"Mieux se comprendre pour mieux s'entendre", Serge Ivars, président de l'Unis

    Publié le 19 novembre 2009 par Propos recueillis par Pauline Polgar
    Loi Boutin, polémique sur les contrats de syndics, effets de la crise... Retour sans tabou avec le président de l'Union des syndicats de l'immobilier, Serge Ivars, sur une année 2009 riche en actualités pour la copropriété. Pour lui, l'importance du dialogue est primordiale et les polémiques n'ont fait que ternir l'image de la copropriété en elle-même. A noter que l'Unarc a exercé un droit de réponse sur cette interview.
    Maison à part : Début 2009, vous nous parliez d'une année à venir difficile, quel bilan dressez-vous finalement pour les copropriétés ? Loi, effets de la crise... Comment se portent la copropriété aujourd'hui ?
    Serge Ivars : La copropriété vit comme d'habitude. Elle s'est habituée à toutes ces modifications législatives ou réglementaires qui lui tombent dessus. En tant que professionnels, nous sommes aussi habitués à gérer le stress. Cette année, le stress quotidien a été aggravé par la crise, qui a créé plus de tensions et de problèmes que d'habitude, liés à la situation personnelle de nos clients. Perte d'emploi, salaire et niveau de vie à la baisse, tout cela a bien sûr un impact sur les copropriétés : paiement des charges, fait de lancer des travaux ou non... Le climat a été tendu, il y a eu parfois nécessité d'aller plus loin dans les explications et aussi bien sûr, des passages difficiles. Mais globalement, nous nous en sortons plutôt bien.
    Maison à part : Et en ce qui concerne les charges ?
    Serge Ivars : L'étude de l'Observatoire des charges de la copropriété sera rendue publique le 2 décembre prochain. Tout ce que je peux vous dire pour l'instant, c'est que cela est moins pire que ce que cela aurait pu l'être.
    Maison à part : Parmi les enjeux de la copropriété aujourd'hui, il y a également le développement durable... Quelles sont vos actions dans ce domaine ?
    Serge Ivars : Nous sommes très en pointe là-dessus. La Cnab consacrait tous les ans, un volet à cette question. Devenus Unis, nous continuons. Nous avons même lancé un concours pour stimuler les initiatives des copropriétés (voir article). Toutes comprennent l'importance d'aborder cette question, leur intérêt à faire des économies d'énergie, etc. Elles sont convaincues. Mais reste qu'après la conviction est abordée la question du coût, comme de l'amortissement des travaux éventuellement engagés... Cela ralentit les initiatives et la crise n'a rien arrangé sur ce point. Le développement durable, là-aussi, nécessite beaucoup d'explications et de pédagogie. Ce n'est pas aussi simple à mettre en place.
    L'arrêté : fin de la polémique ?
    Serge Ivars
    Serge Ivars © Serge Ivars, président de la Cnab - CNAB
     Maison à part : Passons au sujet qui fâche et qui a encore alimenté les polémiques cette année : les contrats de syndics. Pour vous la prise de l'arrêté est-elle finalement une bonne chose, un moyen de calmer les esprits ?
    Serge Ivars : Spontanément, je trouve ce tapage médiatique alimenté par les associations, totalement inutile et regrettable. Il se fonde en plus sur de faux éléments. Trois enquêtes successives de l'administration disent que la profession s'est mise en conformité avec l'avis du CNC !
    Maison à part : Mais ce que reprochent notamment les associations, c'est le nombre de contrats examinés par l'administration...
    Serge Ivars : Lorsque l'Arc s'est levée devant le CNC, pour remettre en cause son enquête, je peux vous dire que le président de la DGCCRF a su couper court à ses arguments ! Si l'administration dit que les syndics jouent le jeu, c'est qu'ils jouent le jeu. La copropriété est une institution fantastique, formidable. 8 ou 9 millions d'appartements sont en copropriété aujourd'hui, 20 millions de Français ont pu accéder à leur rêve d'être propriétaires ! Mais voilà, il y a le "co" devant. La collectivité est une chose compliquée, les passions se déchaînent, l'intérêt personnel, pour certains, prime parfois sur l'intérêt collectif... mais de là à dire, comme certaines associations de consommateurs veulent le faire croire, que c'est la guerre tous les soirs en assemblée générale, cela me rend fou ! Malheureusement, ce n'est que cette image néfaste qui est renvoyée, ce ne sont que ces échos qui sont encore trop souvent écoutés, notamment par les députés.
    Maison à part : Reste que le ministre s'est finalement rangé du côté des associations en annonçant la prise de l'arrêté.
    Serge Ivars : Alors que la veille, il nous disait le contraire ! C'est pour cela que la Fnaim a notamment parlé de trahison... Vous savez, ce n'est pas à la profession que toutes ces histoires donnent une mauvaise image, c'est à la copropriété en elle-même. Je vous invite à assister à des assemblées générales : je le répète, toutes ne sont pas le déchaînement de passions tel que l'on voudrait nous le faire croire ! Je veux pousser un cri de révolte là-dessus, il y en a assez de parler dans le désert ! Après cela, sur l'arrêté en lui-même, que voulez-vous que je vous dise ? Nous nous sommes engagés à respecter l'avis du CNC, nous le respectons, comme l'administration l'a reconnu dans ces différentes enquêtes. Maintenant que le dispositif réglementaire ne soit pas un prétexte pour en profiter et nous rajouter des choses dedans ! L'avis du CNC représente déjà 18 mois de travail que l'on doit respecter. Maintenant, il est vrai qu'après tout cela, de ce point de vue-là, notre confiance est maintenant limitée...
    Une période d'esssai pour les syndics ?
    immeubles parisiens
    immeubles parisiens © Kiko - MAP
     Maison à part : Le CNC devrait plancher plus généralement sur le mode de désignation et de révocation des syndics et notamment sur la possibilité d'une période d'essai pour les syndics...
    Serge Ivars : Nos mandats sont déjà de un an et vous voudriez que nous ayons en plus une période d'essai de trois mois ! Il faut arrêter ! J'espère que cela sera étudié calmement, que l'on écoutera tout le monde. A cause de certaines associations dont le fond de commerce est de décrédibiliser notre profession, beaucoup de copropriétés ne donnent en effet qu'un an de mandat à leur syndic, au lieu des trois ans théoriques. Ce n'est pas une bonne chose car cela dédouane le professionnel de s'investir, on ne lui en donne pas assez le temps ! Alors un syndic à l'essai... On va tuer encore un peu plus la qualité professionnelle.
    Maison à part : Face à tant de polémiques avec les syndics, certaines copropriétés envisagent de ne pas ou plus y avoir recours... Qu'avez-vous à leur répondre ? Donnez-nous trois bonnes raisons de toujours faire appel à un syndic.
    Serge Ivars : Je vais vous donner trois bonnes raisons. Premièrement, la complexité de la tâche : être syndic cela nécessite une formation et une information constante sur les réglementations. Ensuite, les garanties qu'apporte un syndic. Financières déjà : s'il y a un pépin de son côté, le copropriétaire n'en souffre pas ! Puis celles couvertes par son assurance en responsabilité civile professionnelle, tout aussi importante. Enfin, troisième raison, la copropriété n'est pas quelque chose de figé. Tout se passe bien si tout le monde s'entend, mais du jour au lendemain, tout peut être remis en cause : quelqu'un qui ne veut pas payer, un nouveau copropriétaire avec qui cela ne passe pas, etc. Le syndic joue un rôle de médiateur, que l'on ne lui reconnaît pas à sa juste valeur. Ce n'est pas si simple et sécurisant de gérer soi-même bénévolement sa copropriété, c'est un vrai métier. En pratique d'ailleurs, 90% des copropriétés sont gérées par des professionnels, cela veut bien dire ce que cela veut dire !
    Maison à part : Vous mettez en place une université de la copropriété...
    Serge Ivars : L'idée de fond de cette université c'est justement de "mieux se comprendre, pour mieux s'entendre", une devise qui sous-tend tout notre travail actuel. C'est là un point fondamental. Le comité scientifique est en place (voir article), une première réunion devrait avoir lieu d'ici la tenue de notre congrès le 10 décembre prochain.
    Maison à part : Pour finir, lors de notre entretien en janvier dernier, je vous avais demandé quels étaient vos vœux pour l'année à venir, vous m'aviez répondu "Je souhaite que les professionnels les plus rigoureux le reste, voire le soient de plus en plus. Que tous, de même que nos copropriétaires et nos clients, aient un comportement responsable. En temps de crise, il n'y pas de place à l'improvisation." De même disiez-vous à propos d'avoir de l'optimisme en ces temps de crise, "Au moment où l'on touche le plancher, on rebondit. Des crises, il y en a déjà eu auparavant (...). Ce qu'il faut retenir, c'est que cela repartira et, dans ce cas, les plus rigoureux et les plus compétents en sortiront grandis." Pensez-vous que vos vœux ont été exaucés ?
    Oui, je le pense ! Je ne retire rien ! En ce qui concerne la crise, nous semblons d'ailleurs plus près de la sortie que de l'entrée, cela finit toujours par passer, les faits le démontrent.
    Retrouvez le texte du droit de réponse de l'Unarc, concernant cette interview, en cliquant sur suivant.
    "Mieux se comprendre pour mieux s'entendre", Serge Ivars, président de l'Unis

    Droit de réponse de l'Association des Responsables de Copropriété (Unarc)

    copropriété logement syndic location
    copropriété logement syndic location © MAP
    A la lecture de l'interview de monsieur Serge Ivars, l'Association des Responsables de Copropriété (ARC) a souhaité réagir en exerçant son droit de réponse. Le voici.
    Nous avons lu avec intérêt l'interview réalisée le 23 novembre dernier avec Monsieur IVARS, Président de l'UNIS et souhaitons répondre :
    Nous ne souhaitons évidemment pas entretenir de polémiques mais simplement corriger et tempérer certains propos publiés et objectivement inexacts (...).
    1. Au sujet des critiques exprimées par l'ARC concernant les enquêtes de la DGCCRF, il est tout à fait inexact de dire, comme le prétend Monsieur IVARS (qui n'était pas à la réunion évoquée), que le "président de la DGCCRF a su couper court aux arguments de l'ARC" [NB : la DGCCRF n'a pas de président mais un directeur].
    En effet, nous n'avons pas évoqué verbalement notre enquête au cours de la réunion avec la DGCCRF, mais avons pris soin d'adresser un mémoire de vingt pages à la DGCCRF où nous démontrons (entre autre) que l'échantillon de la DGCCRF n'est PAS représentatif ; or aucune réponse (ni verbale ni écrite) n'a été apportée à ce mémoire, si ce n'est - une semaine après sa remise - la décision d'Hervé NOVELLI de faire paraître un arrêté.
    Cela signifie clairement que le ministre et le directeur de la DGCCRF ont été convaincus par nos arguments.
    2. Les trois bonnes raisons de faire appel à un syndic professionnel selon Monsieur IVARS.
    Monsieur IVARS parle "des couvertures relatives à l'assurance de responsabilité civile ainsi que les garanties financières en cas de 'pépin' (dit Monsieur IVARS) qui fait que les copropriétaires ne souffrent pas".
    Il n'est pas possible de laisser prospérer de tels propos très éloignés de la réalité.
    a. Les "pépins" dont parle Monsieur IVARS pudiquement, ce sont des faillites (parfois retentissantes) ou des détournements de fonds. Or, les copropriétaires sont souvent confrontés à des syndics très indélicats (exemple : HERMABESSIERE, IBS, Immobilier Saint Sébastien, etc.) garantis par des établissements (étrangers ou français) dont certains excellent à échapper à leur responsabilité et laissent des sommes non garanties à hauteur de plusieurs millions d'euros, ce dont "souffrent" amèrement les copropriétaires concernés. L'ARC a d'ailleurs dû à plusieurs reprises intervenir auprès de la Chancellerie pour signaler cette situation préoccupante.
    A cela s'ajoute le fait que la "garantie" dont parle Monsieur IVARS ne s'exerce, au mieux qu'à concurrence des sommes que le syndic a déclaré détenir, ce qui fait de cette garantie une garantie imparfaite, ce que tout le monde sait et qui fait plus que "souffrir" les copropriétaires concernés.
    A contrario l'obligation intangible d'ouvrir un compte bancaire séparé en cas de syndic bénévole constitue une garantie à 100 % pour les copropriétaires, aucun cas de détournement de fonds n'ayant été relevé chez un syndic bénévole.
    b. Par ailleurs, il est important de noter que l'assurance de responsabilité civile joue, elle aussi de façon très imparfaite et, en tout état de cause, jamais à l'amiable, en raison de franchises de plus en plus importantes (de 7.500 € à 30.000 € !).
    Il est souhaitable, pensons-nous, pour la bonne information de vos lecteurs que votre journal ne véhicule pas des propos de nature à fausser la présentation des avantages comparés des syndics professionnels et bénévoles.
    3. Enfin Monsieur IVARS parle d'un taux de "syndics professionnels" de 90 %, chiffre dont il ne cite pas ses sources.
    Nous attirons votre attention sur le fait qu'il ressort d'une enquête de l'ANAH de 2008 utilisant les données de l'enquête logement de l'INSEE que si, dans les immeubles avec chauffage collectif (47 %) le taux de syndics professionnels est bien de 90 %, dans les immeubles sans chauffage collectif (soit 53 % des immeubles) le taux de "syndic professionnels" n'est plus que de 75 %. Là encore, il faut corriger les propos inexacts et incomplets de Monsieur IVARS.
    Nous vous remercions d'apporter les compléments d'information à vos lecteurs.
    Droit de réponse de l'Association des Responsables de Copropriété (Unarc)
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