Calculatrice - crédit © DragonImages
En matière d'
achat d'une résidence principale, secondaire ou d'investissement locatif, l'obtention d'un
crédit immobilier auprès de sa banque est souvent le nerf de la guerre. Mais aujourd'hui,
obtenir un prêt est difficile, voire impossible pour le tout-à-chacun selon de nombreux observateurs du secteur. Selon eux, les règles d'octroi mises en place depuis le 1er janvier 2022 par le Haut conseil de stabilité financière, et que les banques ont l'obligation de respecter, sont trop restrictives. Réuni ce 13 juin pour sa réunion trimestrielle, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF) devait donc examiner les mesures en place et entériner la décision de confirmer la mensualisation du
taux d'usure, le taux maximal au-delà duquel les banques ne peuvent proposer de crédit, au moins jusqu'à la fin de l'année. Ce dernier point est bien acté. En revanche, le HCSF,
"Prenant acte de certaines difficultés opérationnelles rencontrées par les banques" n'a décidé que l'introduction de "
deux ajustements techniques*", indique son communiqué, fléchés notamment vers l'investissement locatif. Mais il n'a pas touché
aux règles de calcul du taux d'effort (soit le montant total des dépenses liées à l'habitation rapporté aux revenus)
ni à son plafond, fixé à 35%, ni à la durée maximale de prêt, limitée à 25 ans.
*Les ajustements apportés par le HCSF ce 13 juin : les prêts facilités pour l'investissement locatif
Pour octroyer un crédit immobilier, les banques doivent respecter
le plafond du taux d'usure, révisé
mensuellement (soit le taux maximal du crédit), vérifier que le
taux d'effort de l'emprunteur ne dépasse pas 35% et enfin, permettre une
durée maximale du prêt de 25 ans. Des règles posées notamment en début d'année, pour répondre à la hausse des taux d'intérêts. Une certaine marge de manœuvre existe tout de même :
les banques peuvent déroger à ces principes, pour 20% des crédits qu'elles accordent. Une agilité qui reste néanmoins contenue : en effet, sur cette enveloppe, 80% devaient aller au profit des prêts finançant une primo-accession. L'ajustement technique de ce 13 juin consiste à augmenter
cette part de crédits libres d'affectation à tout type de produits immobiliers à 30%, mais sans toucher au rapport précédent concernant le premier achat de sa résidence principale :
"L'objectif est de pouvoir maintenir la distribution en volume notamment des crédits qui ne sont pas affectés à la résidence principale" précise le ministère de l'économie, en faveur
"par exemple de l'investissement locatif". Un "
assouplissement" bien vu pour les banques, par la voix de la Fédération bancaire française, qui a réagi auprès de l'AFP, même si elles auraient préféré pouvoir être entièrement libres d'utiliser ces 20% comme elles l'entendent. L'autre ajustement, encore plus technique, concerne la période de lissage pendant laquelle les banques peuvent utiliser cette enveloppe qui est également assouplie. Au final, trois milliards de crédits supplémentaires pourraient ainsi aller vers l'investissement locatif, selon le HCSF.
De l'"homéopathie" dénonce CAFPI, pour soigner la "bombe sociale du logement"
Une décision dénoncée par certains professionnels, comme le courtier immobilier CAFPI, qui parlent de mesures "d'
homéopathie." Même son de cloche chez le réseau de courtage Finance Conseil :
"Le Haut Conseil de la Stabilité Financière assouplit certes, mais de manière minimaliste et tardivement", précise sa directrice juridique dans un communiqué. Dénonçant une "
intervention sporadique", là où il aurait fallu
"des mesures fortes." Pour Guillaume Autier, dirigeant du groupe MeilleurTaux "La France reste ce pays où, lorsqu'un marché connaît un ralentissement de 40%, les régulateurs se demandent comment prendre toute mesure pour éviter qu'il ne redémarre trop fort ou trop rapidement."
Pour ces professionnels, la crise que connaît le logement est majeure, tandis que le HCSF leur répond
agir pour la protection des consommateurs contre le surendettement. Selon les chiffres du dernier Observatoire Crédit Logement,
la chute des obtentions de crédit est spectaculaire, avec à la fin avril 2023, -40% de prêts accordés sur un an et au global, un nombre d'octrois au plus bas depuis dix ans. Pour la Banque de France,
il ne s'agit que d'une régulation du marché après des années d'euphorie poussées par des taux d'intérêts quasi nuls.
Les différentes crises passées et actuelles entraînent de l'
inflation et une baisse du pouvoir d'achat. Les taux d'intérêt jusqu'alors très bas, ont été remontés, impactant fortement le marché. Les prix dans l'ancien commencent à baisser, tandis que dans le neuf, la construction est en berne, du fait notamment de la hausse des coûts des matériaux, et du foncier. Le secteur est entré dans une crise qui inquiète et
les mesures attendues et annoncées par le gouvernement n'ont pas totalement satisfait.
Pour certains professionnels de l'immobilier, les conditions imposées par le HCSF n'arrangent pas les choses, en restreignant trop fortement l'accès au crédit immobilier au plus grand nombre, au risque de gripper encore plus le marché. Acheter ou investir, un rêve qui ne serait désormais accessible qu'aux plus riches ?
De son côté, le Haut Conseil rappelle dans son communiqué du 13 juin, que sa décision concernant les conditions d'octroi de crédit immobilier
"vise à contenir une possible dérive des conditions d'octroi dans un contexte de normalisation des taux d'intérêt, et donc à maîtriser les risques pour la stabilité financière en rendant le crédit plus sûr : la mesure participe de la robustesse du modèle français de crédit immobilier, en prévenant une augmentation du risque de crédit des ménages emprunteurs". Et il ajoute
"La France garde par ailleurs le taux de crédits immobiliers le plus bas des grands pays européens et une des productions de crédit immobilier les plus dynamiques."
La hausse des taux d'intérêts, finalement, comme nous le confiait récemment un acteur du secteur,
"rappelle à tous que l'argent a un coût." Ce que
souligne aussi la Banque de France en publiant une tribune de l'économiste Agnès Bénassy-Quéré. Hors de question pour les autorités de plonger dans une crise du surendettement, comme ont pu connaître les États-Unis avec les
subprimes... Reste un équilibre à trouver, qui satisfasse le plus grand nombre, ce qui n'est pas chose aisée.