Ludivine Guyot © Ludivine Guyot, médiateure - DR
Pour comprendre concrètement le métier de médiateur, Maison à part a interrogé Ludivine Guyot, Médiateure professionnelle dirigeante de Med'Action, déléguée IDF de la Chambre Professionnelle de la Médiation et de la Négociation (CPMN).
Maison à part : Quelle est votre activité ?
Ludivine Guyot : Je suis médiateure professionnelle indépendante, et à ce titre, j'ai à connaître tous conflits, quelle que soit leur nature. J'accompagne la résolution de conflits de voisinage et notamment depuis octobre 2008, ceux vécus par les locataires de l'Opac du Val de Marne qui a initié une opération pilote de médiation externalisée, mais je demeure indépendante. Ces conflits résultent de réclamations des locataires auprès de l'Opac du Val de Marne. Ils découlent de nuisances sonores, d'hygiène, de façons de vivre différentes, comme par exemple quelqu'un qui se couche tôt, gêné par un autre qui rentre tard, ou encore la présence d'animaux...
Maison à part : Pouvez-vous nous expliquer le processus de la médiation ?
L.G. : L'idée est de faire émerger des parties une solution. Souvent le litige a pour origine un fait déclencheur que les parties dissimulent, sans en avoir conscience. Par exemple, des gens sont voisins depuis 20 ans, l'un au dessus de l'autre. Ils ont de bons rapports de voisinages, voire sont amis depuis le temps. Du jour au lendemain, l'un se plaint des nuisances de l'autre, alors même qu'ils n'ont pas changé de mode de vie. Les nuisances légitiment leur conflit mais ce dernier peut avoir une origine différente, conjugale, familiale, ou encore consumériste : il y a eu un dégât des eaux et l'assureur ne veut pas payer, on s'en prendra alors à son voisin à l'origine mais pas cause du problème. En matière de voisinage, les conflits sont souvent d'une extrême violence morale ou physique, car il est vécu en continu et au quotidien dans sa vie privée. Cela devient vite le centre des préoccupations. Le médiateur, expert en communication a des outils et est formé pour démonter le mécanisme du conflit. Le médiateur a ainsi le savoir-faire et le savoir-être (il est impartial) pour amener les personnes à une solution.
Maison à part : Comment se passe la médiation concrètement ?
L.G. : Tout d'abord, je dois convaincre les parties de venir à la médiation. Lors d'un premier contact téléphonique je leur explique qui je suis, quelle est ma démarche et de quel droit j'interviens. Souvent ils ont déjà été confrontés à d'autres techniques de résolution des conflits qui n'ont pas abouti. Je dois les convaincre de venir à un entretien individuel, ce qui déjà un premier pas d'entrée dans le processus de résolution du conflit.
Lors de cet entretien individuel, je les mets en capacité de renouer le dialogue avec l'autre, je les prépare à cette rencontre, on purge la charge émotionnelle du conflit. Il s'agit de définir des règles de communication qui vont régir toute la médiation. Je suis chargée de réguler pendant la réunion entre les parties.
Maison à part : Combien d'entretiens en commun ont lieu en règle générale ?
L.G. : En moyenne, trois réunions communes suffisent pour régler le conflit. Au départ il y a une distance physique importante, on ne se parle pas directement et, au fil du temps, chacun comprend le positionnement de l'autre, tout aussi légitime parfois et le dialogue se noue. Il m'est arrivé que certains repartent bras dessus, bras dessous.... Notre intérêt de médiateur est également pédagogique : au-delà de la résolution du conflit, la personne se sent de nouveau capable, elle a acquis des outils pour gérer par elle-même le conflit. Elle a une nouvelle approche des choses. Tout conflit a sa solution !
Maison à part : Y a-t-il une affaire qui vous a particulièrement marquée ?
L.G. : Le travail du médiateur est d'anticiper, et pourtant, un jour, j'ai été surprise ! J'avais reçu en entretien individuel une personne qui se plaignait de nuisances sonores de son voisin. Un conflit qui durait depuis près de 6 ans. Je recevais son voisin dans la foulée, ce qui est rare, d'habitude, ils ne se croisent pas. Nous fixons avec chacun, un rendez-vous pour l'entretien collectif. Arrive la date, l'heure, et là : personne. J'appelle l'une des parties en lui demandant ce qu'il se passe. Et elle me répond, étonnée,
'en fait là on est ensemble, on a trouvé une solution'. Elles s'étaient parlé dans la semaine, après s'être croisées à la sortie des entretiens.
Il est important de souligner que très souvent, dans ces affaires entre voisins, les situations sont extrêmement difficiles, les personnes sont très démunies, souvent en dépression. Le conflit de voisinage est en effet un des plus virulents sur le plan émotionnel et il peut y avoir de la violence, il est important de ne pas attendre que la situation se dégrade. Bien souvent les gens s'adressent au médiateur après avoir exploré toute la panoplie des modes de résolution plus promus et ont perdu beaucoup d'énergie de temps et d'argent sans résultat satisfaisant.
Pour en savoir plus sur la médiation :
Chambre professionnelle de la Médiation et de la Négociation (CPMN)
La médiation par l'exemple : interview de Ludivine Guyot, médiateure professionnelle