Une carte de France des loyers pour savoir si vous payez trop cher © iStock
L'Etat vient de mettre en ligne une carte interactive des loyers, commune par commune. Objectif : apporter un peu de "transparence" au marché de la location. Mais la carte comporte de nombreux flous.
L'idée était séduisante : pouvoir
connaître le montant des loyers pratiqués partout en France. Alors que la question fait régulièrement l'objet de débat, le gouvernement vient de mettre en ligne une carte interactive qui permet de connaître, commune par commune, les loyers pratiqués partout en France.
L'objectif était de pouvoir
"disposer d'indicateurs de loyer pour toutes les communes de France, utilisables par tous" a confirmé lors d'une conférence de presse le 3 décembre dernier Basile Pfeiffer, du bureau des études économiques sur la politique du logement de la DHUP (direction de l'habitat, de l'urbanisme et du patrimoine). L'outil est ainsi
disponible sur le site du ministère de la Transition écologique, dont dépend le Logement.
L'internaute peut zoomer et cliquer sur la commune de son choix pour savoir quel loyer (au mètre carré) attendre pour un appartement ou une maison. Derrière ce projet, discrètement annoncé en 2019 par le ministère, il y a l'idée de rendre le marché du logement plus transparent. La carte doit
"être utilisable par tous, à la fois les propriétaires, les locataires et les professionnels de l'immobilier", a insisté Basile Pfeiffer.
carte interactive des loyers © capture d'écran
Le sujet des loyers est politiquement sensible car ressurgit régulièrement la question de leur
encadrement dans un contexte de hausse continue des prix sur le marché de l'immobilier, celle-ci persistant pour l'heure malgré la crise économique et sanitaire. Les villes de Lille et
Paris, notamment, ont instauré un plafonnement et plusieurs autres métropoles, dont Lyon et Bordeaux, viennent de demander au gouvernement à faire de même.
Une carte qui manque de précision
Pour réaliser cette carte, ses créateurs ont
compilé une dizaine de millions d'annonces fournies par les grands sites actifs dans le secteur : Leboncoin, SeLoger et PAP. Une base de données qui constitue une base de travail intéressante, mais qui ne fournit pas une photographie très précise de la situation. L'outil comporte même de
nombreux flous.
Tout d'abord, la carte ne dresse qu'
un tableau figé sur l'année 2018, alors que les prix du marché ne cessent d'évoluer. Ensuite, il y a une marge d'imprécision puisque ce ne sont que des annonces et non des baux signés qui ont servi de référence.
Cette nouvelle carte n'apporte pas non plus de grande nouveauté pour les grandes agglomérations, où des observatoires publics existent déjà et fournissent des données de référence sur les loyers. L'enjeu était donc plutôt d'établir quels sont les loyers dans le reste de la France, à savoir les villes moyennes et petites, ainsi que dans les zones rurales (ce qui représente en gros la moitié des logements loués dans le pays). Or
de nombreuses communes n'ont tout simplement pas de données : près d'un tiers ne disposent en effet pas d'annonce pour un appartement. Dans ces cas-là, il a donc fallu extrapoler à partir de communes semblables.
Avec toutes ces imprécisions, cette carte peut-elle vraiment servir aux propriétaires et leurs futurs locataires ?
"Sur le principe, c'est bien d'avoir un dispositif qui donne une idée de la valeur du marché", estime David Rodriguez, juriste auprès de l'association de consommateurs CLCV interrogé par l'AFP. Mais
"ce n'est pas assez rigoureux" pour qu'un propriétaire ou un locataire fasse son choix, tranche-t-il, regrettant notamment que la carte fasse le choix de donner les loyers avec les charges comprises alors que celles-ci varient beaucoup selon la nature et l'état du logement.
Les créateurs du projet ne cachent pas qu'il n'en est qu'au stade expérimental. C'est désormais à l'agence publique d'information sur le logement, l'Anil, de voir quel usage en faire et comment l'affiner.
"On est encore assez loin de pouvoir utiliser ces données pour la politique du logement", admet Basile Pfeiffer, qui pense que la carte pourrait être actualisée d'ici à deux ans.
"Dans une deuxième phase, la méthodologie devra être consolidée, l'actualisation organisée et l'aspect partenarial renforcé", explique-t-il.