Depuis le début de l'année, les conditions d'accès au crédit se sont fortement durcies. L'étau se resserre sur les emprunteurs, entre des taux d'emprunts qui augmentent et un taux d'usure légal qui, lui, évolue beaucoup plus lentement. Les banques sont plus regardantes sur la localisation et la qualité des biens achetés.
Dans le contexte actuel de hausse des taux de crédit, mais également d'envolée des prix des matières premières, le courtier en prêt Vousfinancer a sondé début avril ses 200 agences pour connaître l'impact de ce printemps particulier, tant sur les critères d'octroi de crédit des banques que sur le moral et les préoccupations des acheteurs. Clairement, les agences notent
un durcissement des conditions d'emprunt de la part des banques mais aussi
une inquiétude latente chez les potentiels emprunteurs, entrainant parfois des comportements attentistes.
Depuis le début du mois de mars, dans un contexte marqué par le conflit en
Ukraine, la hausse du coût des matériaux, de l'énergie et des matières premières, mais également les prix de l'immobilier élevés, les banques sont plus attentives à la qualité des dossiers de prêt. 70% des courtiers Vousfinancer ont constaté
"un durcissement dans la façon d'étudier les dossiers de crédits",
essentiellement concernant l'apport personnel, aujourd'hui indispensable, mais aussi l'épargne après projet, afin de permettre aux emprunteurs de faire face à d'éventuelles dépenses imprévues.
La
situation professionnelle, et notamment l'ancienneté des emprunteurs, est également un critère important.
"Les banques demandent actuellement toute systématiquement de l'apport personnel, au moins 10% du montant du bien, et une épargne après opération qui ne sera pas mis dans le projet, mais servira à éviter la souscription d'un crédit à la consommation en cas de dépenses imprévues, comme des travaux de toiture, en limitant ainsi le risque de surendettement ou de non remboursement du crédit", analyse Julie Bachet, directrice générale de Vousfinancer. La somme demandée varie d'une banque à l'autre et dépend de la situation des emprunteurs, mais
correspond en général à quatre à six mensualités de prêt.
Plus précisément, les banques sont
plus exigeantes sur le reste-à-vivre selon 60% des courtiers répondants afin de permettre aux emprunteurs de pouvoir faire face notamment à la hausse des dépenses d'énergie, du carburant et globalement à l'inflation. D'ailleurs, selon 51% des courtiers, les banques sont également plus attentives qu'auparavant à la localisation du bien et notamment l'éloignement par rapport au lieu de travail.
"Nous avons eu des refus de prêt à cause de l'éloignement du bien par rapport au lieu de travail, en raison de la charge financière trop importante que cela allait représenter en terme de carburants, voire même d'achat d'une deuxième voiture. Cela peut poser problème si la distance est supérieure à 50 km notamment, mais même en dessous, certaines banques limitent l'endettement maximum à 30% pour que l'emprunteur puisse faire face aux dépenses engendrées", analyse Sandrine Allonier, directrice des études de Vousfinancer.
"Même si cela ne conduit pas systématiquement à des refus, le thème de l'éloignement domicile travail est désormais plus fréquemment abordé" continue Sandrine Allonier, qui a calculé que réaliser 100 Km par jour chacun pour un couple représente un coût de 500 € par mois (hors péage) pour le ménage.
Le DPE est devenu un critère fondamental pour certaines banques
D'après le sondage réalisé par Vousfinancer, 60% de ses courtiers trouvent que les banques sont désormais
plus attentives à la vétusté du bien (isolation chaudière) et
au montant des travaux potentiels dans l'ancien, en lien avec la hausse du coût des matériaux. Elles sont également plus attentives, selon 52% des courtiers, à la performance énergétique du bien pouvant avoir un impact sur le budget énergie des acquéreurs, mais également sur des travaux éventuels à prévoir.
"Certaines banques sont plus attentives que d'autres à la performance énergétique des logements. Il peut arriver qu'elles soient alors plus vigilantes à l'endettement des clients afin d'anticiper un éventuel prêt travaux ou consommation dans les mois ou années à venir. Globalement, elles sont actuellement plus regardantes sur la nature des travaux à effectuer, leur coût et les délais" explique Sandrine Allonier.
La hausse des taux, cumulé au taux d'usure légal, conduit à de nombreux refus
Depuis le début de l'année, les taux de crédit sont passés de 1,20 à 1,50% en moyenne sur 20 ans, mais certaines banques affichent des hausses de taux sur leurs barèmes de 0,6% en seulement trois mois, estime le courtier. Ce, alors que les taux d'usure eux (taux maximum au-delà desquels une banque n'a pas le droit de prêter) n'ont pas évolué.
Ainsi près de 75% des agences Vousfinancer se sont heurtées à des refus de crédit depuis le début du mois de mars en lien avec le taux d'usure ou le taux d'endettement des emprunteurs.
"Dans certaines agences, c'est 20% des dossiers qui ne passent plus à cause du taux d'usure, un problème qui concerne désormais des dossiers d'emprunteurs, non plus seulement avec un problème de santé ou âgés, mais dès 45 ans !", s'exclame Julie Bachet.
Il faut désormais gagner 200 euros supplémentaires par mois pour emprunter la même somme qu'il y a trois mois
Par exemple, sur 20 ans, pour 200.000 euros empruntés par un couple de 45 ans avec 60.000 euros de revenus, le taux proposé est de 1,55%, avec une assurance à 0,35% à 50% sur chaque tête, soit un TAEG, tous frais inclus à 2,45%, supérieur au taux d'usure à 2,40%, expose Vousfinancer. Mécaniquement, la hausse des taux de crédit fait augmenter le taux d'endettement des emprunteurs,
"à moins de revoir à la baisse l'enveloppe de crédit qu'ils voulaient et donc de modifier leur projet".
"Pour emprunter 300.000 euros sur 20 ans, il faut actuellement gagner 4.280 euros nets par mois au lieu de 4.086 euros en janvier, soit 200 euros de plus par mois qu'au début de l'année, pour respecter un endettement de 35%. Pour beaucoup d'emprunteurs, ça coince..." analyse Julie Bachet.
86% des courtiers Vousfinancer ayant répondu à l'enquête interne ont constaté une inquiétude plus forte chez leurs clients en raison du contexte, avec des interrogations sur l'évolution des taux et des prix de l'immobilier, et des matériaux. 31% ont eu récemment le cas de clients ayant fait évoluer leur projet en raison du contexte, en achetant finalement un bien avec moins de travaux, moins loin de leur lieu de travail ou en modifiant leur projet de construction... Un tiers des courtiers notent également que les acheteurs sont plus attentifs au DPE et donc à la performance énergétique du bien qu'ils achètent, en vue de pouvoir maitriser leurs dépenses futures.
Pour autant, le marché reste tout de même
"très dynamique", tempère Julie Bachet,
"avec certaines zones toujours tendues connaissant un manque d'offres". "L'immobilier reste une valeur refuge et ceux qui veulent acheter sont toujours très nombreux. Nous ne ressentons pas de réelle inflexion dans la demande".