Situé à 2.250 mètres d'altitude, le site de la Croix de Chamrousse, dans les Alpes, accueille depuis fin 2014, un nouveau restaurant d'altitude. Plus que la construction d'un bâtiment, ce programme s'inscrit dans un projet plus global de remise en valeur de la nature du sommet.
A l'origine, en 2009, un appel à projets est lancé pour penser le réaménagement du sommet
de la croix de Chamrousse (Isère). A cette époque, le site comprenait une télécabine ainsi qu'une vieille gare et un ancien bâtiment de TDF hérissé d'antennes, nous explique Philippe Guyard,
architecte du cabinet GBAU qui a remporté le projet. Des infrastructures qui, avec le temps, avaient altéré le site naturel et remodelé lourdement sa topographie, indique aussi le studio d'architectes.
Pour réaménager cette zone protégée, située à 2.250 mètres d'altitude, le studio d'architectes et d'urbanistes a travaillé avec les équipes de la DREAL (direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) afin de définir le projet. L'idée était donc de repenser les lieux et de les réaménager en remettant la nature au cœur du projet, tout en y ajoutant un restaurant d'altitude qui ne vienne pas perturber cet environnement.
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A la reconquête de la nature
A la reconquête de la nature - Restaurant de montagne © ©Gbau
Cette réalisation s'est faite en deux temps, nous confie l'architecte Philippe Guyard. Il était d'abord question de renaturaliser le site et de reconquérir ce paysage de montagne. Le restaurant a été construit à l'arrivée de la télécabine et constitue cette première étape du projet de requalification.
Pour la réalisation de ce bâtiment, les architectes ont souhaité que ses lignes "
s'adaptent aux courbes de la nature". "
Il s'agit de tracer un chemin, un sillon ou lèvre travaillé en pierrier, qui marque une limite en lasso entre un intérieur sommital encombré (avec des pylônes, des gares d'arrivées, de guérites de pisteurs...) et des versant plus préservés", indique GBAU architectes et ubanistes. Pour les architectes "
son dessin obéit à une logique d'enceinte ou de bord et renvoie à l'imaginaire de la place force ou du tumulus".
Le projet a accordé une grande importance d'une nouvelle définition de l'intérieur et l'extérieur de la calotte. "
Nous avons pensé à un sillon qui permet une promenade autour du bâtiment en été", aussi Philippe Guyard.
A la reconquête de la nature
Comme une incision dans la montagne
Comme une incision dans la montagne - Restaurant de montagne © ©Pierre Vallet
La forme de ce bâtiment ressemble à un "
coup de cutter" dans la roche, une incision qui épouse les courbes de la montagne. Tout le bâtiment se fond d'ailleurs dans la typographie du site.
Le restaurant "
incision curviligne pratiquée dans la pente qui s'infléchit vers l'ouest pour échapper au passage des câbles, fait partie intégrante de ce sillon", précisent les architectes. "
Il en est la continuité et le prolongement". Observé dans sa globalité, l'édifice ressemble selon eux, "
à un geste qui effleure, appuie et entaille puis effleure à nouveau". "
Une incision qui débute et se termine en douceur, tel un fondu enchaîné avec le terrain naturel", comparent-ils. De part et d'autre de cette entaille, le sol a été reconstitué en pierrier.
Comme une incision dans la montagne
Des grandes baies vitrées pour admirer le paysage
Des grandes baies vitrées pour admirer le paysage - Restaurant de montagne © ©Pierre Vallet
Mettre en avant la beauté de cette nature, tel est l'un des objectifs de ce projet. Ainsi, les façades du bâtiment sont hautes de trois mètres. Ce mur rideau en verre, adapté aux chocs thermiques, à la pression au vent et coupe-feu, offre aux visiteurs une vue dégagée sur la vallée. Au total, sur les 90 mètres de longueur de la façade, 63 sont vitrés.
Des grandes baies vitrées pour admirer le paysage
Une visière habille le bâtiment
Une visière habille le bâtiment - Restaurant de montagne © ©Gbau
Pour l'été comme pour l'hiver, les architectes ont conçu une casquette tout autour du bâtiment, sorte de visière pour protéger du froid et des rayons trop forts du soleil. Cette casquette permet aussi aux visiteurs du site d'admirer la vue en se fondant dans le paysage.
Ce sont des consoles métalliques qui retiennent la structure et contribuent à créer cette visière. Cela "
accentue l'effet panoramique", ajoutent la maîtrise d'oeuvre.
Enfin, cette visière sert aussi de passage couvert en hiver. Elle protège les promeneurs des chutes de neige en hiver et de la chaleur en été.
Une visière habille le bâtiment
Le développement durable au cœur du projet
Le développement durable au cœur du projet - Restaurant de montagne © ©Gbau
Autre particularité du bâtiment : tout le restaurant est enterré. Cette "
structure réalisée en béton agit alors comme une sorte de !Thermos", indique Philippe Guyard. "
Nous nous sommes ainsi servis de l'inertie du sol pour concevoir le bâtiment". A noter aussi que le mur enterré associé à la casquette, grâce à une attache ponctuelle, évite les ponts thermiques, ajoute-t-il.
La protection de l'environnement a été au cœur du projet, souligne l'architecte expliquant par exemple que le remblai a été réalisé avec les matériaux utilisés sur le site. Le béton a ainsi été broyé et concassé et a servi en partie pour la réalisation du projet.
Autre élément mis en avant par l'architecte : la résistance des matériaux utilisés qui sont "
à l'épreuve du temps et permettent aussi de se protéger des agressions de l'extérieur".
Le développement durable au cœur du projet
Un sol naturel en toiture
Un sol naturel en toiture - Restaurant de montagne © ©Pierre Vallet
Puisque le restaurant est enterré, sa toiture a une fonction bien particulière. Elle accueille en effet sur les extrémités un sol artificiel sur lequel, les visiteurs peuvent déambuler pour profiter naturellement du paysage sans s'apercevoir qu'ils sont sur une toiture artificielle.
Cette toiture-sol se compose dans un remblai léger, composé à base de pneus déchiquetés, sur lequel "
nous avons reconstitué un enrochement proche du sol d'origine du site", explique l'architecte.
Un sol naturel en toiture
Un intérieur sobre pour sublimer l'extérieur
Un intérieur sobre pour sublimer l'extérieur - Restaurant de montagne © ©Pierre Vallet
Dans le restaurant, les architectes ont décidé de recouvrir les murs et les plafonds d'un lambris de bois aux teintes cuivrées. Cette uniformité de ton sombre permet aux clients de s'imaginer à l'intérieur de la montagne et d'admirer davantage encore le paysage environnant. "
Le fort contraste avec la surexposition extérieure est délibérée", indique le studio d'architectes. "
Nous avons voulu reproduire un principe proche de celui de la chambre noire, dans laquelle on voit mieux dehors si on est dans le noir à l'intérieur", nous explique Philippe Guyard.
Ce bâtiment est par ailleurs peu profond (7 mètres au maximum) afin qu'en tout endroit, les visiteurs puissent voir la lumière. Enfin, toujours dans l'optique de profiter de la vue, les tables ont été disposées en épie.
Un intérieur sobre pour sublimer l'extérieur
Restaurant de la Croix de Chamrousse : fiche technique
Restaurant de la Croix de Chamrousse : fiche technique - Restaurant de montagne © ©Pierre Vallet
Programme : restaurant d'altitude et renaturation du sommet de la Croix de Chamrousse (38)
Maître d'œuvre : Commune de Chamrousse
Architectes : Guyard Bregman Architectes Urbanistes
Bureaux d'études : Batiserf ingénierie (structure), Groupeco ingénierie (économie) et Cipavem (fluides)
Gros œuvre et terrassement : GTM Bâtiment et génie civil Lyon
Menuiserie métallique et serrurerie : Métalleries du Forez - ETS Blanchet
Surface plancher : 700 m²
Coût total HT de l'opération : 2.900.000 € HT
Construction : 2009-2015
Restaurant de la Croix de Chamrousse : fiche technique