Photo d'illustration © Christian Müller - Thinkstock
Une enquête menée en 2015 par la DGCCRF révèle "un large éventail de pratiques commerciales trompeuses" des professionnels de la rénovation énergétique. Loïc Tanguy, directeur de cabinet adjoint de la DGCCRF revient sur ces résultats, alerte les particuliers sur le phénomène mais dans le même temps, le relativise, incitant à ne pas faire de généralisation. Interview.
Après l'enquête de
l'UFC-que choisir, c'est au tour du ministère de l'Économie via la
DGCCRF de publier les résultats d'une enquête menée en 2015 auprès de 360 entreprises du secteur de la rénovation thermique. Loïc Tanguy, directeur de cabinet adjoint de la DGCCRF, a accepté de revenir sur ces résultats et nous expliquer la démarche de la DGCCRF.
Maison à part : Qu'est-ce qui vous a poussé à réaliser cette enquête ?
Loïc Tanguy : Nous menons depuis des années des enquêtes sur les pratiques commerciales du secteur de la rénovation thermique. Mais jusque-là, nous étions plus orientés vers les énergies renouvelables parce que nous recevions des plaintes à ce sujet et notamment sur des installations photovoltaïques. Pour cette nouvelle enquête, menée en 2015, nous nous sommes davantage focalisés sur la rénovation thermique. Là encore, cela fait suite à la veille que nous menons à la DGCCRF et aux remontées que nous avons enregistrées.
Maison à part : Concrètement, que faut-il retenir des résultats de cette enquête ?
Loïc Tanguy : Nous avons observé que les pratiques commerciales déloyales sont notamment liées aux incitations fiscales. Certaines entreprises peu scrupuleuses utilisent ce créneau pour vendre des prestations et travaux. Aujourd'hui, de plus en plus de particuliers sont conscients de l'importance de faire des travaux et de plus en plus réalisent ce type de travaux. Il y a donc un bon nombre d'entreprises qui ont trouvé un terrain favorable pour développer des pratiques commerciales déloyales.
Les
travaux de rénovation thermiques constituent des investissements lourds pour les particuliers, c'est pourquoi nous devons être vigilants et les informer des dangers potentiels. Certaines entreprises convainquent les particuliers que ces travaux sont pour leur bien et qu'ils feront des économies voire que les travaux ne leur couteront que peu d'argent grâce aux avantages fiscaux. Or, ce n'est pas forcément le cas.
Maison à part : Après l'enquête de l'UFC-Que choisir, cette enquête est un nouveau coup dur pour les artisans.
Loïc Tanguy : Il ne faut pas généraliser. Tous les artisans ne sont pas des escrocs. Le but de cette enquête n'est en aucun cas de dire que tous les artisans trompent leurs clients. Nous disons simplement que dans ce secteur, il y a des pratiques trompeuses graves et qu'il faut s'en prémunir. Notre mission est de sensibiliser les particuliers au fait que certains acteurs en profitent. C'est avant tout une opération de communication à leur encontre. Nous ne cherchons pas à faire un tableau noir de la situation, nous appelons juste à la vigilance et nous profitons de cela pour donner des conseils aux consommateurs afin qu'ils soient en mesure de vérifier le sérieux des professionnels. Par exemple, avant de signer avec une entreprise, ils peuvent s'assurer qu'elle a bien le label RGE, en se rendant sur le site dédié.
Il faut savoir effectivement qu'une grande partie des entreprises que nous avons ciblées pour cette enquête sont des établissements qui nous ont été signalés. Il ne faut donc pas prendre ce pourcentage de 57% pour un absolu du marché de la rénovation.
Maison à part : Pourtant dans votre enquête vous indiquez que la détention du label RGE ne garantit pas l'absence de pratiques commerciales trompeuses.
Loïc Tanguy : Nous avons en effet observé deux pratiques. Il y a des artisans qui annoncent qu'ils ont ce label alors qu'ils ne l'ont pas mais aussi des artisans qui détiennent ce label et qui ont pourtant des démarches peu scrupuleuses. Par exemple, certaines entreprises réalisent du démarchage à domicile en se faisant passer pour un service public. La DGCCRF doit avertir les particuliers et leur conseiller de se méfier. Les services publics ne commandent pas de démarchage. Par ailleurs, nous avons observés que dans le cadre de ce démarchage, certains professionnels ne laissent pas le temps de réflexion à leurs clients et les obligent à signer une quantité de documents les engageant sans même savoir ce qu'il y a derrière. Ce genre de pratiques peut conduire à des situations particulièrement délicates pour les consommateurs qui peuvent se retrouver à payer une facture de plusieurs dizaines de milliers d'euros sans pouvoir l'honorer. Le rôle de la DGCCRF est donc de sanctionner ce type de professionnels mais aussi et j'insiste de prévenir les consommateurs. Le but n'est absolument pas de les inciter à ne pas faire ces travaux.
Maison à part : Selon votre enquête, dans 57% des établissements ciblés au moins une anomalie a été constatée. Comment avez-vous sélectionnés les 360 entreprises de votre enquête ?
Loïc Tanguy : Il faut savoir effectivement qu'une grande partie des entreprises que nous avons ciblées pour cette enquête sont des établissements qui nous ont été signalés. Il ne faut donc pas prendre ce pourcentage de 57% pour un absolu du marché de la rénovation. La réalité du marché est sans doute inférieure à cela. Pour autant, ce chiffre reste important par rapport aux pratiques observées dans d'autres secteurs. Compte tenu de ces résultats, le marché de la rénovation reste donc un secteur que nous continuons de placer en vigilance renforcée.