Pont de la porte de Vitry © Mairie de Paris
Le Pavillon de l'Arsenal sublime les transformations et controverses qui entourent l'architecture parisienne dans une exposition exceptionnelle. Paysagisme, urbanisme ou encore écologie sont questionnés à travers les siècles. Une rétrospective à ne pas manquer.
La capitale serait-elle ce qu'elle est aujourd'hui sans les débats autour de son architecture ? Au gré des époques, Paris se transforme, tout en gardant son caractère unique. Sa morphologie, ses bâtiments, ses jardins mais aussi ses habitants qui la définissent si bien sont mis en lumière dans la nouvelle exposition "
La beauté d'une ville", organisée du 27 mai au 26 septembre prochain au Pavillon de l'Arsenal, au cœur de la capitale.
"
L'esthétique de la ville est un sujet controversé, dans un pays marqué par les débats depuis le siècle des Lumières", avance Alexandre Labasse, directeur général du Pavillon de l'Arsenal, lors de la présentation de l'exposition, à laquelle nos confrères de Batiactu se sont rendus. "
Cette exposition et l'ouvrage dédié à ce thème, une référence dans ce domaine, retracent les controverses qui ont animé Paris."
L'installation interroge, au travers de sept thèmes, l'esthétique de la ville d'hier et d'aujourd'hui, bouleversée par la volonté de la municipalité de s'adapter aux enjeux climatiques et à la crise sanitaire. Les Parisiens eux-mêmes participent à cette métamorphose, en adoptant massivement la pratique du vélo. Pour interroger les fondamentaux de cette ville hors normes, le Pavillon de l'Arsenal a travaillé en étroite collaboration avec une cinquantaine d'architectes, artistes, commissaires d'exposition, historiens, paysagistes, philosophes, sociologues et urbanistes. 56 contributions, sous forme de textes, photographies, affiches et vidéos rythment l'exposition et démontrent comment la ville s'est construite et déconstruite au fil des siècles.
Découvrez quelques images de cette exposition à ne pas manquer.
La Seine, encore et toujours
Tableau de Paris Louvre la Seine © Paris Musées / Musée Carnavalet - Histoire de Pari
Les regards d'experts se croisent autour des controverses qui animent la fabrication de l'urbanisme de Paris depuis ses balbutiements. De Voltaire à Rousseau, en passant par Hugo, les grands hommes et artistes de cette ville ont pris position contre des projets urbains. Les voies rapides, la tour Eiffel, les immeubles haussmanniens, la fontaine Stravinsky, le Centre Pompidou ou encore les colonnes de Buren ont marqué l'histoire de la beauté de la ville, synonyme de techniques constructives diverses. Paris, vieille et nouvelle à la fois, abrite divers monuments, façades, couleurs et matériaux que le visiteur découvre dans cette exposition fascinante, faisant échos à des débats actuels.
Aujourd'hui, la municipalité veut donner plus de place à la nature mais aussi aux piétons et aux cyclistes. Un jardin éphémère a été conçu au centre du Pavillon par les paysagistes de Wagon Landscaping, afin de présenter les nombreuses espèces végétales de la tradition horticole des jardins parisiens d'hier, d'aujourd'hui et de demain.
"
La beauté d'une ville" rend aussi hommage à la Seine, qui traverse Paris. On y apprend qu'à la fin du XVIIIe siècle, les autorités royales demandent à la municipalité de supprimer les pratiques commerciales fluviales. Les controverses sont toujours multiples quant à l'usage du fleuve aujourd'hui, notamment à des fins industrielles.
La Seine, encore et toujours
Une morphologie atypique
Boulevard Haussmann, Paris © Charles Marville / BHVP
Élargissement des rues ou encore construction de places, les experts réunis autour de cette exposition interrogent la symétrie de la ville et les rythmes qui la composent. En 1832, Victor Hugo se positionne pour préserver le bâti existant. "
A Paris, le vandalisme fleurit et prospère sous nos yeux. Le vandalisme est architecte. Le vandalisme se carre et se prélasse. Le vandalisme est fêté, applaudi, encouragé, admiré, caressé, protégé, consulté, subventionné, défrayé, naturalisé. Le vandalisme est entrepreneur de travaux pour le compte du gouvernement. [...] Tous les jours, il démolit quelque chose du peu qui nous reste de cet admirable vieux Paris", avait-il écrit dans la revue des Deux Mondes, "
Guerre aux démolisseurs".
Paris est également reconnu pour son style haussmannien, qui mêle sobriété du bâtiment et abondance ornementale, mais aussi ses arcs et obélisque, tout comme la pyramide du Louvre. "
La morphologie de la ville, qui naît au XVIIIème siècle, œuvre à son embellissement", explique Alexandre Labasse, lors de visite. "
On joue sur les perspectives et les rythmes. Se pose alors la question de démolir pour embellir."
Une morphologie atypique
Quid du mobilier urbain ?
Mobilier urbain Paris © Charles Marville/ BHdV/ BHVP
L'urbanité est l'un des thèmes creusés par l'exposition, qui évoque les trottoirs faits de pavés de grès qui se généralisent finalement en asphalte coulé à chaud. "
Le trottoir naît en 1854", ajoute Alexandre Labasse. L'installation de 300 kiosques dès 1865 meuble la ville, tout comme la construction de 150 colonnes dédiées aux affiches des théâtres. "
Le mobilier urbain se développe très rapidement", détaille le directeur du Pavillon. Paris voit fleurir des bancs publics et des fontaines, que certains critiqueront, cataloguant le mobilier "
d'encombrant". "
L'affichage sauvage fait aussi parler de lui, les autorités avaient la volonté de le réguler." Sous Haussmann, l'alignement des arbres se fait de façon plus massive. On dénombre aujourd'hui plus de 100.000 arbres.
Quid du mobilier urbain ?
Le paysagisme à l'honneur
La tour Eiffel exposition beauté d'une ville © Ville de Paris / BHVP
Avec les arbres viennent les jardins et le paysagisme. Les débats tournent autour de la quantité, du nombre de jardins, squares et promenades et de la surface globale qu'ils occupent à la fin du XIXème et au début du XXème siècle. Les Buttes-Chaumont, le parc Monceau, les bois de Boulogne et de Vincennes sont créés entre 1853 et 1869. Le parc Montsouris et celui des Buttes-Chaumont ont été aménagés sur des terrains difficilement constructibles.
L'esthétique des jardins marque aujourd'hui l'identité profonde de Paris, avec ces jeux de plantations d'arbres et de fleurs qui changent à chaque saison. "
La place des jardins dans la ville est la meilleure manière de lire Paris pour prendre la mesure de la rareté de ses jardins", considère Alexandre Labasse. "
La ville a commencé à rattraper son retard en matière d'espace vert. La présence du végétal est toujours âprement discutée."
Le paysagisme à l'honneur
Formes et lignes, l'aménagement urbain
Affiche Non à l'autoroute Rive Gauche © Coll. Pavillon de l'Arsenal
"
L'aménagement de grandes infrastructures modifie le paysage urbain, comme les voies sur berge qui sont critiquées en 1972", raconte Alexandre Labasse. "
C'est un jeu de rythmes et de flux. On se pose alors la question de comment la ville peut se réadapter à l'automobile et au piéton. Vient ensuite la notion de graffiti, à repeindre ou à préserver." En effet, les riverains ont toujours débattu de la nécessité de certaines routes qui traversent la capitale. En 1972, des associations luttent contre la volonté présidentielle de construire une seconde voie express, sur la rive gauche du fleuve.
Formes et lignes, l'aménagement urbain
La capitale, un musée à ciel ouvert ?
Les Orgues de Flandre © Bibliothèque Forney / Roger-Viollet / ADAGP, 2021
Paris est reconnu internationalement pour ses monuments, musées, centres et installations artistiques. En 1985, le projet d'aménagement de la cour d'honneur du Palais-Royal fait débat, tout comme l'édification d'une pyramide en verre au milieu de la cour Napoléon du Louvre. Plus globalement, l'architecture haussmannienne est critiquée pour sa monotonie. La modification du plan d'urbanisme dans les années 1960 permet la construction d'immeubles plus hauts. Le Centre Pompidou provoque aussi un tollé.
La capitale, un musée à ciel ouvert ?
Une architecture de nécessité ?
Tanneries au bord de la Bièvre © Charles Marville / Musée Carnavalet - Histoire de
Ce n'est pas le seul monument à déchaîner les passions. Des artistes lancent une pétition contre l'érection de la tour Eiffel, Guy de Maupassant, qui la juge "
vertigineusement ridicule, dominant Paris, ainsi qu'une noire et gigantesque cheminée d'usine". D'autres parties essentielles de la ville ont presque été oubliées, à l'image de la Bièvre, cette rivière qui traversait la capitale. La municipalité veut aujourd'hui la réhabiliter, pour des enjeux de transition écologique.
Une architecture de nécessité ?
Paris écolo - "La beauté d'une ville", l'exposition qui rend hommage à Paris
La Bièvre rivière © Charles Marville /Musée Carnavalet
Le Paris des années 2020 se veut écologique. C'est ce qu'imagine le directeur du Pavillon, qui décrit cette décennie comme un "
urbanisme écologique". Alors que la maire de Paris opère un virage vert de sa politique pour déjouer les problèmes climatiques que subit la ville, à l'image des grandes canicules, les habitants aussi se mettent à modifier le paysage, avec des toits végétalisés et l'installation d'une agriculture urbaine dans les friches et sous-sols. La municipalité a également lancé en 2015 un "
permis de végétaliser", afin de participer à une meilleure biodiversité.
Paris écolo - "La beauté d'une ville", l'exposition qui rend hommage à Paris
Une ville hostile ?
Terrasse éphémère Paris © Encore Heureux Architectes_Pavillon de l'Arsenal
La beauté de la ville passe également par ce qu'en font ses habitants. L'exposition a recueilli de nombreuses photographies des 800 terrasses éphémères, installées durant la crise sanitaire. Un contexte exceptionnel qui a été photographié pour figurer le bouleversement de l'aménagement urbain, et la disparition d'une zone jusque-là réservée aux véhicules motorisés. "
Les habitants embellissent la ville, et les espaces, autrefois genrés, se redéfinissent", affirme le directeur du musée.
Infos pratiques :
Exposition "La beauté d'une ville"
Du 27 mai au 26 septembre, entrée libre
Pavillon de l'Arsenal
21 boulevard Morland, 75004 Paris
Une ville hostile ?