Comme chaque année, le 15 mars sonne la date de la fin de la trêve hivernale. Depuis le lundi 16 mars à 6 heures, quelques 500.000 ménages sont donc sous la menace d'une expulsion. La ministre du Logement a proposé de nouvelles mesures, mais qui n'ont pas rassuré les associations de défense des mal-logés.
Le 15 mars, jour de la fin de la trêve hivernale, se déroulait Place de la République à Paris, une manifestation qui a rassemblé entre 1.100 et 5.000 personnes. Elles ont répondu à l'appel d'associations de défense de mal-logés pour réclamer l'arrêt des expulsions locatives. Et ce, malgré les déclarations de Christine Boutin, ministre du Logement, qui avait annoncé le 12 mars "
qu'il n'y aura plus de personnes mises à la rue, plus d'expulsion sans une solution de remplacement", grâce aux mesures qu'elle souhaite mettre en œuvre.
Mais que propose concrètement la ministre ? Trois mesures. Tout d'abord, les "
commissions départementales de prévention des expulsions" seront rendues "
obligatoires dans tous les départements", via la
loi Boutin sur le logement adoptée le 19 février. "
Le but est d'examiner les dossiers difficiles au cas par cas, en faisant travailler ensemble, notamment les services de la préfecture, du conseil général et de la caisse d'allocation familiales afin d'aider les ménages en difficultés à s'en sortir". Ce dispositif n'est pas nouveau, puisqu'il est déjà mis en place dans de nombreux départements depuis la loi contre les exclusions de juillet 1998, qui prévoyait une coordination entre les différents services sociaux pour prévenir ces expulsions. Au 1er janvier 2007, une circulaire publiée par les ministères du Logement et de l'Intérieur soulignaient que "
seuls 36 départements disposaient d'une charte de prévention des expulsions effectivement en vigueur".
christine boutin © MD - Batiactu
Pour que les locataires conservent leur logement, Christine Boutin souhaite également le développement de "
l'intermédiation locative". "
En cas de difficulté grave de paiement, une association ou un bailleur pourra reprendre le bail sur demande du préfet. Grâce à ce système, le locataire pourra rester dans les lieux", précise le communiqué de la ministre. Christine Boutin veut ainsi mobiliser les 5.000 logements en intermédiation possible avec le Plan de Relance de l'économie. En clair, une association prend en charge le paiement du loyer à la place d'une personne à faible revenu pour rassurer le bailleur et faciliter ainsi l'accès au logement.
Enfin, la troisième mesure concerne directement les décisions d'expulsion avec le recours à la force publique, qui ne devront être prises "
sans qu'il y ait au moins une solution d'hébergement proposées simultanément par la préfecture afin de ne condamner personne à la rue".
Des propos jugés "
révoltants" par de nombreuses associations, notamment la Fondation Abbé Pierre, qui craignent une solution d'hébergement temporaire (en hôtel ou en foyer) plutôt qu'un relogement stable. Pour Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de Droit au logement (Dal), "
un moratoire et l'application de la loi de réquisition (des logements vides)" doivent être mis en œuvre. Un avis partagé par la mairie de Paris qui "
s'oppose à ces régressions sociales et demande au gouvernement un moratoire sur les expulsions de locataires de bonne foi en 2009". Jean-Pierre Giacomo, président de la Confédération nationale du logement (CNL) dénonce également le discours "
pas crédible" de la ministre, citant le cas d'une famille expulsée dans l'Allier qui s'est vu proposer "
trois nuits d'hôtels". "
Les préfets n'ont déjà pas les moyens d'appliquer la loi Dalo (sur le droit au logement opposable), comment imaginer qu'on va trouver des logements aux expulsés ?" interrogeait-il.
Le 16 mars, Christine Boutin a annoncé sur LCI qu'elle ne voulait pas d'un moratoire des expulsions locatives, considérant que "
c'est une prime pour les gens de mauvaise foi". Elle préfère recourir à l'intermédiation locative qui est, un "
contrat gagnant-gagnant entre locataires et propriétaires".
Coup de tonnerre. Nicolas Sarkozy a fait savoir le mardi 17 mars, à l'occasion d'une table ronde à Ornans, qu'il était opposé à toute mesure de relogement des "
locataires de mauvaise foi". "
Je ne suis pas d'accord. Si on est de mauvaise foi, si on est malhonnête, je vois pas pourquoi la société viendrait vous aider (...). Je veillerai aussi à ce que les choses fonctionnent correctement".
Le texte définitif de la loi Boutin a été voté et adopté par les sénateurs et par les députés le 19 février dernier. Il doit donc être publié prochainement, une fois achevé son examen par le Conseil Constitutionnel, pour être appliqué.
Pour plus d'informations sur la loi DALO,
www.vie-publique.fr/actualite/dossier/droit-logement-opposable/logement-social-comment-rendre-droit-au-logement-effectif.html
Pour plus d'informations sur la loi Boutin,
www.assemblee-nationale.fr/13/dossiers/logement_exclusion.asp
Quelques chiffres-clés
En 2007 : les préfets ont autorisés 28.012 * expulsions de logements avec le concours de la force publique, soit une hausse de 5.58% par rapport à l'année précédente. 11.322 expulsions de logements ont été effectivement effectuées (avec le concours de la force publique) sans solution de relogement contre 10.719 en 2006. Les autres dossiers ont fait l'objet, entre temps, de départs à l'amiable ou de relogements. En 1998 : 13.256 accords délivrés par le préfet pour 4.359 expulsions avec le concours de la force publique. *Chiffres officiels publiés par le ministère de l'Intérieur Selon la fondation Abbé Pierre, 1.412 million de personnes vivent en situation de précarité pour impayés. 1.237 million de personnes (soit 494.800 foyers) sont des locataires en impayés de loyer. 175.000 personnes (70.000 ménages) sont des propriétaires en impayés de charges ou de remboursement d'emprunt.