Diagnostics immobiliers : quelle responsabilité pour le diagnostiqueur en cas d'erreur ?

    Publié le 8 novembre 2012 par Ganaëlle Soussens
    Un récent préjudice causé par une erreur de diagnostic en matière de termites pose la question de la responsabilité du professionnel qui réalise ces diagnostics. Explications avec Ganaëlle Soussens, avocat au Barreau de Paris.
    Le vendeur d'un immeuble a l'obligation d'informer l'acquéreur de l'état du bien vendu au travers des informations contenues dans le dossier de diagnostic technique désormais obligatoire. Lorsque la vente porte sur un immeuble à usage d'habitation, ce dossier comprend désormais :
    - Le constat de risque d'exposition au plomb
    - L'état mentionnant la présence ou l'absence de matériaux ou produits contenant de l'amiante
    - L'état relatif à la présence de termites
    - L'état de l'installation intérieure de gaz
    - Dans certaines zones, l'état des risques naturels et technologiques
    - Le diagnostic de performance énergétique
    - L'état de l'installation intérieure d'électricité
    - Le document établi à l'issue du contrôle des installations d'assainissement non collectif.
    Des diagnostics sources d'erreurs
    La multiplication des diagnostics sert l'objectif avoué de protection des acquéreurs. Corrélativement, se multiplient les réclamations consécutives aux erreurs de diagnostic. Les acquéreurs poursuivent alors la condamnation du diagnostiqueur à les indemniser du préjudice subi du fait de l'erreur de diagnostic.
    Dans une décision récente, la Cour de cassation a considéré que le préjudice causé par l'erreur de diagnostic était rien de moins que le coût de la démolition/reconstruction du bâtiment, infesté de termites (voir le texte).
    Il s'agit là d'une condamnation spécialement rigoureuse, plus dictée par les spécificités de l'affaire tranchée que par une volonté d'évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation.
    diagnostics
    diagnostics © Fotolia
     Un diagnostic incomplet et erroné
    Le "bien immobilier" diagnostiqué en l'espèce était composé d'une maison principale et d'une dépendance, qui ont fait l'objet d'un seul et même "diagnostic termites" mais ont été vendues séparément.
    Seul l'acquéreur de la dépendance a critiqué les termes dudit "diagnostiqueur termites".
    L'examen du pourvoi, qui reprend les termes de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Bordeaux, nous apprend que ce diagnostic n'a pas été réalisé conformément aux prescriptions réglementaires applicables.
    Ainsi, à titre d'exemple, le diagnostiqueur a limité son examen à une seule des pièces de la dépendance qui en comportait quatre, outre un appentis extérieur.
    L'examen de cette seule pièce lui a néanmoins permis de conclure à la présence de termites. Au surplus, le diagnostiqueur va préciser dans son rapport que ces termites sont "sans activité". L'expertise judiciaire révèlera non seulement que toutes les pièces de la dépendance et l'appentis extérieur sont affectés par la présence de termites, mais encore que lesdits termites sont "en activité". La Cour de cassation en déduit que le diagnostiqueur a commis une faute en ne réalisant que des "investigations insuffisantes" lesquelles n'ont "pas permis de révéler l'ampleur de l'infestation".
    La référence à l'insuffisance des investigations rappelle que le diagnostiqueur est assujetti à une obligation de moyens et non de résultat, obligation de moyens méconnue en l'espèce.
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    suite : qui poursuivre ?

    termites
    termites © USGov
    Le préjudice indemnisable
    La détermination du périmètre des réparations dues par le diagnostiqueur en cas d'erreur et ici la question fondamentale :
    - D'une part, parce qu'elle oblige le juriste à revenir à "l'enfance de l'art" en matière de droit de la responsabilité, à savoir : une faute, un lien de causalité, un préjudice,
    - D'autre part, parce qu'économiquement, les enjeux sont spécialement sensibles.
    Dans l'arrêt du 12 septembre 2012, la Cour de cassation approuve la Cour d'appel qui a condamné le diagnostiqueur et son assureur à indemniser l'acquéreur du coût de la démolition/reconstruction
    Ainsi, le diagnostiqueur semble se voir imputer la responsabilité des conséquences de l'évolution de l'infestation postérieurement à l'établissement du diagnostic erroné. La solution est, en cela, défendable.

    Une condamnation sévère mais une solution isolée

    A ceci près que la juridiction n'opère pas de distinction entre les seules conséquences de l'évolution de l'infestation postérieures au diagnostic erroné et l'état antérieur du bâtiment, déjà affecté par la présence de termites et incomplètement décrit dans le diagnostic.
    Or, le diagnostiqueur ne peut être tenu pour responsable de l'état du bâtiment, c'est-à-dire de la présence de termites, de plomb, d'amiante, etc...
    La conscience de cette évidence a progressivement fait évoluer la jurisprudence qui a posé le principe selon lequel le préjudice que subit l'acquéreur, du fait de l'erreur du diagnostiqueur, est constitué principalement de la "perte de chance" d'avoir pu obtenir des conditions de vente qui lui soient plus favorables.
    C'est le sens notamment d'un arrêt rendu le 8 février 2012 par la Cour de cassation dans une espèce où le diagnostic parasitaire présentant également la double caractéristique d'avoir été établi en méconnaissance des règles normatives et de présenter des conclusions erronées :
    - La Cour de cassation a refusé la référence à la perte de chance dans son arrêt du 12 septembre 2012, alors même qu'elle y était invitée par l'assureur du diagnostiqueur.
    Ce sont vraisemblablement les circonstances particulières du dossier qui ont conduit la 3ème Chambre civile a adopté une solution "dérogatoire". Il convient en effet de garder présent à l'esprit que dans l'affaire qui lui était soumise, le prix de vente était assez faible et prenait déjà en compte l'état de vétusté du bien, le diagnostiqueur a commis manquements et erreurs, privant ainsi l'acquéreur non seulement d'une information exhaustive sur l'état parasitaire, mais encore d'une alerte sur la nécessité d'entreprendre immédiatement un traitement curatif, permettant ainsi la poursuite de la dégradation par les termites.
    Ainsi, même après cette décision, l'acquéreur marri par un diagnostic entaché d'erreurs n'a aucunement la certitude d'obtenir la condamnation du diagnostiqueur à l'indemniser du coût de la démolition/reconstruction, voire simplement de la dépollution, du bien acquis.
    Peut-être serait-il alors plus efficace, et en tout cas plus naturel, de poursuivre le vendeur plutôt que le diagnostiqueur.
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