Acheter un bien : Les notaires incités à baisser leurs tarifs

    Publié le 24 juillet 2014 par Sébastien Chabas - Batiactu / Maison à part
    Dans la ligne de mire de Bercy, les notaires - auditionnés dans le même temps par l'Autorité de la concurrence - sont incités à revoir le calcul de leurs tarifs lors de l'achat d'un bien immobilier. Interview du Conseil supérieur du Notariat.
    En tant que profession réglementée, les notaires figurent bien dans le viseur de Bercy.
    En effet, un rapport de l'Inspection générale des finances (IGF), qui a fuité la semaine dernière dans Les Echos et qui réapparaît dans le journal Le Monde, indique que les notaires gagnent en moyenne plus de 13.284 euros par mois (Ndlr : revenu net mensuel médian signifiant que la moitié de la profession gagne moins que ce revenu et que l'autre moitié touche plus).
    Saisie par le ministère à la suite de la publication du rapport, l'Autorité de la concurrence a débuté ses auditions ce mercredi. Invités à essuyer les plâtres, les notaires, officiers publics ministériels, ont ainsi dû fournir les éléments chiffrés de leur profession afin que le Gendarme de Bercy puisse établir un "diagnostic strictement juridique et consultatif". Les premières conclusions de cet avis devraient être rendues, d'après nos informations, à la rentrée prochaine.
    Au final, deux questions leur ont été posées : quelle ligne de partage entre les activités qui relèvent de missions de service public et celles qui participent d'une logique économique ? Quels objectifs et quelle méthode pour fixer et réviser les tarifs de la profession ?
    Objectif : faire baisser les tarifs des notaires jusqu'à 20 %
    Car l'objectif du rapport de l'IGF est clair : faire baisser les tarifs des notaires jusqu'à 20 %. Sachant que leurs activités immobilières génèrent près de la moitié de leurs revenus, l'axe de travail est tout trouvé.
    Pour rappel : à l'heure actuelle, le tarif d'un notaire lors d'une transaction est proportionnel à la valeur mentionnée dans l'acte.

    Les pistes retenues dans le rapport

    La première idée des auteurs du rapport consisterait donc à ne plus appliquer cette proportionnalité lors de l'achat du bien immobilier. Même si, toutefois, l'IGF reconnaît que ce prix ne tient pas compte de "la complexité du dossier ou du temps effectivement passé" par le professionnel, cite le journal Les Echos.
    Reste que ce procédé serait à l'origine d'une hausse du tarif des notaires - proportionnelle à celle des prix immobiliers - de "68 % entre 1981 et 2011". "Des tarifs inférieurs de 20 % se traduiraient, toutes choses égales par ailleurs, par des marges comprises entre 12,5 % et 25 %",précise l'IGF.

    D'autres pistes pour réduire les coûts

    Pour réduire le prix des prestations, l'IGF souhaiterait également inciter le Gouvernement à autoriser les notaires, comme d'autres professions réglementées, à s'installer librement en France. Pour l'heure en effet, ils doivent, pour ouvrir leur étude, non seulement obtenir un agrément du ministère de la Justice, mais aussi acheter leur charge ce qui, note le rapport, représente en moyenne actuellement un investissement de plus de 650.000 euros, en hausse de 12,2% par rapport à 2005.
    Autre piste souvent évoquée et remise sur le tapis par l'IGF : supprimer leur monopole sur la rédaction des actes soumis à publicité foncière.
    Enfin, pour rendre plus transparents les coûts fixés par les études, l'IGF propose de donner aux actes du "service universel" un financement explicite, soit par l'impôt, soit par une cotisation de péréquation. Les notaires estiment que ces actes sont peu rentables, voire s'effectuent à perte pour eux, ce qui expliquerait pourquoi ils élèvent les coûts des autres services afin d'équilibrer leurs comptes.

    Vers un apaisement avec Bercy ?

    La profession ne restera pas sans réponse face à ces propositions. Jean Tarrade, Président du Conseil supérieur du notariat, a d'ailleurs insisté devant l'Autorité de la concurrence sur le fait que "les notaires sont ouverts aux discussions sur une réforme de leurs tarifs qui datent de 1978 !". De son côté Bercy a d'ores et déjà promis une concertation. A la Chancellerie enfin, ministère de tutelle des notaires, on ne fait en revanche aucun commentaire pour le moment.
    "Il y aura des arbitrages du Premier ministre dans les prochains jours pour clarifier la prise en charge de ce dossier par chacun des ministères concernés", nous confie-t-on de source gouvernementale...
    Découvrez en page 2 l'interview du porte-parole du Conseil supérieur du notoriat, Laurent Mompert
    Acheter un bien : Les notaires incités à baisser leurs tarifs

    Trois questions à Laurent Mompert, porte-parole du Conseil supérieur du notariat

    Laurent Mompert, porte-parole du conseil supérieur
    Laurent Mompert, porte-parole du conseil supérieur © CSN
    Maison à part : Le ministre Arnaud Montebourg vient de rouvrir les hostilités contre "le monopole et les privilèges" de certaines professions, dont celle des notaires. Comment réagissez-vous au rapport de l'IGF dévoilé par la presse ?
    Laurent Mompert:
    L'ensemble de la profession, soit 9.500 notaires et 47.000 collaborateurs, est entièrement choquée par la méthode employée par le ministre Arnaud Montebourg. En tant qu'officiers publics, nous n'avons pas du tout été consultés par notre autorité de tutelle, la Chancellerie, et encore moins par les services de Bercy. La méthode est, en effet, choquante, car on nous présente comme des rentiers dans ce document, ce qui est faux.
    Cela nous donne ainsi l'occasion de lutter contre cette idée reçue selon laquelle les professions réglementées sont des freins à la croissance et qu'elles captent une partie du pouvoir d'achat des Français. Nous participons à la croissance, par exemple, en recevant tous les jours des chefs d'entreprise dans nos études pour les aider à construire leurs projets. Les pays en croissance sont d'ailleurs des pays avec un notariat fort, comme l'Allemagne...
    Nous sommes respectueux des institutions et nous répondons bien entendu aux questions de l'Autorité de la concurrence pour qu'elle puisse rendre son avis - consultatif - sans doute vers la fin de l'année. Nous notons qu'il semblerait que le Gouvernement soit relativement pressé sur ce dossier pour le saisir dès le premier conseil des ministres, ce qui n'est absolument pas cohérent.
    Maison à part : Le rapport remet en question le coût élevé du service rendu, qu'en pensez-vous et confirmez-vous les chiffres dévoilés dans la presse ?
    Laurent Mompert :
    Nous sommes, je le répète, des officiers publics nommés par le Garde des Sceaux. Le notariat est un service public, présent partout sur le territoire. Ce qui implique d'avoir un tarif, fixé par le Gouvernement, justifié par le fait que chaque citoyen a accès au service proposé par le notariat partout où il se trouve. Concernant les chiffres révélés dans ce rapport de l'IGF, nous les contestons. Nous sommes loin des chiffres mentionnés dans la presse et nous refusons de les commenter pour le moment.
    Maison à part : La mise en place d'un forfait n'est-il pas plus justifié que le pourcentage sur les ventes immobilières ?
    Laurent Mompert :
    Le tarif des notaires est redistributif, les actes les plus importants payent les actes plus petits afin de maintenir l'équilibre de l'office. Beaucoup d'actes dans nos études sont en effet effectués à perte. C'est le cas d'entre 50 et 70 % d'entre eux comme, par exemple, les ventes immobilières à faible prix. Les affaires plus importantes permettent d'équilibrer les finances. La suppression du tarif et l'instauration d'un tarif forfaitaire entraînerait une augmentation du coût des petits actes et pénaliseraient les classes moyennes. Ceux qui auront les moyens de négocier le prix des actes seront ceux qui concluent les actes les plus importants.
    Trois questions à Laurent Mompert, porte-parole du Conseil supérieur du notariat
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