Cinq mois après avoir été votée par le Parlement, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion, dont de très nombreuses dispositions sont en attente de leurs décrets d'application, suscite toujours la polémique. Dans le collimateur des associations de consommateurs, cette fois : l'article 119, publié en mars 2009, qui stipule que
"lorsque des travaux d'économie d'énergie sont réalisés par le bailleur dans les parties privatives d'un logement ou dans les parties communes de l'immeuble, une contribution pour le partage des économies de charge peut être demandée au locataire, à partir de la date d'achèvement des travaux, sous réserve que ces derniers lui bénéficient directement et qu'ils soient justifiés".
Le texte ne rentre pas dans le détail, mais précise tout de même que la somme à verser par le locataire devra être
"fixe et non révisable" et ne
"pourra pas être supérieure à la moitié du montant de l'économie d'énergie estimée".
"Estimée"... Le mot a fait bondir les associations de consommateurs.
"On ne peut pas se contenter d'estimer les économies d'énergie réalisées par les locataires grâce aux travaux, s'indigne Laure Bourgoin, chargée de mission à la CLCV (association nationale de consommateurs pour la consommation, le logement et le cadre de vie).
Pour la contribution du locataire soit justifiée, elles doivent absolument avoir été prouvées, autrement dit avoir été constatées". "Le principe de ce dispositif n'est pas mauvais, renchérit-elle,
mais ses futures conditions d'application laissent craindre des dérives". L'association redoute, par exemple, que les propriétaires en profitent pour
"faire payer aux locataires des travaux qui relèvent de leurs obligations habituelles et qui sont déjà compris dans les charges du loyer". L'association souhaiterait par ailleurs que les locataires soient
"systématiquement" conviés aux réunions de concertation pendant lesquelles se décident les travaux.
"Gagnant-Gagnant"
Devant l'inquiétude suscitée par ce nouveau dispositif, Jean-Louis Borloo et Benoist Apparu ont pris la parole la semaine dernière. Le ministre de l'Ecologie, de l'Energie, du Développement durable et de la Mer et le secrétaire d'état chargé du Logement et de l'Urbanisme ont insisté sur le fait que la mesure
"devrait permettre d'améliorer sensiblement la qualité de vie des locataires". Ils ont également fait valoir le principe du
"gagnant/gagnant" :
"le locataire verra sa facture énergétique baisser et le bailleur ne sera pas le seul à supporter les travaux". Une solitude toute relative aux yeux des associations de consommateurs qui rappellent que les propriétaires bénéficient déjà, pour ces mêmes travaux, d'un crédit d'impôt et de l'éco-
prêt à taux zéro. Pour équilibrer la situation, la CLCV souhaiterait que les dépenses des locataires puissent être également intégrées dans les crédits d'impôts ainsi que dans les calculs d'aide personnalisée au logement.
Les projets de décrets et d'arrêtés devraient être soumis cette semaine à l'avis du Conseil d'Etat mais quelques informations ont d'ores et déjà filtrées sur leur contenu. Ainsi, le locataire aurait notamment toujours le droit de s'opposer à la réalisation de travaux dans les parties privées pendant toute la durée de son bail, mais pas dans les parties communes. Pour l'heure, toutefois, comme le précise l'un des responsables de l'Anah, Agence Nationale de l'Habitat,
"rien n'est officiel". Les détails du mécanisme de répartition ne seront connus qu'en septembre, date fixée pour la publication des modalités d'application.