Mariés, pacsés ou simplement concubins, vous souhaitez acheter à deux ? Il existe plusieurs solutions juridiques pour acheter de manière équitable, protéger votre partenaire en cas de décès... et vous protéger vous-même en cas de séparation !
Lors d'une acquisition, les modalités dépendent de la situation du couple, et même du régime sous lequel les époux sont mariés, le cas échéant. Et le choix du mode d'achat est crucial en cas de séparation, divorce ou décès de l'un des deux acheteurs.
Vous vous lancez dans un projet d'achat à deux ?
Découvrez les détails des différents cas de figure pour choisir la meilleure solution dans votre cas. Acheter sous le régime de la communauté de biens
Quelle est la situation ? Vous êtes un couple
marié sous le régime de la communauté de biens. Il existe en réalité deux cas de figure distincts :
- La communauté de biens réduite aux acquêts : c'est le régime matrimonial par défaut en droit français. L'ensemble des biens immobiliers ou mobiliers achetés après le mariage - à l'exception de ceux reçus en héritage ou par donation, qui restent des biens propres - constitue l'actif de la communauté. ;
- La communauté universelle : tous vos biens - présents et à venir, y compris ceux hérités des familles respectives de chaque époux - font partie de la masse commune.
Comment acheter ? Le logement acheté
appartient pour moitié à chacun des deux époux. L'achat se fait en signant un avant-contrat (compromis ou promesse de vente) puis un acte authentique de vente, rédigé par un notaire.
Attention ! Si vous envisagez de
construire une maison sur un terrain appartenant en propre à l'un des deux époux, sachez que la propriété de la construction appartiendra exclusivement à l'époux propriétaire du terrain. Le conjoint pourra cependant réclamer une indemnité en cas de divorce.
Comment financer votre achat ? Si le couple finance l'achat en contractant un
prêt immobilier, les deux époux sont
co-emprunteurs : le remboursement se fait à partir des deniers communs du couple.
Attention ! Si l'achat se fait grâce à des deniers propres à l'un des deux époux, il convient de l'indiquer dans l'acte notarié. On précise alors que la somme en question constitue un emploi de
sommes propres (si l'argent provient d'un héritage, d'une donation, ou d'épargne réalisée avant le mariage) ou un réemploi (s'il provient de la vente d'un bien acheté avant le mariage ou reçu par succession au cours du mariage).
Et en cas de divorce ? L'actif de la communauté est alors
liquidé. Le plus souvent, le bien est mis en vente, et le prix de vente est ensuite divisé en deux parts égales.
Les deux ex-conjoints peuvent également choisir de ne pas vendre le bien, qu'ils possèdent alors en
indivision. Si l'un des deux souhaite conserver seul le logement, il doit verser à son ex-époux une indemnité appelée
soulte, après signature d'un acte notarié de partage.
Et en cas de décès ? Quoi qu'il arrive, le conjoint survivant conserve la
jouissance gratuite du logement pendant l'année qui suit le décès, s'il s'agit de la résidence principale de la famille. Il récupère, par ailleurs, la moitié de l'ensemble des biens communs. L'autre moitié est répartie en fonction de la présence ou non d'héritiers, de l'existence d'un
testament, d'une
donation entre époux (dite "au dernier des vivants"), etc.
Si le couple a des
enfants communs, le conjoint survivant a deux options :
- hériter d'un quart de la part du défunt en pleine propriété, les 3/4 restants étant à partager entre les enfants, avec lesquels il se trouve alors en indivision ;
- recevoir l'usufruit de l'ensemble de la part du défunt, la nue-propriété revenant aux enfants. "On parle alors de démembrement de propriété, nous explique Palmyre Hardy, notaire assistant à Neuilly-sur-Seine. Cette solution protège au maximum le conjoint, puisque, contrairement à l'indivision, les enfants nus-propriétaires ne peuvent pas faire prononcer par le tribunal la vente du bien immobilier".
Autre cas de figure : la présence d'enfants de l'époux défunt issus d'une
précédente union.
"A défaut de dispositions testamentaires prises par le défunt, le conjoint survivant n'a alors droit qu'au quart de l'héritage, en pleine propriété" ajoute-t-elle.
Acheter sous le régime de l'indivision
Quelle est la situation ? Votre couple répond à l'un de ces trois cas de figure :
- Vous êtes en concubinage, c'est-à-dire sans lien légal vous unissant ;
- Vous avez signé un Pacs et vous n'avez pas opté pour une indivision réaménagée ;
- Vous êtes mariés sous le régime de la séparation de biens, c'est-à-dire que vous avez signé un contrat de mariage auprès d'un notaire avant votre union légale.
Il n'existe alors
pas de communauté de biens : chaque conjoint reste propriétaire des biens qu'il apporte au couple.
Comment acheter ? Le bien immobilier est
acheté en indivision : il appartient aux deux acheteurs, mais il ne constitue pas un bien commun. Chaque concubin est propriétaire du logement, soit à part égale, soit de façon inégale. Toute décision concernant le logement ne peut être prise sans l'accord de l'autre,
"mais en cas de mésentente sur la vente ou non du bien, celle-ci peut être ordonnée par le juge" précise Palmyre Hardy.
Comment financer votre achat ? Chacun des deux acheteurs devient propriétaire d'une
quote-part du logement correspondant à sa participation financière. Si l'un verse 60% du prix d'achat, il est ainsi propriétaire de 60% du bien, et son partenaire des 40% restants. Le cas échéant,
les prêts devront être contractés de manière individuelle par les concubins.
Et en cas de séparation ? L'inconvénient principal de l'indivision est que, si l'un des deux concubins souhaite
mettre un terme à l'indivision, l'autre ne peut pas refuser. Le plus simple est de se mettre d'accord pour
vendre le bien. Le montant récupéré lors de la vente sera alors partagé proportionnellement aux quotes-parts possédées.
On peut aussi choisir de
maintenir l'indivision pour que l'un des partenaires reste dans les lieux. Dans ce cas, il doit verser à son ex-concubin une indemnité, dont le montant sera fixé par un commun accord. Il est préférable d'établir, auprès d'un notaire, une
convention d'indivision précisant les modalités en cas de séparation ou de décès. La convention prévoit la désignation de l'un des indivisaires comme gérant ou bénéficiaire du droit de vote à l'assemblée des copropriétaires. En l'absence de convention, et en cas de désaccord, le tribunal de grande instance peut décider de partager ou de poursuivre l'indivision.
Et en cas de décès ? "L'indivision reste très intéressante, à condition d'avoir établi une convention permettant au survivant d'acquérir la quote-part du défunt" nous explique Maître Yann Eveillard, notaire en Normandie. En l'absence d'une telle convention, dans le cas d'un concubinage, la loi n'octroie
aucun droit au survivant sur l'héritage du défunt. Ce sont les héritiers du concubin décédé qui deviennent propriétaires de sa part, et le survivant est donc en
indivision avec eux sur l'ensemble du bien.
Pour éviter une telle situation, il est recommandé de
rédiger un testament dans lequel seront stipulées les modalités d'héritage, en tenant compte de la présence ou non d'enfants communs.
"Par exemple, en léguant au conjoint survivant l'usufruit de la succession du défunt" précise Palmyre Hardy.
Créer une société civile immobilière (SCI)
Quelle est la situation ? Votre couple répond à l'un de ces trois cas de figure :
- Vous êten concubinage ;
- Vous avez signé un Pacs ;
- Vous êtes mariés sous le régime de la séparation de biens.
Vous ne souhaitez pas acheter en indivision. Vous ou votre conjoint avez des enfants d'une première union, ce qui complique la gestion de la succession en cas d'achat en indivision. Mais, surtout, vous n'avez pas peur de la paperasse...
Comment acheter ? En créant une société civile immobilière (
SCI). L'achat du bien immobilier se fait alors
au nom de cette société, au sein de laquelle les conjoints sont associés.
"Chaque associé reçoit des parts sociales proportionnelles à ses apports" précise l'Anil. La SCI prend la forme d'un
contrat : il faut rédiger les statuts et accomplir de nombreuses formalités.
Comment financer votre achat ? Les apports de chaque associé, fixés dans le contrat, sont versés à la SCI, et non directement pour l'achat du logement. C'est la SCI qui est l'unique propriétaire du bien. En tant que
personne morale, elle ne peut donc bénéficier de certaines aides financières publiques pour l'achat d'un bien immobilier.
Attention ! Les associés s'engagent sur leur patrimoine personnel en cas de non-paiement des dettes par la SCI.
Et en cas de séparation ? En règle générale, les statuts de la SCI définissent les modalités de départ. Le plus souvent, deux solutions sont possibles :
- l'un des associés peut racheter les parts de l'autre, qui renonce alors à la jouissance du logement ;
- les deux ex-conjoints se mettent d'accord pour dissoudre la SCI. Dans ce cas, le bien est partagé ou vendu.
En cas de
désaccord, un tribunal peut trancher.
"Celui qui habite le logement pourra demander au juge qu'il lui soit attribué en priorité" précise l'
Anil.
Et en cas de décès ? Les parts de l'associé décédé reviennent à ses
héritiers. Cependant, plusieurs mécanismes permettent de protéger le survivant :
- La clause d'agrément : elle permet à l'associé survivant de refuser l'entrée dans la SCI des héritiers du défunt. Il reste ainsi seul membre de la SCI, mais doit racheter la part de son conjoint décédé ;
- Le démembrement croisé de propriété : A la création de la SCI, chaque associé achète la moitié des parts en nue-propriété, et l'autre moitié en usufruit. Au décès de l'un des concubins, le survivant devient propriétaire de l'ensemble du logement, et usufruitier de la moitié. Il peut ainsi conserver son bien, sans que les héritiers ne puissent le revendiquer.
Acheter par le biais d'une tontine
Quelle est la situation ? Vous êtes
concubins. Selon la loi, vous êtes considérés comme des étrangers l'un pour l'autre et, hors dispositions testamentaires, vous n'héritez pas l'un de l'autre.
Comment acheter ? En ajoutant une clause dans l'acte de vente du bien. La
tontine, ou
pacte tontinier, est la solution qui protège le mieux le survivant en cas de décès de l'un des concubins. Cette clause accorde rétroactivement la pleine propriété du logement au survivant.
Comment financer votre achat ? A hauteur de vos revenus. Chacun des concubins participe à l'achat du bien mais, quelle que soit la part versée, l'effet de la tontine en cas de décès reste le même. Autrement dit, même si le concubin survivant n'avait versé, à l'achat, que 20% du prix de vente,
il devient unique propriétaire du bien au décès de son compagnon.
Et en cas de décès ? Lors du décès de l'un des concubins, l'autre devient le seul propriétaire du logement. Et il est considéré avoir été le seul et unique propriétaire depuis la date de l'acquisition ! Les héritiers, quant à eux, n'ont
aucun droit sur le logement, même s'il peuvent se retourner contre le survivant pour prouver que la tontine a été réalisée uniquement dans le but de les déshériter...
Notez que la fiscalité de la tontine est plutôt défavorable pour le survivant, qui reste redevable des
droits de succession. Une exception cependant : si le logement constitue sa résidence principale et que sa valeur est inférieure à 76.000 €.
Et en cas de séparation ? La tontine est cependant la moins arrangeante des formules d'acquisition en cas de séparation. L'un des deux concubins peut décider de racheter la part de l'autre. Le logement peut également être vendu, et les gains divisés par deux. En revanche, si aucun accord n'est trouvé, il est impossible de
réclamer le partage du bien en justice, ni de demander au tribunal de forcer la vente. La situation ne sera réglée... qu'à la mort de l'un des deux conjoints !