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Des systèmes de logements coopératifs pourraient voir le jour d'ici peu. Pour peu d'apprécier la vie communautaire, ces logements coûteraient 20% moins cher que les prix du marché. Mais vous n'en serez pas vraiment propriétaire. Une troisième voie pour qui ne veut ni louer, ni acheter ?
Vous souhaitez acheter un logement mais les prix vous paraissent inabordables. L'idée de verser un loyer à un propriétaire vous déprime ? Et si vous choisissiez d'être à la fois propriétaire et locataire, le tout à moindre coût ? Cette solution n'est pas si farfelue, puisque le Parlement s'apprête à voter des dispositions pour réhabiliter l'habitat coopératif. Le projet de
loi Boutin, sur le logement devrait être examiné le 27 janvier. Il comporte plusieurs amendements instaurant un cadre juridique à ce système.
"Rien n'est fait bien sûr, mais nous avons bon espoir. Plusieurs projets existent et attendent un cadre légal pour sortir de terre", explique Isabelle Gueguen, chargée de mission au sein d'Habicoop, une des associations les plus actives pour la promotion de ce type d'habitat.
L'objectif de ces coopératives est de créer des logements dont les prix n'obéissent pas aux fluctuations du marché. Ils doivent refléter leurs coûts réels. En clair, les projets à l'étude sont jusqu'à 20% moins chers que les produits du parc privé. Sur le papier, le logement coopératif est plus qu'attrayant, à condition bien-sûr d'avoir un goût pour la vie communautaire. C'est la coopérative qui va construire le logement. Toutes les décisions quant au projet global se prennent donc en commun avec les futurs associés. Une coopérative d'habitat a aussi une vocation sociale : un partenariat avec des bailleurs sociaux doit permettre de réserver des logements aux très bas revenus.
Pour mener le projet à bien, il faut réaliser des économies d'échelle. Exit donc les intermédiaires. Pas de promoteur immobilier. Pas de frais liés à la commercialisation non plus (les marges des promoteurs oscillent généralement entre 6 et 10% du prix de vente). Prendre à son compte la maîtrise d'oeuvre permet également de réaliser de substantielles économies.
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C'est à Lyon, que les premières coopératives d'habitat devraient voir le jour
De même, le coût du terrain est le plus souvent négocié à la baisse. C'est du moins vrai pour les premiers projets qui bénéficie de l'appui des autorités locales. A Villeurbanne, où "Le Village Vertical", un projet pilote de 15 logements devrait voir le jour, le foncier devrait être cédé au prix où l'achète les bailleurs sociaux, soit autour de 150 euros le m2 SHON. Deux à trois fois moins cher que si il avait été acheté par un promoteur privé ! Quelques petites astuces architecturales visent également à faire baisser le coût général de l'opération. Ainsi, pour gagner des mètres carrés sans surcoût, des coursives extérieures au bâtiment peuvent remplacer les couloirs pour relier les appartements entre eux... Tout en faisant office de balcons. Ces économies viendront compenser certaines dépenses souhaitées par les futurs associés. La plupart des projets ambitionnent d'être extrêmement performants au niveau énergétique, ce qui a un prix. Ainsi les coopérateurs de Villeurbanne projettent de construire un bâtiment basse consommation, de deux à quatre fois moins énergivore que les constructions actuelles. Le surcoût de ce type d'édifice est le plus souvent estimé à 15% du prix total. Au final, le prix devrait toutefois être inférieur à celui du marché. Pour cette opération, le coût a été estimé à 2.000 euros le m2 hors taxe (autour de 2 110 euros le m2 pour une TVA à 5,5%, 2 390 euros le m2 pour une TVA à 19,6%). A titre d'exemple, la résidence "Avant-garde", un programme neuf situé non loin, a été lancée en novembre 2008 au prix de 3.130 euros du m2 TTC.
Rien ne s'oppose vraiment au lancement de ces coopératives. Ce modèle est largement répandu hors de nos frontières, en Europe du Nord notamment et, plus proche de nous, en Suisse. Dans ce dernier pays, ce type d'habitat représente par exemple 5 % du parc immobilier, selon Habicoop. Les exemples étrangers montrent que le système réussi plutôt bien aux pays qui l'adoptent, mêmes s'ils sont à mettre en perspective.
"Les Suisses n'ont pas de logement social. C'est donc l'un des moyens qu'ils ont trouvé pour faciliter le logement des bas revenus", explique Laurent Escobar, directeur associé du cabinet Adéquation, dont on a sollicité l'expertise pour un projet dans le quartier de La Duchère à Lyon. D'ailleurs, le système a existé en France. Il a été créé après-guerre avant d'être abandonné dans les années 70, bien que quelques coopératives survivent encre sous ce régime comme dans le quartier de la Croix Rousse à Lyon.
Le fonctionnement est atypique. Les membres ne sont pas propriétaires d'un logement mais détenteurs de parts sociales proportionnellement à la superficie de leur logement. Les coopérateurs sont donc locataires de leurs logements (ils versent un loyer équivalent aux charges et au remboursement de l'emprunt) et propriétaires de part de la coopérative. Le processus de décision se veut plus démocratique que celui d'une assemblée générale de copropriété classique. Les décisions sont prises sur le principe d'un logement, une voix, pas en fonction de la surface de son appartement. Les associés achètent des parts sociales qu'ils céderont à peu près au même prix à un nouvel arrivant s'ils souhaitent déménager (la valeur des parts est estimée au départ puis indexée sur le coût de la vie. Elles ne suivent pas les fluctuations du marché immobilier). C'est d'ailleurs probablement une des limites de ce système. Que faire en cas de chute brutale du marché ? En clair, en cas de départ d'un des membres, qui rachètera un logement plus cher que dans le privé. De même en cas de hausse. Quel coopérateur, s'il doit se reloger, pourra se permettre de quitter son logement en cas de flambée des prix partout ailleurs ? Un risque que semblent accepter les futurs habitants de ces logements puisqu'ils se placent délibérément hors marché.
"L'idée n'est pas que les coopératives d'habitat deviennent une norme mais bien une alternative à ce qui existe déjà", rappelle Isabelle Gueguen. Une troisième voie qui attend donc le vote des parlementaires pour être effective.