Médiation, conciliation : des moyens pour résoudre les conflits entre voisins

    Publié le 5 mars 2009 par Pauline Polgar
    Chacun campe sur ses positions, on ne s'écoute plus... Les conflits entre voisins peuvent s'enliser et dégrader toute la vie d'un immeuble ou d'un quartier. Comment parvenir à les résoudre, sans passer forcément par une procédure judiciaire longue et coûteuse ? La médiation et la conciliation se présentent comme des processus efficaces. Zoom.
    Bruit, hygiène de vie, constructions intempestives... Les conflits entre voisins naissent parfois de rien, mais dégénèrent souvent très vite, du fait de la proximité immédiate entre les personnes. "Les conflits de voisinages sont très souvent d'une extrême violence, morale ou physique, car ils polluent la sphère privée, celle censée être paisible... Son chez soi" explique Ludivine Guyot, médiateure professionnelle dans le Val de Marne (voir page suivante). "Les personnes se retrouvent dans des situations tellement difficiles, qu'elles sont démunies, souvent en dépression."
    Premier réflexe des protagonistes : se tourner vers des autorités, faire valoir son "bon droit", car évidemment chacun campe sur ses positions... Bien sûr le droit régit certaines questions à l'origine de conflit, comme la mitoyenneté ou la distance (voir l'article), mais il ne résoud pas tout. Et souvent, en parallèle du conflit initial, existe un conflit latent différent qui, n'étant pas résolu, continue son travail de dégradation de l'atmosphère. "Par exemple, raconte Fabrice Vert, chargé de mission auprès de la Cour d'Appel de Paris de la coordination des actions de médiation et de conciliation, en matière de copropriété, l'un des habitants va construire un escalier de manière illégale et son voisin, parce qu'il ne lui dit jamais bonjour, demandera sa destruction pour le principe, même si la présence de l'escalier lui est utile."

    Des modes alternatifs de résolution des conflits

    Le mode de traitement de ces conflits de personne connaît aujourd'hui une autre voie que celle du procès. Des modes alternatifs de résolution des conflits, comme la conciliation, menée par des auxiliaires de justice bénévoles et la médiation dans laquelle des tiers indépendants et professionnels interviennent. Souvent confondues l'une avec l'autre, elles sont pourtant différentes du fait de la nature des intervenants, mais elles connaissent toutes deux un regain d'intérêt. Pas seulement parce qu'elles désengorgent les tribunaux, mais surtout parce qu'elles se présentent comme des solutions plus en adéquation avec la nature des conflits : elles rétablissent toutes deux un dialogue jusque-là rompu.

    Renouer un dialogue rompu

    Il arrive même quelquefois, que de cette simple rencontre, naisse la solution. "Un jour, raconte Fabrice Vert, une personne vient se plaindre au commissariat, puis à sa mairie, du bruit que fait toutes les nuits sa voisine du dessus, qu'elle n'a jamais rencontré, puisqu'elle ne sort jamais. Convoquée à la conciliation, la plaignante découvre que sa voisine du dessus est handicapée et que le bruit de son déambulateur pour se rendre aux toilettes est à l'origine des nuisances. Depuis, elle lui fait ses courses."
    Les pouvoirs publics ont bien compris la compétence de ces modes alternatifs dans ce type de conflits et encouragent désormais à s'engager dans ces voies. Le rapport Magendie, par exemple, remis en juin dernier à la Garde des Sceaux par le Premier Président de la Cour d'Appel de Paris, explique ainsi la nécessité de développer la médiation. Plusieurs commissions se créent au sein même des tribunaux, comme dernièrement au tribunal de Créteil et prochainement à Paris. Une directive européenne encourage également les états membres à élaborer des codes de déontologie et à développer la formation de médiateurs.
    Si la médiation ou la conciliation n'est pas mandatée par un juge, il existe plusieurs options pour trouver un conciliateur ou un médiateur : les commissariats, les mairies, les maisons de justice et de droit, les tribunaux, sont à même de fournir une liste des intervenants. Les médiateurs étant indépendants, beaucoup ont un cabinet en ville et sont également susceptibles d'être missionnés par des organismes pour mener des médiations ponctuelles.
    Pour comprendre et connaître ce que sont la conciliation et la médiation, cliquez sur suivant.
    Médiation, conciliation : des moyens pour résoudre les conflits entre voisins

    La médiation - Médiation, conciliation : des moyens pour résoudre les conflits entre voisins

    poignée de main
    poignée de main © Mr Wizz - Fotolia
    Reconstituer un lien social dissous, renouer un dialogue, créer un espace d'échanges, responsabiliser les parties... La médiation est affaire de relations humaines, dans leur aspect le plus simple : la parole. Elle intervient dans de nombreux domaines.
    Qu'elle soit judiciaire (elle apparaît dans le code de procédure civile en 1996), familiale, civile ou pénale, la médiation repose sur un concept simple, fondé sur la nature même des conflits... Ainsi, explique la Chambre professionnelle de la Médiation et de la Négociation (CPMN), le conflit a trois caractéristiques : juridique - le lien de droit entre les parties - technique - les aspects du conflit pour lesquels un avis d'expert pourrait être sollicité - et enfin, émotionnelle. Selon la CPMN, "lorsqu'un tiers intervient comme un juge, il examine le conflit d'abord au regard du droit, cherchant qui a raison, puis fait examiner l'aspect technique du conflit par un expert et enfin fait éventuellement réparer l'aspect émotionnel au moyen des dommages et intérêts."
    Dans le cas de la médiation, c'est ce dernier élément, l'émotionnel, qui sera pris en compte en premier. "Le médiateur, nous explique Hélène Mélikov, déléguée Ile de France de la CPMN, est un tiers indépendant, impartial et neutre, qui intervient pour purger l'aspect émotionnel du conflit... Il crée un espace de dialogue grâce auquel les parties en présence vont faire émerger leur propre solution." A la résolution du conflit dans l'adversité, la médiation préfère l'altérité : "elle s'attache à la forme des relations, à la qualité de la communication, au rétablissement du dialogue et des échanges et non à la recherche d'arguments qui donneraient tort ou raison, ni à la recherche d'une solution imposée ensuite aux parties" explique la CPMN.

    "Vider le sac de ses émotions"

    "La solution est d'autant plus pérenne, précise Hélène Melikov, qu'elle a émergée des protagonistes eux-mêmes." La grande majorité des conflits de voisinages ont des nuisances pour origine : notamment le bruit. La médiation y a toute sa place. Pour une raison évidente : souvent, la nuisance évoquée à l'origine de la plainte n'est que la surface émergée d'un iceberg. "On s'en veut pour une raison ou pour une autre, raconte Hélène Mélikov, et l'on se focalise sur quelque chose. La médiation accompagne l'expression des besoins et des ressentis de chacun." Pour Ludivine Guyot, médiateure professionnelle, la médiation permet ainsi de "vider le sac de ses émotions." Mais attention ! Le médiateur n'est pas un psychiatre "nous soignons la relation, pas la personne" explique Hélène Melikov.
    Reçues chacune de leur côté, les parties en présence auront ainsi pu dénouer les fils de leur ressenti et laisser la place à un dialogue possible, dialogue qui aura lieu entre elles, en présence du médiateur et duquel émergera une solution commune. L'accord trouvé pourra être ensuite homologué. Et il arrive que les médiations, notamment en termes de voisinages, se terminent par de simples excuses !
    Côté tarif, la médiation étant réalisée par un professionnel indépendant, il faut lui régler des honoraires. En règle générale, les frais se partagent entre les protagonistes. Ils comptent : des frais de dossier, qui tournent entre 80 et 150€, et des honoraires autour de 150€ de l'heure. La forfaitisation est une pratique très répandue, la fourchette allant alors de 500 à 1.000€ pour une médiation.
    Un bon médiateur aura ainsi selon Helène Melikov, "une bonne connaissance de soi qui permet d'être impartial, neutre et d'être un pôle de stabilité pour les parties ; évidemment une très bonne capacité d'écoute ; et de la bienveillance, pour accueillir les personnes au-delà de leur agressivité."Et d'ajouter c'est "un professionnel, spécifiquement formé et expert en qualité relationnelle."
    Pour comprendre la médiation par l'exemple, cliquez sur suivant et retrouvez l'interview de Ludivine Guyot, Médiateure professionnelle dirigeante de Med'Action, déléguée IDF de la Chambre Professionnelle de la Médiation et de la Négociation (CPMN).
    La médiation - Médiation, conciliation : des moyens pour résoudre les conflits entre voisins

    La médiation par l'exemple : interview de Ludivine Guyot, médiateure professionnelle

    Ludivine Guyot
    Ludivine Guyot © Ludivine Guyot, médiateure - DR
    Pour comprendre concrètement le métier de médiateur, Maison à part a interrogé Ludivine Guyot, Médiateure professionnelle dirigeante de Med'Action, déléguée IDF de la Chambre Professionnelle de la Médiation et de la Négociation (CPMN).
    Maison à part : Quelle est votre activité ?
    Ludivine Guyot : Je suis médiateure professionnelle indépendante, et à ce titre, j'ai à connaître tous conflits, quelle que soit leur nature. J'accompagne la résolution de conflits de voisinage et notamment depuis octobre 2008, ceux vécus par les locataires de l'Opac du Val de Marne qui a initié une opération pilote de médiation externalisée, mais je demeure indépendante. Ces conflits résultent de réclamations des locataires auprès de l'Opac du Val de Marne. Ils découlent de nuisances sonores, d'hygiène, de façons de vivre différentes, comme par exemple quelqu'un qui se couche tôt, gêné par un autre qui rentre tard, ou encore la présence d'animaux...
    Maison à part : Pouvez-vous nous expliquer le processus de la médiation ?
    L.G. : L'idée est de faire émerger des parties une solution. Souvent le litige a pour origine un fait déclencheur que les parties dissimulent, sans en avoir conscience. Par exemple, des gens sont voisins depuis 20 ans, l'un au dessus de l'autre. Ils ont de bons rapports de voisinages, voire sont amis depuis le temps. Du jour au lendemain, l'un se plaint des nuisances de l'autre, alors même qu'ils n'ont pas changé de mode de vie. Les nuisances légitiment leur conflit mais ce dernier peut avoir une origine différente, conjugale, familiale, ou encore consumériste : il y a eu un dégât des eaux et l'assureur ne veut pas payer, on s'en prendra alors à son voisin à l'origine mais pas cause du problème. En matière de voisinage, les conflits sont souvent d'une extrême violence morale ou physique, car il est vécu en continu et au quotidien dans sa vie privée. Cela devient vite le centre des préoccupations. Le médiateur, expert en communication a des outils et est formé pour démonter le mécanisme du conflit. Le médiateur a ainsi le savoir-faire et le savoir-être (il est impartial) pour amener les personnes à une solution.
    Maison à part : Comment se passe la médiation concrètement ?
    L.G. : Tout d'abord, je dois convaincre les parties de venir à la médiation. Lors d'un premier contact téléphonique je leur explique qui je suis, quelle est ma démarche et de quel droit j'interviens. Souvent ils ont déjà été confrontés à d'autres techniques de résolution des conflits qui n'ont pas abouti. Je dois les convaincre de venir à un entretien individuel, ce qui déjà un premier pas d'entrée dans le processus de résolution du conflit.
    Lors de cet entretien individuel, je les mets en capacité de renouer le dialogue avec l'autre, je les prépare à cette rencontre, on purge la charge émotionnelle du conflit. Il s'agit de définir des règles de communication qui vont régir toute la médiation. Je suis chargée de réguler pendant la réunion entre les parties.
    Maison à part : Combien d'entretiens en commun ont lieu en règle générale ?
    L.G. : En moyenne, trois réunions communes suffisent pour régler le conflit. Au départ il y a une distance physique importante, on ne se parle pas directement et, au fil du temps, chacun comprend le positionnement de l'autre, tout aussi légitime parfois et le dialogue se noue. Il m'est arrivé que certains repartent bras dessus, bras dessous.... Notre intérêt de médiateur est également pédagogique : au-delà de la résolution du conflit, la personne se sent de nouveau capable, elle a acquis des outils pour gérer par elle-même le conflit. Elle a une nouvelle approche des choses. Tout conflit a sa solution !
    Maison à part : Y a-t-il une affaire qui vous a particulièrement marquée ?
    L.G. : Le travail du médiateur est d'anticiper, et pourtant, un jour, j'ai été surprise ! J'avais reçu en entretien individuel une personne qui se plaignait de nuisances sonores de son voisin. Un conflit qui durait depuis près de 6 ans. Je recevais son voisin dans la foulée, ce qui est rare, d'habitude, ils ne se croisent pas. Nous fixons avec chacun, un rendez-vous pour l'entretien collectif. Arrive la date, l'heure, et là : personne. J'appelle l'une des parties en lui demandant ce qu'il se passe. Et elle me répond, étonnée, 'en fait là on est ensemble, on a trouvé une solution'. Elles s'étaient parlé dans la semaine, après s'être croisées à la sortie des entretiens.
    Il est important de souligner que très souvent, dans ces affaires entre voisins, les situations sont extrêmement difficiles, les personnes sont très démunies, souvent en dépression. Le conflit de voisinage est en effet un des plus virulents sur le plan émotionnel et il peut y avoir de la violence, il est important de ne pas attendre que la situation se dégrade. Bien souvent les gens s'adressent au médiateur après avoir exploré toute la panoplie des modes de résolution plus promus et ont perdu beaucoup d'énergie de temps et d'argent sans résultat satisfaisant.
    Pour en savoir plus sur la médiation :
    Chambre professionnelle de la Médiation et de la Négociation (CPMN)
    La médiation par l'exemple : interview de Ludivine Guyot, médiateure professionnelle

    La conciliation - Médiation, conciliation : des moyens pour résoudre les conflits entre voisins

    La conciliation - poignée de main
    La conciliation - poignée de main © Mr Wizz - Fotolia
    La conciliation est un autre mode alternatif de résolution des conflits, trentenaire, puisqu'institué par le décret du 20 mars 1978.
    A la différence des médiateurs, les conciliateurs sont des auxiliaires de justice bénévoles et assermentés, souvent des retraités, rattachés au Tribunal d'instance et nommés sur proposition du premier président de la cour d'appel. Contrairement au médiateur qui ne connaît pas de limites dans ses domaines de compétence, le conciliateur, lui, ne peut avoir à faire dans des litiges entre une personne et l'Administration, dans les affaires d'état civil et familiales ou encore professionnelles. Sa compétence en matière de conflits du type voisinage est quant à elle bien réelle.
    Le conciliateur intervient à la demande d'un juge ou sur sollicitation d'une des parties, pour obtenir un accord amiable. En 2007, selon le président de l'Association Nationale des conciliateurs de justice, Harry Marne, 91% des affaires traitées sur la France entière émanaient de demandes des particuliers dans les mairies. Seuls 9 % des cas résultaient d'une délégation du juge.
    Selon le guide méthodologique du conciliateur, rédigé par le ministère de la justice et qui lui est remis à sa prise de fonction, "le conciliateur de justice a pour mission de régler à l'amiable les différends portant sur des droits dont les intéressés ont la libre disposition."
    La circulaire du 16 mars 1993, reprise dans ce même manuel, décrit le processus à respecter par le conciliateur : "Lorsque les intéressés se trouvent devant lui, le cas échéant accompagnés d'une personne de leur choix, hors la présence de tout autre public, le conciliateur les écoute successivement et tente par un dialogue approprié de les amener à dégager la solution qui paraîtra la meilleure." Le débat entre les parties se fait ainsi de manière contradictoire. Il est précisé que "la solution peut se dégager naturellement de l'exposé du point de vue des deux parties. Toutefois, il sera souvent nécessaire d'aller plus loin." Et d'ajouter qu'"en toutes circonstances, il devra adopter un comportement impartial."

    Recherche d'un compromis

    Le conciliateur permet la recherche d'un compromis. Et cette recherche, explique le guide, "exige nécessairement que chacun fasse un pas." Un processus entièrement gratuit, qui évite à beaucoup, le passage long et coûteux devant une juridiction. Finalement, explique Harry Marne, nous sommes des "confesseurs civils."
    En 2007 en France, les conciliateurs ont été amenés à recevoir 220.000 visites qui ont donné lieu à 127.000 conciliations.
    La conciliation - Médiation, conciliation : des moyens pour résoudre les conflits entre voisins

    Harry Marne revient sur sa fonction de conciliateur

    petite commune
    petite commune © M D MAP
    Harry Marne, président de l'association nationale des conciliateurs de justice, interrogé par Maison à part, revient sur sa fonction de conciliateur.
    Maison à part : Quelle est votre fonction ? Les problèmes de voisinages sont-ils récurrents ?
    Harry Marne : Je suis conciliateur de justice rattaché au tribunal d'instance de Bobigny. J'officie à Drancy plus particulièrement. Tous les lundis matins, j'effectue une permanence à la mairie. J'y reçois les personnes qui ont sollicité l'aide d'un conciliateur. Les problèmes de voisinages concernent 25% de mon activité : bruit, mur mitoyen, plantation, l'arbre qui fait de l'ombre, les feuilles mortes dans la gouttière...
    Maison à part : Comment cela se passe concrètement ?
    H.M : La première fois que je reçois une personne, je lui demande quel est son problème et surtout, je m'assure qu'elle a déjà vu et parlé avec son voisin sans parvenir à une solution. Je prends les coordonnées de ce dernier et je les convoque ensuite tous les deux à une réunion de conciliation. Le jour dit, je les conduis au dialogue pour qu'ils puissent trouver un compromis. On examine leur problème ensemble, du point de vue de l'équité et sans déroger aux règles de droit. Je me rappelle par exemple l'histoire d'un boulanger qui travaillait la nuit et donc dormait le jour, dérangé par le bruit de ses voisins qui avaient des enfants. A la fin de la conciliation, le boulanger a dit qu'il paierait la moquette de ses voisins pour être moins importuné.
    Maison à part : En cas d'échec de la conciliation, les parties peuvent se tourner vers la juridiction...
    H.M : Oui. Elles y seront obligées notamment si la saisine initiale provient de la juridiction. Mais il est important de noter que, en aucun cas, le conciliateur, qui est tenu à une obligation de confidentialité, ne pourra influencer le juge dans sa décision. Par exemple, si l'une des parties ne s'est pas présentée à la conciliation, il ne pourra pas lui en faire état.
    Harry Marne revient sur sa fonction de conciliateur
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