A la fois subtile et créative, la mosaïque fait un retour remarqué dans le domaine de la décoration. De plus en plus présente mais toujours aussi mal connue du grand public. En tant que mosaïste professionnel, Jérôme Clochard*, lui, la connaît bien. Il nous en dévoile ses singularités en images...
Maison à part : Pour commencer, pouvez-vous rappeler l'origine du mot "mosaïque" ?
Jérôme Clochard : Le terme
"mosaïque" est apparu en Italie au 1er siècle après JC. Il vient du mot latin
"opus musivum" qui désigne un type de revêtement appliqué à la décoration des parois et des voûtes des grottes ou des fontaines dédiées aux muses. Par dérivation, on l'emploie aujourd'hui dans la langue française pour qualifier un décor composé de petits morceaux - appelés tesselles ou tessères - de matières diverses, assemblés grâce à un mortier ou ciment, sur un support.
MAP : Quand et où dans le monde sont apparues les premières mosaïques ?
J.C : Les premières traces officielles de décors ressemblant à de la mosaïque ont été repérées en Asie Mineure et en Mésopotamie aux alentours de l'an 3.000 avant J.C. Il s'agissait de décors colorés composés de petits cailloux, de cônes de terre cuite et de fragments de pierres précieuses.
J.C : Non, en effet. La mosaïque et le carrelage sont deux mondes vraiment très différents. Lorsque l'on pose du carrelage, il s'agit d'aligner les uns à côté des autres des carrés de mêmes dimensions tandis que lorsque l'on réalise une mosaïque, on est beaucoup plus libre. Il n'y a pas cette notion de linéarité ni de calibrage. Le but est de parvenir à créer des effets, de donner du rythme en jouant sur le mélange des formes, des matières et des couleurs. Contrairement au carrelage, la mosaïque est un décor changeant. Son apparence varie en fonction de l'intensité de la lumière, du moment de la journée et même de l'endroit où l'on se trouve pour la regarder.
J.C : La fabrication d'une mosaïque repose à la fois sur un travail de création et un travail manuel. La première étape, sans doute la plus importante, est celle du dessin. La tâche est complexe car il ne s'agit pas seulement de faire un beau dessin, encore faut-il parvenir à le retranscrire sur le support avec les fragments... Vient ensuite la phase du choix des matériaux. Elle peut être longue car on peut utiliser aussi bien de la pierre, de la pâte de verre, que du marbre, de la nacre, de l'or voire même du métal... Une fois choisis, les matériaux sont taillés et façonnés à l'aide d'une marteline et d'un tranchet coupant, les deux outils de prédilection des mosaïstes. La dernière étape consiste à poser les fragments sur un support soit entièrement soit partiellement encollé. D'un mosaïste à l'autre, les techniques de pose varient : pose directe sur support définitif, la pose indirecte sur papier kraft et la pose sur support provisoire. Le joint apporte la dernière touche mais il n'est pas indispensable, tout dépend de l'usage de la mosaïque.
Absolut Mosaique © Absolut Mosaique
MAP : Quelles qualités réclame ce type de travail ?
J.C : Le plus important est d'avoir dès le début une vision globale de l'œuvre pour la simple et bonne raison que ce que l'on fait un jour ne peut pas être défait le lendemain. Dans la mosaïque, il n'y a pas de correction possible du coup, le premier geste doit être le bon. Pour parvenir à un résultat harmonieux, il est également nécessaire de bien connaître les propriétés propres à chacun des matériaux utilisés dans la mosaïque. Il faut également faire preuve de patience car réaliser une mosaïque est un travail lent. Pour poser un m2 de mosaïque, il faut compter entre 3 et 5 semaines de travail là où, pour du carrelage, on ne mettra qu'un quart d'heure.
MAP : Qui sont les grandes figures de la mosaïque en France ?
J.C : Les seuls mosaïstes à s'être vraiment illustrés en France ne sont pas Français mais Italiens. Je pense à Gian Domenico Fachina qui a inventé la pose indirecte sur papier kraft et à qui l'on doit les décors de l'opéra Garnier ou de la Basilique de Lourdes. Isidore Odorico s'est également illustré avec de très belles réalisations à Rennes, Angers ou encore Saint-Malo**. Cela ne nous empêche pas en France d'avoir d'excellents formateurs : Riccardo Licata, par exemple, qui a enseigné à l'école Nationale des Beaux-arts de Paris, ou encore Giovanna Galli, qui est l'auteur de deux livres devenus des références dans le métier : "La Mosaïque selon la tradition de Ravenne" et "L'Art de la Mosaïque".
MAP : Bâtiments publics, édifices religieux, maisons individuelles, en intérieur, en extérieur... Selon vous la mosaïque a-t-elle sa place partout ?
J.C : Oui absolument. Avec une mosaïque, n'importe quel espace, qu'il soit public ou privé, prend une nouvelle dimension. Il suffit juste de trouver les bonnes proportions et de la placer au bon endroit. Chez un particulier, par exemple, inutile de recouvrir de mosaïque l'ensemble d'un mur ou d'un sol. S'il est judicieusement placé, un petit motif peut apporter une véritable valeur ajoutée à l'ensemble de la pièce.
*Jérôme Clochard vit sur la presqu'île de Fouras, près de La Rochelle en Charente maritime et travaille en France et à l'étranger dans le domaine de la décoration. Fondateur de l'atelier Absolut Mosaique, il s'est récemment illustré avec la réalisation d'un décor floral pour le Printemps Haussmann, à Paris.
**Retrouvez notre article consacré à Isidore Odorico en cliquant ici.
Et pour découvrir quelques-unes des réalisations de Jérôme Clochard, cliquez sur suivant.
Jérôme Clochard - "La mosaïque : un décor changeant"
Jérôme Clochard - Absolut Mosaique © Absolut Mosaique
Dans son atelier situé sur la presqu'île de Fouras, près de La Rochelle, le mosaïste Jérôme Clochard combine travail de création, de décoration et de restauration.
Jérôme Clochard - "La mosaïque : un décor changeant"
Le Printemps Haussmann
Le Printemps Haussmann - Absolut Mosaique © Absolut Mosaique
Le mosaïste s'est récemment vu confier un travail de copie pour le Printemps Haussmann, à Paris. Il s'agissait de reproduire à l'identique un décor floral, esprit Art Nouveau, figurant sur les devantures du magasin.
Le Printemps Haussmann
Color Hôtel - "La mosaïque : un décor changeant"
Color Hôtel - Absolut Mosaique © Absolut Mosaique
Jérôme Clochard a été contacté en 2008 par la décoratrice Carole Picard. Elle lui a demandé de réaliser une création contemporaine pour habiller la réception du Color Hôtel à Paris. L'établissement étant décoré sur le thème de la couleur, le mosaïste y réinterprète le fameux cercle chromatique. Une oeuvre qui, plongée dans un univers complètement immaculé, attire l'oeil !
Color Hôtel - "La mosaïque : un décor changeant"
Hôtel le Chat Noir
Hôtel le Chat Noir - Absolut Mosaique © Absolut Mosaique
Jérôme Clochard s'est attelé à un travail de reproduction pour l'hôtel Le Chat Noir à Paris. Il propose ici une version contemporaine de l'affiche du fameux cabaret parisien.
Hôtel le Chat Noir
Présence - "La mosaïque : un décor changeant"
Présence - Absolut Mosaique © Absolut Mosaique
Avec son oeuvre "Présence", Jérôme Clochard a décidé d'associer de la peinture à la mosaïque. Le but : "mettre encore mieux en valeur la mosaïque grâce aux pigments".
Présence - "La mosaïque : un décor changeant"
Détail - "La mosaïque : un décor changeant"
Détail - Absolut Mosaique © Absolut Mosaique
Détail - "La mosaïque : un décor changeant"
Scappa - "La mosaïque : un décor changeant"
Scappa - Absolut Mosaique © Absolut Mosaique
Pour cette mosaïque destinée à embellir un hôtel parisien, deux thèmes avait été imposés au mosaïque : celui du blanc et de la femme. Jérôme Cloclard l'a respecté en jouant notamment sur les matières.
Scappa - "La mosaïque : un décor changeant"
Babylone - "La mosaïque : un décor changeant"
Babylone - Absolut Mosaique © Absolut Mosaique
Sclupture partiellement recouverte de mosaïque.
Babylone - "La mosaïque : un décor changeant"