La crise du logement se confirme en France. Pendant que les
permis de construire et les mises en chantier plongent le marché de l'existant subit une chute de ses transactions. Au mois de décembre, les Notaires avaient déjà alerté sur le recul des prix des appartements comme des maisons, partout en France et particulièrement dans les agglomérations. Les avant-contrats collectés dans les offices notariaux fin 2023 auguraient d'une poursuite de cette tendance début 2024.
En ce mois de janvier, c'est au tour de Century 21 d'abonder ce constat : lorsque les Notaires avancent une baisse de 18% des ventes à l'échelle nationale sur l'année dernière, le réseau enregistre pour sa part un recul de 16% sur l'exercice passé.
"Les causes en sont principalement la hausse continue et rapide des taux d'intérêt (passant de 2,62% en janvier 2023 à 4,22% en moyenne en novembre), conjuguée à un durcissement des conditions d'octroi du crédit et à une inflation qui ampute considérablement le reste à vivre des ménages, les contraignant à renoncer à leur projet immobilier", analyse le président de l'enseigne, Charles Marinakis.
Renoncer à quelques mètres carrés
D'après les données remontées par l'ensemble des agences, le prix moyen au mètre carré ne baisse pas suffisamment dans ces conditions. Il accuse
-1,7% pour les maisons et -3,4% pour les appartements. S'ils veulent concrétiser leur projet, les acquéreurs acceptent donc de renoncer à quelques mètres carrés, de l'ordre de 1,3 m² en moyenne sur un an.
Un choix qui participe certes à réduire le montant moyen d'une transaction (-4,2% tous types de biens confondus) mais qui n'est pas assez significatif pour permettre au marché de retrouver une dynamique. Quant aux délais de vente, ils s'allongent de 8 jours pour les maisons et de 14 jours pour les appartements.
"Ce recul des prix au niveau national est de surcroît en trompe-l'œil car si on exclut la région parisienne, les prix immobiliers ne reculent que de 1% dans le reste de la France, loin des 10 à 15% de baisse nécessaires pour relancer le marché", poursuit Charles Marinakis. La grande majorité des acquisitions (65,6%) continuent à se destiner aux résidences principales et les investissements locatifs renouent avec leur niveau d'avant-2019 (26,7% en 2023 contre 30,6% en 2022).
Retour à la normale
Sans surprise, les retraités constituent la catégorie d'acheteurs qui rencontrent le moins de difficultés, avec une part en progression de 7% parmi les acquéreurs. Généralement peu voire pas concernés par le durcissement des conditions d'emprunt, ils bénéficient a fortiori souvent d'un apport personnel plus conséquent du fait de la revente de biens antérieurs.
Les professionnels confirment en outre que les prix retrouvent un semblant de normalité après des années fastes.
"Il faut quand même rappeler que de 2015 à 2022, les prix n'ont cessé de croître en France : +34% pour les maisons et +26,6% pour les appartements. Sur cette période, en moyenne, un bien immobilier a donc vu sa valeur augmenter de 4% par an ! Le recul actuel des prix ne vient même pas gommer une année de hausse...", souligne le patron de Century 21 France.
Si la diminution des tarifs est bien un phénomène national, elle ne revêt toutefois pas la même ampleur partout. L'un des principaux enseignements de 2023 réside ainsi dans la
"régionalisation" des marchés immobiliers,
"où tous les cas de figure coexistent".
Atonie du marché francilien
A Paris, les ventes se rétractent de 12,9%, probablement parce qu'un effort plus important a été consenti sur les prix, lesquels baissent de 5,5%. Ils s'établissent à 9.774 € le mètre carré en moyenne en 2023 pour une surface acquise moyenne de 48,7 m² (50 m² en 2022), ce qui contribue à réduire le montant moyen d'un achat dans la capitale (477.857 € en 2023, soit -7,7% sur un an). Les délais de vente
"explosent" néanmoins pour atteindre des records : 96 jours en moyenne.
Dans le reste de l'Île-de-France, les prix accusent -5% pour les maisons et -7,8% pour les appartements, pour se fixer respectivement à 3.656 € et 4.445 € le mètre carré en moyenne. Les délais de vente sont davantage plombés (90 jours) et les transactions chutent de 18,7% pour les maisons et de 22,2% pour les appartements.
Une situation propre à la région capitale.
"Cette contraction d'activité s'explique en partie par des prix qui n'ont cessé de croître entre 2015 et 2022. En huit ans, le prix au mètre carré francilien a progressé de 38,2% pour les maisons et de 36,6% pour les appartements, une hausse encore plus importante qu'à Paris !", développe Charles Marinakis.
"Alors certes, la région francilienne est celle qui corrige le plus en termes de prix, mais ce recul est insuffisant pour sortir le marché de l'atonie."
Baisse significative à Lyon et Bordeaux
Le reste des régions est classé en trois catégories distinctes par Century 21. D'abord, les régions dont les volumes de ventes baissent de moins de 10%. On y trouve la Bretagne (-9,3% d'activité), les Pays de la Loire (-5,7%) et la Bourgogne-Franche-Comté (-5,6%), pour des niveaux de prix évoluant respectivement de -0,2%, +0,5% et -4,2%.
Ensuite, les régions dont les transactions reculent dans une fourchette comprise entre -10 et -15%. Sont concernées l'Auvergne-Rhône-Alpes (-15%), la Nouvelle-Aquitaine (-14,3%), le Grand Est (-14,2%) et le Centre-Val de Loire (-12,3%). C'est en région Aura que la baisse des prix est la plus significative (-4,1%), et tout particulièrement à Lyon (-5,7%). En Gironde, l'activité et le niveau de prix cèdent respectivement 12,7% et 4,1%. A Bordeaux, où les prix s'étaient envolés de 54,3% entre 2015 et 2022, ils accusent -11,5% sur un an pour un volume de ventes de -10,9%.
La Paca connaît la plus forte augmentation des prix en un an
Enfin, la catégorie des régions dont les transactions chutent de plus de 15% réunit la Normandie (-21,6%), l'Occitanie (-19,1%), les Hauts-de-France (-18,7%) et la Provence-Alpes-Côte d'Azur (-18%). Les niveaux de prix de ces régions ne s'ajustent pas suffisamment à la baisse pour relancer le marché : Century 21 constate -2,7% dans les Hauts-de-France, une stabilisation pour la Normandie, +0,5% pour l'Occitanie et +1,7% en Paca.
Cette dernière enregistre la plus forte augmentation des prix sur 12 mois au niveau national, alors qu'ils avaient déjà bondi de +31,2% entre 2015 et 2022. L'exemple de Nice est parlant : les prix engrangent 5,5% en 2023 en dépit d'un marché local en recul de 15,5%. La demande reste cependant forte et les délais de vente ne s'allongent que de 2 jours en un an.
Baisser les tarifs pour "purger les excès de ces dernières années"
Le marché de l'immobilier ancien tricolore a donc logiquement commencé à se bloquer en 2023 et les professionnels considèrent que tous les leviers d'action ont déjà été poussés au maximum pour 2024. Charles Marinakis développe :
"L'apport personnel a continué d'augmenter en 2023 et atteint un niveau jamais égalé. La superficie des biens achetés ne peut quasiment plus se réduire au risque d'atteindre un seuil de viabilité qui rend l'acquisition inenvisageable pour le confort des occupants. En réalité, si les taux se stabilisent comme cela semble se profiler, un seul et dernier levier peut permettre au marché immobilier de repartir : celui des prix."
Dorénavant, la balle est donc dans le camp des vendeurs.
"Ils doivent baisser davantage qu'ils ne l'ont fait en 2023 pour purger les excès de ces dernières années. Alors seulement, le marché immobilier pourrait retrouver des couleurs et permettre à nouveau aux Français de concrétiser leur rêve de devenir propriétaires."