Il est possible, par la prescription de trente ans, de devenir propriétaire d'un bien appartenant à un particulier comme à une commune. Mais dans ce cas, c'est à la condition qu'il ne s'agisse pas d'un bien du domaine public. Explications avec Ganaëlle Soussens, avocat au Barreau de Paris.
La genèse du litige
Sous réserve notamment d'être de bonne foi, celui qui se croit propriétaire et utilise depuis 30 ans un terrain, un bâtiment ou un chemin, peut en être déclaré propriétaire.
Voilà le contexte de l'arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2013. Madame Y voulait obtenir un droit de passage sur une "place à fumier et à bûcher" située au croisement de deux chemins communaux. Madame X, estimant avoir acquis la propriété de cette place à fumier, s'opposait à l'établissement de ce droit de passage. Or, l'examen des archives relatives à cette place à fumier a révélé l'existence d'incertitudes quant à la propriété de la parcelle litigieuse.
Les juridictions saisies devaient donc identifier le propriétaire de la parcelle querellée avant d'examiner la demande de droit de passage sur ladite parcelle. La tâche des juges n'était pas aisée. En effet, Madame X soutenait avoir, de longue date, usé de la place à fumier - bien communal - comme de son propre bien, revendiquant ainsi l'effet de la prescription acquisitive.
Sous cette terminologie se cache un mécanisme d'acquisition d'un bien immobilier, moins habituel que la signature d'un acte chez un notaire. Celui qui possède un bien immobilier de manière "continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire" devient, après 10 ou 30 ans selon les cas, propriétaire de ce bien. Cette règle connait évidemment des exceptions.
Les biens du domaine public ne peuvent être acquis par leur possesseur. Or, en l'espèce, la place à fumier et bûcher litigieuse appartenait à la commune. Restait alors à savoir s'il s'agissait du domaine public ou privé de la commune.
Dans un arrêt du 5 février dernier, la Cour de cassation approuve les juges d'appel qui ont appliqué à la parcelle le statut des chemins communaux en l'intégrant au domaine privé de la Commune. Madame X a donc pu valablement acquérir, sans en acquitter le prix, un bien communal. En revanche, Madame Y, s'est vue débouter de sa demande de droit de passage.
Les circonstances qui ont conduit à la décision commentée sont si particulières qu'il est difficile d'envisager leur répétition à moyenne ou grande échelle.
Cette décision met en revanche en lumière le mécanisme de l'acquisition par l'effet de la possession et, son corollaire, la dépossession sans contrepartie du propriétaire initial, que l'acquéreur soit de bonne ou de mauvaise foi.
Il ne suffit donc pas d'être propriétaire, encore faut-il être vigilant pour le rester.