La Métropole de Grenoble, qui regroupe 21 communes et dont l'
encadrement des loyers est entré en vigueur le 20 janvier 2025, est la dernière collectivité en date à l'avoir mis en place. Elle vient garnir une liste de plus en plus longue : Paris, Lille, Plaine Commune, Est Ensemble, Lyon, Villeurbanne, Montpellier, Bordeaux et 24 communes du Pays Basque. Elles ont toutes mis en place un encadrement des prix, permis à titre expérimental et dans les
"zones tendues" par la loi Alur de 2014 et la loi Elan de 2018. Ainsi, dans ces collectivités, le loyer ne peut pas dépasser de plus de 20% un loyer médian fixé par arrêté préfectoral, qui dépend du nombre de pièces du logement, de sa date de construction et de son emplacement.
De premiers effets mesurés
Elles tentent ainsi de contenir la hausse des prix du marché locatif privé qu'ont connu leurs territoires ces dernières années, malgré la présence d'une autre obligation, celle-ci valable pour tous les bailleurs : la revalorisation d'un loyer, possible à la date d'anniversaire d'un bail, ne doit pas dépasser l'indice de référence des loyers (IRL) établi par l'Insee chaque année en fonction de l'inflation. Une mesure qui a eu du mal à contenir à elle seule la hausse des loyers en zone tendue : à Paris le loyer mensuel médian est passé de 31 euros par mètre carré en janvier 2016, à 36 euros en juin 2019, selon les données du cabinet Yanport. Une hausse bien plus importante que celle de l'inflation sur cette même période.
Alors quels sont les premiers effets de l'encadrement des loyers dans les communes qui ont décidé de le mettre en place ?
Une étude de l'Apur (Atelier parisien d'urbanisme, NDLR), menée en partenariat avec la Ville de Paris, a révélé qu'entre juillet 2019 et juin 2023, l'encadrement des loyers avait permis de contenir la hausse des loyers de 4,2% par rapport à une situation sans encadrement. Une modération qui, selon l'étude, aurait tendance à se renforcer dans le temps.
"Ils ont comparé l'évolution des loyers à Paris à celles de villes comparables, mais qui ne sont pas soumises à l'encadrement", précise Clément Pavard, directeur des études adjoint à l'Agence nationale de l'information sur le logement (Anil), contacté par
Batiactu.
Les locataires en position de faiblesse
Par ailleurs, le nombre de baux qui ne respectent pas l'encadrement des loyers diminue légèrement avec le temps. Sur l'ensemble de la France, 28% des annonces ne respectaient pas l'encadrement des loyers en 2024, contre 32% en 2022, selon le 4ème baromètre de l'encadrement des loyers de la Fondation Abbé Pierre (désormais appelée la Fondation pour le logement des défavorisés, NDLR). A Paris en revanche, où le marché est particulièrement tendu, la situation stagne.
"Le mécanisme est en défaveur des locataires, qui ont souvent peur d'entamer des démarches auprès de leur propriétaire", résume Clément Pavard.
Aucun contrôle n'est en effet opéré par les pouvoirs publics : c'est au locataire d'entamer des démarches auprès de son bailleur pour l'enjoindre à respecter la loi. Il risque une amende administrative de 5.000 euros s'il s'agit d'une personne physique et de 15.000 euros pour une personne morale.
"Aujourd'hui, ce qui manque, c'est un véritable contrôle. J'ai été amené à saisir la DGCCRF en disant qu'il y a une loi et que ce serait logique que ce soit eux qui soit en charge de la faire appliquer", estime le maire de Villeurbanne, Cedric Van Styvendael (PS), contacté par
Batiactu.
Dans sa commune, l'édile a pu observer directement les effets de l'encadrement des loyers en vigueur depuis le 1er novembre 2021 (comme à Lyon, NDLR).
"Par rapport à la hausse des loyers qu'a connue la commune avant 2021, nous observons depuis un net ralentissement", estime-t-il. Mais les locataires, confrontés à un marché locatif très tendu, sont encore peu nombreux à faire valoir ce droit lors d'une situation de dépassement.
"Il y a un enjeu à faire connaître ce dispositif", affirme le maire, qui organise dans sa ville des réunions publiques pour informer sur le sujet.
Constitution d'un réseau de collectivités
Du côté de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim), le son de cloche n'est pas le même.
"Il s'agit d'une mesure extrêmement nocive et dévastatrice pour le marché locatif", déplore Loïc Cantin, le président de la Fnaim, contacté par
Batiactu, qui appelle le ministère du Logement, comme il l'a promis, à publier un rapport sur l'efficacité de ce dispositif. Le professionnel regrette également un encadrement qui est identique
"que l'on soit classé B ou F", et souhaiterait au contraire la mise en place d'une
"bonification sur les travaux de rénovation énergétique engagés par le bailleur".
Car l'encadrement des loyers n'est qu'un dispositif expérimental et prendra fin en novembre 2026, comme le prévoit la loi Elan du 23 novembre 2018. De nombreux maires de grandes communes françaises, comme Anne Hidalgo, Martine Aubry, Grégory Doucet ou Pierre Hurmic, ont signé la tribune "L'encadrement des loyers ne doit pas s'éteindre, mais être conforté et renforcé", publiée le 13 janvier 2025 dans le journal
Le Monde. Ils y annoncent notamment se constituer en réseau, afin de faire remonter aux pouvoirs publics des propositions pour améliorer ce dispositif et surtout, le pérenniser.