Plusieurs ONG s'inquiètent du risque de retrouver du bisphénol A, substance chimique pouvant nuire à la santé, dans notre eau potable. En cause : le gainage, une technique de plus en plus répandue de réhabilitation des canalisations à partir d'une résine époxy. Explications.
Pointé du doigt depuis plusieurs années en France pour sa dangerosité sur la santé, le bisphénol A (BPA) fait à nouveau parler de lui. Après en avoir trouvé la trace dans de nombreux objets de notre quotidien tels que les biberons, les boîtes de conserve, les ordinateurs ou encore les tickets de caisse, on aurait détecté sa présence dans l'eau potable. Particulièrement inquiétante, l'information a été révélée en fin de semaine dernière par le Réseau Environnement Santé (RES) et les ONG Chemsec (International Chemical Secretariat) et WECF (Women in Europe for a Common Future).
Les trois structures se sont unies d'une même voix pour alerter sur les éventuels risques de migration du bisphénol A de nos canalisations à notre eau potable. De plus en plus souvent en effet, il arrive que l'on procède au
"gainage" (ou
"relining") des canalisations d'eau potable abîmées plutôt qu'à leur remplacement. Moins onéreuse que l'ancienne, cette nouvelle technique consiste à réhabiliter les conduits en utilisant une résine époxy. Or, il se trouve que cette résine contient souvent du BPA - substance qui, à forte dose, est très fortement suspectée d'entraîner des pathologies telles que le cancer, des problèmes de fertilité ou encore des maladies cardiaques - ou du Bisphénol A Diglycidyl Ether (BADGE), substance pouvant elle aussi libérer du BPA. D'où l'inquiétude des défenseurs de l'environnement.
"Des analyses doivent être menées pour déterminer le niveau de produits chimiques dangereux qui migrent dans l'eau potable à partir de canalisations gainées par relining", sollicite le Réseau Environnement Santé.
Si les associations sont aussi inquiètes, c'est que la migration du BPA de certains produits à l'homme - d'ailleurs son utilisation est interdite dans la fabrication des biberons depuis janvier 2011 - a été reconnue et que l'eau potable puisse devenir l'un des nouveaux vecteurs de transmission de la substance.
"En Allemagne, rapporte ainsi le RES,
des niveaux de BPA allant jusqu'à 280 ug/l ont été mesurés dans les canalisations d'eau chaude à la suite d'une opération de gainage dont la mise en oeuvre a présenté des dysfonctionnements. Ces niveaux se situaient largement au-dessus du seuil des 30 ug/litren approuvé en Allemagne pour le passage du BPA dans l'eau potable". Les mêmes augmentations anormales ont été détectées lorsque la résine n'a pas été mélangée ou n'a pas disposé d'un temps de séchage suffisamment long ou, encore, que l'eau est portée à 70°C. Les ONG s'appuient également sur des études qui montrent que
"la diffusion du BPA augmente avec la dégradation des résines au cours du temps".
Sachant que la présence de BPA devrait être interdite dans tous les objets en contact avec les aliments à partir de 2014, le RES et les deux ONG invitent donc les pouvoirs publics à réglementer au plus vite l'utilisation du BPA avec les produits en contact avec de l'eau potable. Et de citer, en exemple, la Fédération Suédoise de Construction qui a émis un avis défavorable sur le gainage exécuté avec des plastiques époxy.
Les entreprises qui procèdent au gainage sont, quant à elles, priées de communiquer de manière
"plus exhaustive" concernant les substances utilisées dans leurs opérations de gainage et à mettre en place des d'autres solutions que la résine époxy. Matériaux à base de polyester, de polyuréthane sans BPA, résines fabriquées à partir de silicone... D'après les associations, de nombreuses alternatives existent.