Les isolants à base de matières végétales ou animales suscitent un vif intérêt mais soulèvent encore en même temps beaucoup de questions. Propriétés, utilisations, performances... Emmanuel Jayr, ingénieur de recherche au sein du CSTB (Centre Scientifique et Technique du Bâtiment) nous aide à mieux les connaître.
Maison à part : Qu'est-ce qu'un isolant "naturel" ?
E.J : Les isolants naturels sont des produits qui incorporent des matières premières provenant du monde vivant : animal, végétal voire minéral. Le terme "naturel" renvoie automatiquement à une représentation positive et écologique or, ce n'est pas parce que le matériau est directement tiré de la nature que le produit est performant au niveau environnemental et sanitaire, ni bon pour la nature et pour l'homme. Pour éviter toute confusion, il est plus approprié de les appeler "matériaux et produits bio-sourcés".
MAP : Pourriez-vous citer quelques produits appartenant à cette catégorie ?
E.J : Les matériaux les plus connus sont ceux d'origine végétale, comme par exemple le chanvre, la ouate de cellulose, le liège, la paille, le coton, la fibre de bois ou encore le lin. A cette liste déjà longue viennent s'ajouter les fibres animales comme la laine de mouton ou les plumes de canard. Par extension, on ajoute également, ceux d'origine minérale : perlite, vermiculite et argile expansée. De nombreux produits d'isolation thermique et/ou acoustique en vrac, panneaux, rouleaux sont alors élaborés à base d'un ou de plusieurs de ces matériaux.
MAP : Quels sont les plus utilisés et pourquoi ?
E.J : La fibre de bois rencontre un certain succès, surtout auprès des particuliers qui se lancent dans l'auto-construction. Elle présente l'avantage d'être relativement simple à mettre en œuvre et de pouvoir se prêter à l'isolation par l'extérieur. Un élément pourrait cependant freiner son développement : son prix qui reste élevé. Pour un panneau souple en fibres de bois de 200 mm d'épaisseur (correspondant à une résistance thermique R = 5 m2.K/W), il faut compter plus de 30 €/m2, hors pose, contre environ 10 € pour un panneau en
laine de verre ou laine de roche. De leur côté, les professionnels ont plutôt tendance à opter pour la ouate de cellulose en vrac, un produit qui parvient à allier facilité de mise en œuvre et un coût comparable aux isolants traditionnels.
MAP : A quoi les isolants naturels servent-ils dans une maison ?
E.J : Grâce à leurs propriétés thermiques et acoustiques, les isolants bio-sourcés répondent à de multiples usages. Ils peuvent aussi bien être utilisés en isolation rapportée des parois verticales (murs), des toitures et combles, ou des sols et planchers. En fait, en analysant bien les caractéristiques des différents produits présents sur le marché et les exigences requises pour les applications, on peut pratiquement trouver au moins un produit adapté pour chaque domaine d'application. On peut également citer l'utilisation du béton de chanvre ou du terre/paille en isolation repartie.
Emmanuel Jayr © DR
Emmanuel Jayr, ingénieur de recherche au sein du CSTB.
MAP : On entend souvent dire que les performances thermiques des matériaux naturels sont meilleures que celle matériaux isolants traditionnels, est-ce vrai ?
E.J : Elles ne sont ni meilleures ni moins bonnes. En fait, lorsque l'on regarde leurs caractéristiques techniques, les performances thermiques atteintes avec des produits bio-sourcés sont comparables à celles obtenues avec des isolants traditionnels épais. Le liège expansé, par exemple, affiche une conductivité thermique de 42 mWm-1K-1, de même que les panneaux d'isolant à base de fibres de chanvre et les panneaux de plumes de canard. Elle est de 39 mWm-1K-1 pour les panneaux souple en fibres de bois. On reste d'ailleurs globalement dans la même gamme de performances pour l'ensemble des isolants bio-sourcés (40 mWm-1K-1), soit des performances équivalentes à celle des produits traditionnels.
MAP : Mais alors, quels avantages y a t il à utiliser un isolant d'origine naturelle plutôt qu'un isolant traditionnel ?
E.J : Les principaux atouts avancés par les fabricants de ces produits sont leur bon bilan environnemental (faible énergie grise, faible émission de GES, matière première renouvelable), de faibles impacts sanitaires et leur comportement hygrothermique améliorant la sensation de confort de l'occupant. Bien sûr, au-delà des a-priori et des idées reçues, il est nécessaire de valider scientifiquement ces arguments. Les fabricants leur prêtent aussi d'autres avantages comme celui par exemple d'améliorer l'inertie thermique d'un bâtiment. Un argument qui, encore une fois, reste à vérifier puisque l'apport de l'isolant est, il faut bien le dire, quand même minime par rapport à celui des matériaux pondéreux de construction (éléments de structure, de fondation ou de cloison).
E.J : Oui, absolument. D'autant plus que pour les isolants bio-sourcés, le retour sur expérience est encore faible. Impossible donc d'être vraiment sûr de la durabilité des produits et de la pérennité de leurs performances.
MAP : Pour autant, faut-il remettre en cause la fiabilité des isolants naturels ?
E.J : Non. L'important lors du choix d'un produit, et ceci quelle que soit son origine ou sa nature, est de bien vérifier que son aptitude à l'usage a été validée dans le cadre d'une évaluation technique. Un nombre croissant de produits bio-sourcés est aujourd'hui couvert par un avis technique ou par une certification complémentaire à l'obligation réglementaire de marquage CE. Pour les produits couverts par une norme européenne harmonisée, comme par exemple les isolants à base de fibres de bois, de fibres de lin ou les isolants à base de liège expansé, ce dernier est en effet obligatoire. Certains fabricants peuvent également apposer volontairement le marquage CE sur leurs produits. Cela a d'ailleurs déjà été fait pour la laine de chanvre et la ouate de cellulose. Enfin, la certification ACERMI atteste des performances thermiques et de la durabilité du produit.