L'immobilier à temps partagé, ou "timeshare", a connu ses heures de gloire dans les années 80 et 90. Aujourd'hui, certaines résidences de tourisme restent gérées en timeshare, malgré les polémiques et les plaintes des associations de consommateurs. Zoom sur un mode de vacances pas comme les autres.
L'immobilier à temps partagé, également appelé "timeshare" ou, de manière erronnée, "multipropriété", est un concept qui s'est beaucoup développé dans les années 90.
Le principe du timeshare
Les particuliers achètent une semaine de vacances dans un endroit précis (souvent une résidence de tourisme ou une zone touristique) et pour une durée fixée par contrat. Ils peuvent ensuite choisir de profiter de cette semaine fixe, donc de venir passer leurs vacances chaque année au même endroit à la même période, ou de l'échanger contre une autre semaine dans un autre lieu, via deux bourses d'échange internationales.
La démarche, alléchante, permet donc de profiter potentiellement d'un grand nombre de lieux de vacances. En pratique, faute d'un cadre légal précis, l'immobilier à temps partagé a pâti de son succès.
"A sa création, de nombreuses sociétés ont proposé des biens dans la Costa del sol (sud de l'Espagne, ndlr)
et dans les Canaries", nous explique Lise Nicolle, présidente de l'Association des propriétaires adhérents francophones de vacances à temps partagé (APAF-VTP).
"Le concept a cependant vite saturé, car les personnes qui avaient acheté des semaines attrayantes ne les mettaient pas en jeu dans les bourses d'échange".
Que dit la loi ?
La
loi n° 86-18 du 6 janvier 1986 offre un cadre légal à l'immobilier à temps partagé. En France, le particulier qui investit dans le timeshare n'est jamais propriétaire du bien en question, ni même locataire. Il est propriétaire de parts dans une société civile immobilière (SCI) qui, elle, possède ce bien.
L'on est donc au maximum 52 associés d'une même société, chacun possédant la jouissance d'une semaine dans l'année - ou moins, si certains associés ont acheté la jouissance d'une quinzaine. Ces associés sont solidaires dans le paiement des charges de copropriétés, notamment en cas de travaux.
Cependant, le texte de loi s'est avéré insuffisant, notamment concernant la possibilité de quitter le timeshare. En effet, les associés étaient liés à la société jusqu'à la fin de la durée indiquée dans le contrat - 30, 40 et parfois 60 ans ! En cas de décès, les ayant droit héritent également du contrat immobilier à temps partagé.
"Seule solution : revendre ses parts, ce qui est très difficile" nous explique Lise Nicolle, de l'APAF-VTP.
La
loi n°2009-888 du 22 juillet 2009 a ajouté des précisions indispensables. Un associé peut à présent
"se retirer totalement ou partiellement de la société, après autorisation donnée par une décision unanime des associés", ou encore sur décision de justice, lorsque les parts ont été transmises par succession depuis moins de deux ans,
"ou lorsque [l'associé] ne peut plus jouir de son bien du fait de la fermeture ou de l'inaccessibilité de la station ou de l'ensemble immobilier concerné".
Les avantages
Sur le papier, l'immobilier touristique à temps partagé était un concept brillant. Il permettait à chaque sociétaire de profiter d'un bien dans une résidence de tourisme, n'importe où dans le monde. Il également donnait accès à une résidence secondaire, pour des personnes qui n'en avaient pas les moyens.
A l'heure actuelle, la plupart des propriétaires de parts en timeshare, notamment dans les stations touristiques françaises à la montagne, profitent de leur semaine choisie à l'origine, sans tenter de l'échanger.
"Les bourses d'échange étaient très intéressantes à la création du timeshare, se souvient Lise Nicolle, de l'APAF-VTP.
Cependant, avec le temps, de moins en moins d'associés mettent leur semaine en jeu, donc l'offre s'est fortement réduite".
Aujourd'hui, tempère la présidente, le principe de l'échange reste intéressant, mais
"uniquement pour les personnes qui sont flexibles sur leurs dates de départ en vacances, et qui n'ont pas de préjugés sur les destinations".
Les inconvénients
Le principal inconvénient de l'immobilier à temps partagé est la difficulté à se libérer du contrat. Certaines personnes, dans l'incapacité de payer leurs charges, n'arrivent pas à sortir de la société.
"La vente des parts est quasi impossible, l'assignation en justice coûte environ 2.500 euros en frais d'avocat, et le vote de l'ensemble des associés est assez compliqué à mettre en place, puisqu'il faut réunir 52 personnes", explique Lise Nicolle, de l'APAF-VTP.
Pour se libérer de l'engagement, reste le décès... pour peu que les héritiers réagissent dès le règlement de la succession ! Un amendement a été voté en janvier 2014, autorisant les héritiers directs à refuser les parts de la SCI par le biais du notaire chargé de la succession.
Enfin, dans le cas d'une liquidation amiable de la société, les associés perdent leur mise de départ.
Très intéressant dans les années 80 et 90, l'immobilier à temps partagé a aujourd'hui un concurrent de taille : Internet ! Avec l'avènement des offres "tout compris" à bas prix incluant vol, hôtel et transfert, le timeshare a perdu de son aura.
"Il faut compter 300 à 400 euros de charges par an, plus les frais d'inscription à la bourse d'échange, les frais d'échange, le vol et le transfert... La semaine de vacances revient donc cher !" souligne Lise Nicolle.
Enfin, le système d'échange s'étant émoussé avec le temps, les nouveaux venus dans le timeshare risquent d'être déçus : difficile de réussir à obtenir la semaine idéale dans le pays de ses rêves, à moindre d'être extrêmement flexible.
Les précautions à prendre
La
loi n°2009-888 du 22 juillet 2009 a éclairci certains points obscurs de l'immobilier à temps partagé. Les contrats de vente de parts dans la société détentrice du bien immobilier ne peuvent être proposés que par des personnes physiques ou morales immatriculées au registre des agents de voyages et opérateurs de vente de voyages et de séjours. N'hésitez pas à réclamer une
preuve de l'immatriculation de votre interlocuteur avant de signer.
Après la signature du contrat pour l'achat de parts, le nouvel associé dispose de 14 jours pour
se rétracter. Méfiez-vous des propositions qui pourraient vous être faites à l'étranger, notamment en dehors de l'Union européenne, où ces délais de rétractation ne s'appliquent pas.
Dans l'absolu, le Centre européen de la consommation (CEC) conseille de
"ne rien signer et ne verser aucune somme d'argent" sans avoir lu consciencieusement le contrat, mentionnant les charges annuelles, les conditions d'annulation, etc.
Article mis à jour le 8 mars 2017.
Attention !
La loi européenne ne s'applique pas pour un bien immobilier acheté en timeshare à l'étranger. Dans ce cas, le particulier acquiert un droit de jouissance du bien. Concrètement, il doit payer des charges pour continuer à jouir du bien. "Pour sortir du système, il suffit d'arrêter de payer ces charges, nous explique Lise Nicolle. On perd l'investissement initial, mais on est désengagé". En pratique, de nombreux abus ont été dénoncés, notamment la vente de semaines flottantes, c'est-à-dire la vente à plusieurs occupants différents d'une même semaine dans l'année.