En Gironde, les crus d'un château se parent d'une carapace

    Publié le 18 septembre 2019 par Corentin Patrigeon
    Le château Prieuré Marquet, à Saint-Martin-du-Bois en Gironde, dispose d'une production viticole en constante augmentation. Pour préserver la qualité de ces crus châtelains, le chai du bâtiment, jusqu'alors non-isolé et datant du XVe siècle, a été enveloppé d'une carapace aux reflets changeants.
    Pour des vins, la vie de château passe aussi par une bonne isolation. C'est ce que l'on peut retenir du projet "Carapace" qui a pris place au château Prieuré Marquet, sur le territoire de la commune girondine de Saint-Martin-du-Bois. La production viticole de ce site étant en constante augmentation, ses propriétaires ont décidé d'isoler le chai existant, dont la charpente en bois date du XVe siècle, afin de maintenir une température intérieure de 13-15°C tout au long de l'année, nécessaire pour la bonne conservation et le bon vieillissement des vins.
    La construction d'époque repose en effet sur un simple voligeage bois, des tuiles sans pare-pluie en toiture et des murs en pierres basiques. Une isolation par l'intérieur a été d'emblée écartée par le maître d'ouvrage et l'architecte, la perspective de camoufler la charpente et le voligeage étant perçue comme "une atteinte à l'architecture des lieux", une "simplicité" qui aurait fait "disparaître sept siècles derrière de l'isolant et des plaques de finition". C'est donc une isolation par l'extérieur qui a été choisie, par le biais d'une carapace protégeant le chai.

    Découvrez cette réalisation en images.

    Cette réalisation a reçu le Prix spécial du jury des Trophées de la construction en 2019.
    En Gironde, les crus d'un château se parent d'une carapace

    Un bâtiment du XVe siècle à préserver

    Prieuré Marquet 02
    Prieuré Marquet 02 © Beluga Studio
    "Tout l'intérieur du château Prieuré Marquet avait déjà été rénové en 2015, mais avec une production viticole qui fonctionne bien, le site souhaitait isoler son chai en vue d'une montée en gamme de ses produits", explique l'architecte Guillaume Aubel, de l'agence Beluga Studio, en charge de ce projet de rénovation. "Il a donc fallu isoler un bâtiment historique, avec une charpente datant du XVe siècle : une isolation par l'intérieur n'était pas possible, et il ne restait plus qu'à entreprendre une isolation par l'extérieur." Un chantier s'étalant sur quelque 300 m², qui a duré un an et s'est chiffré à 360.000 € HT.
    Un bâtiment du XVe siècle à préserver

    Une carapace démontable en 3 semaines

    Prieuré Marquet
    Prieuré Marquet © Beluga Studio
    Mais quel aspect conférer à cette enveloppe de protection du chai ? "Je suis parti du principe que quitte à ce que cela se voit, autant que cela se voit !", poursuit Guillaume Aubel. "J'ai donc pensé à cette idée de carapace protégeant ce qu'il y avait en-dessous." Car en tant que nouvel élément s'ajoutant aux lignes historiques du château, la structure isolante a été valorisée pour mettre en avant sa modernité par rapport au bâti existant. Le résultat permet au chai d'être à 5 centimètres de marge de l'enveloppe, car il s'agit en réalité d'une structure démontable : la carapace peut être retirée à n'importe quel moment, avec un délai moyen de 3 semaines pour l'enlever.
    Une carapace démontable en 3 semaines

    Deux ossatures formant une enveloppe

    Deux ossatures formant une enveloppe - Prieuré Marquet
    Deux ossatures formant une enveloppe - Prieuré Marquet © Beluga Studio
    Le montage de la structure s'est toutefois avéré "plus que compliqué" : un premier portique a été installé par-dessus l'existant, comme une sorte de simple hangar, dont la seule fonction est d'isoler et d'étanchéifier. Puis une seconde ossature en métal avec panneaux de vêture a été montée, avec pour objectif de générer les contours de la carapace et de constituer le support de la vêture finale, cette dernière constituant donc l'ultime élément, visible de l'extérieur. Soit un total de quatre couches en comptant le bâtiment du XVe siècle.
    Quant à la forme de la structure en elle-même, le chai étant déjà pourvu de tuiles de toitures aux formes et aux couleurs différentes, l'idée est venue à Guillaume Aubel de recourir à "des faces triangulaires descendant jusqu'au sol, comme une sorte de tour de château déstructurée".
    Deux ossatures formant une enveloppe

    Des reflets changeants selon l'heure et le point de vue

    Prieuré Marquet 05
    Prieuré Marquet 05 © Beluga Studio
    La couleur des panneaux du chai change également tout au long de la journée et en fonction de l'angle de vision, avec des teintes grises le matin et des colorations dorées voire rouges lorsque le temps est ensoleillé. Une caractéristique censée apporter du dynamisme et de la modernité au site. "Nous avons aussi pensé à l'éclairage de nuit du chai, qui doit modifier l'image qu'on en a durant la journée", précise l'architecte. "Je pense que quelques touches de lumière permettent de raconter une histoire ; c'est pourquoi des bandeaux LED ont été posés dans quelques arêtes du chai, de manière à former des traits lumineux. Ainsi, de loin, la forme de la structure est bizarroïde, comme flottante, et cela interpelle les gens qui sont tentés de se rapprocher du site pour en savoir plus."
    Des reflets changeants selon l'heure et le point de vue

    Le souci de la perfection, principale contrainte du chantier

    Prieuré Marquet 06
    Prieuré Marquet 06 © Beluga Studio
    Au total, il aura fallu an et demi d'études sur ce projet, avec plusieurs adaptations. Guillaume Aubel explique : "Par exemple, nous étions à l'origine partis sur des toiles tendues, mais celles-ci se sont avérées plus chères que des tôles, donc nous avons opté pour cette dernière solution." La construction de la structure isolante du chai a aussi donné l'occasion aux équipes du projet de procéder à la réfection de l'intérieur du chai, des murs à l'éclairage en passant par la scénographie.
    "Le chantier de cette cloche de protection ne nous a pas posé de contraintes particulières mais un délai extrêmement serré de 5 mois", admet l'architecte. "La fixation des panneaux de vêtures de 5 centimètres d'épaisseur, qui sont extrêmement lisses et qui n'ont donc pas d'ondulation, fut très facile du fait de leur rigidité. Mais par contre la moindre rayure, le moindre impact se voit immédiatement. Pour obtenir une finition parfaite, il nous a fallu commander 40 à 50 m² de nouveaux panneaux pendant la phase de pose car les anciens avaient été endommagés, ce qui nous a fait perdre un mois."
    Le souci de la perfection, principale contrainte du chantier

    La carapace, point de liaison entre les différentes parties du château

    Prieuré Marquet 07
    Prieuré Marquet 07 © Beluga Studio
    Les aménagements paysagers du château ont par ailleurs été repensés à la suite de cette construction, avec l'utilisation de différents revêtements de sols pour assurer la continuité de la cour. "La carapace s'inscrivait comme l'élément final reliant les différentes parties du site. Je pense que l'idée est intéressante et fonctionne bien", conclut Guillaume Aubel. "Pourquoi pas le refaire dans un autre cadre, mais je tiens aussi à faire quelque chose de différent à chaque nouveau projet, quelque chose que les gens n'ont pas l'habitude de voir. Enfin, je tiens à dire que ce genre de projet ne peut pas se faire sans que le client apporte son soutien à l'architecte, et que les entreprises intervenantes fassent bien leur boulot. Pour ce projet Carapace, la confiance a été de mise entre tous les acteurs, et c'est comme ça qu'on a fait un véritable travail d'équipe."
    La carapace, point de liaison entre les différentes parties du château

    Création d'une toiture sur un chai bordelais

    Prieuré Marquet 08
    Prieuré Marquet 08 © Beluga Studio
    Fiche technique
    - Maîtrise d'ouvrage : SCEA Marquette
    - Architecte : Beluga Studio SAS
    - Bureau d'études structure et gros oeuvre : Cetec
    - Charpentier/bureau d'études structure métal : Fusion
    - Bardeur/façadiste : Face
    - Gros oeuvre : Mateu Jardins
    - Charpentier bois : SARL Robin
    - Electricien : Boschet
    - Période de construction de l'opération : 2018-2019
    - Surface de plancher : 300 m²
    - Coût total : 360.000 € HT
    Création d'une toiture sur un chai bordelais
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