Expulsions locatives / Adil © François Verspeeten
Pour la moitié des ménages enquêtés, le montant de l'impayé (hors aide au logement) se situait entre 2.000 et 5.000 €. Dans la plupart des cas, l'impayé à l'origine de la procédure d'expulsion est survenu plus de deux ans après la signature du bail.
L'enquête révèle que c'est un cumul de difficultés bouleversantes qui a engendré l'expulsion (séparation, perte d'emploi, maladie, diminution de revenus, décès d'un proche ...). A ces drames, se sont ajoutées des difficultés financières. Les questions d'impayés ne sont alors qu'un problème parmi d'autres et les personnes, qui ne réalisent pas les conséquences à venir, ne se mobilisent pas pour solliciter les dispositifs d'aide.
Au moment de l'impayé, pour près de la moitié des ménages, la part des revenus consacrés au loyer est supérieure à 50%. A ce stade, qui apparaît comme décisif, les enquêtes sociales, qui devraient permettre un accompagnement adéquat, sont souvent faibles ou inexistantes. De fait, les propositions d'échéanciers - proposées par les ménages eux-mêmes et souvent incohérentes avec leur situation - sont acceptés par les juges qui ne disposent pas de tous les éléments pour mesurer objectivement leur possibilités.
Les nombreux témoignages font clairement apparaître que les ménages menacés d'expulsion méconnaissent leurs droits et les moyens de les faire appliquer. La difficulté de réagir s'explique d'une part, par la souffrance psychologique due à des événements douloureux et, d'autre part, par une lassitude due à la profusion d'informations qui leur sont envoyées par courrier. Ces lettres sont en effet perçues comme un harcèlement et découragent la lecture.
Par ailleurs, les témoignages révèlent que souvent, lorsqu'elles travaillaient, le statut professionnel ou la situation économique de ces personnes (artisan, auto-entrepreneur...) ne leur permettait pas de bénéficier de prestations sociales. Quand les difficultés ont commencé à venir, elles n'ont pas fait valoir leur droit, notamment l'aide au logement. L'absence totale de contact avec les services sociaux va alors retarder la mise en œuvre d'une solution viable (aide financière pour garder le logement ou pour se reloger) et conduire à de mauvais choix.
Les enfants vont également influer sur les priorités (santé, alimentation...) et reléguer le paiement du loyer au second, voire au dernier plan. Et lorsque le relogement, seule solution viable, est évoquée, sa réalisation est retardée car les parents ne veulent pas perturber la scolarité des enfants. Pour autant, la plupart ont bien conscience de la nécessité de partir. Les difficultés à se reloger et les problèmes financiers les rendent, malgré eux, captifs du logement dont ils seront, au final, expulsés.
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