encore des anniversaires. Exception faite du salon Beaux-Arts (48 m2), ils sont tous baignés de lumière naturelle : Boucicaut (32 m2), Sèvres (44 m2), Sorbonne (51 m2), l'Orangerie (152 m2)... sans oublier le plus grand et le plus fastueux du palace, le salon Cristal (310 m2). Classé en 2007, celui-ci a été intégralement restauré à l'identique, de même que ses imposants lustres de cristal.

Que serait un palace sans des chambres fastueuses ? Les 233 pièces d'origine ont été transformées en 184 chambres, 47 suites dont 7 de grand luxe (pour une nuitée à partir de 850 €). Un choix qui a permis d'augmenter la superficie de ces salles, dont la plus petite affiche une surface de 28 m2, tandis que la suite Carré Rive gauche atteint les 170 m². Les boiseries décorant les chambres sont dominées par les couleurs bleu et grège (beige clair tirant sur le gris). Un soin particulier a été apporté aux entrées lumineuses, aux parquets foncés, ainsi qu'aux portes et au mobilier en eucalyptus verni. Dans les salles de bains, les clients trouveront espace et lumière : non seulement l'écrasante majorité d'entre elles possèdent une fenêtre, mais elles disposent a fortiori d'un décor en marbre de Calacatta, à la coloration blanc ivoire parsemée de gris. Par ailleurs, chacune des chambres est équipée d'un panneau de commande pilotant les lumières, les rideaux, la climatisation ou encore la télévision. Concernant les 7 suites Signature, les clients pourront ici profiter de penthouses et de terrasses de 70 m2 offrant une vue à 360° sur Paris. Enfin, le spa ne fait pas exception à cette tradition renouvelée de prestige : avec des murs et des sols en marbre, cet espace de 700 m2 est lui aussi inondé de lumière naturelle. Une constance pour ce palace à la croisée des chemins, entre un style mythique et une rénovation contemporaine exigeante.