Natures intérieures à la Villa Savoye © P.P. pour Batiactu
"Du dehors, votre œuvre architecturale ajoutera au site. Mais du dedans, elle l'intègre." Cette citation de Le Corbusier à ses étudiants, Céline Saraiva, commissaire de l'exposition
Natures Intérieures* l'a fait sienne pour concevoir ce dialogue inédit entre le design et l'architecture, proposé à la Villa Savoye, du 15 novembre 2024 au 2 mars 2025.
"La bonne architecture 'se marche' et 'se parcourt' au-dedans comme au dehors. C'est l'architecture vivante." Le Corbusier, Entretien avec les étudiants des écoles d'architecture, les éditions de Minuit.
Icône de l'architecture moderne, la Villa Savoye, comme posée sur un écrin de verdure, offre en effet de tous ses côtés et depuis chacune de ses pièces, un cadre unique vers l'extérieur grâce notamment à ses fenêtres en bandeau. Source d'inspiration de l'architecte, la nature paraît ainsi pensée à l'origine comme le quatrième habitant de cette maison, qui abritait le couple Savoye et leur fils. L'exposition proposée semble renforcer cette impression, en donnant à voir une sélection d'œuvres majeures du design, choisies avec soin au sein des collections du CNAP, et intégrées parfaitement dans le lieu, géré désormais par le CMN (qui fête ses 110 ans en 2024).
Dialogue, dialogues
Fruit de ce premier dialogue entre institutions,
Natures Intérieures convoque chacun des objets en écho avec l'architecture, pour provoquer de nouvelles 'conversations' entre l'intérieur et l'extérieur, entre les artistes et l'architecte, entre les œuvres et leur contenant, entre l'objet et l'usage de la pièce dans laquelle il se situe.
Ici, les "
Algues" des Bouroullec (Vitra, 2004) s'étendent au salon sur la baie vers la terrasse ; là, la table est dressée à la cuisine, assiettes, verres et couverts "Étrange végétation" signés Élisabeth Garouste et Mattia Bonetti (ed. Objets Pompadour, 1992)... Les dialogues s'enchaînent ainsi tout au long de la déambulation, tout en créant une nouvelle habitabilité de la maison, dans laquelle pas moins de 25 pièces design d'exception sont présentées.
Difficile de savoir si les Savoye, peu enclins à meubler leur intérieur semble-t-il, auraient approuvé ces choix, mais nul doute que Le Corbusier aurait apprécié cette mise en perspective singulière. Elle rappelle en effet son travail sur la nature et ses lignes, comme les dessins, issus de ses carnets et projetés en préambule à l'exposition, de ses "
objets à réaction poétique" en témoignent. L'architecte collectionnait en effet ces artefacts issus de la nature, ramassés à l'occasion de ses promenades ou ses voyages et dont certains sont visibles sous vitrine pour l'occasion (coquillages, galets, cailloux, os, pommes de pin, etc.). "
Il les appelait ses 'compagnons' de la nature", rappelle Céline Saraiva dans le dossier de présentation, et seront autant d'objets d'étude pour lui.
"Tel est un galet roulé par l'océan et tel autre une brique cassée arrondie par les eaux du lac ou de la rivière ; [...] des morceaux de pierre, de bois, bref l'infinité de témoins parlant langue de nature, caressés de vos mains, scrutés de votre œil, compagnons évocateurs... " Le Corbusier, Entretien avec les étudiants des écoles d'architecture, les éditions de Minuit.
Un dialogue qui en appelle d'autres encore...
Au vu du résultat avec cette exposition, difficile de ne pas appeler de ses vœux de prochaines collaborations aussi fructueuses en termes de valorisation des collections, des artistes et des lieux, entre le CNAP et le CMN. Rendez-vous est pris, selon Marie Lavandier, présidente du CMN et Béatrice Salmon directrice du CNAP car, comme le rappelle cette dernière, de telles initiatives permettent d'inviter le public
"à découvrir, au sein des monuments nationaux, des oeuvres issues de la collection du Cnap, et à poursuivre un dialogue entre passé et présent, entre histoire, architecture et création."