EnR : des pratiques commerciales trompeuses révélées par la DGCCRF

    Publié le 23 novembre 2015 par Grégoire Noble
    Module solaire - image prétexte
    Module solaire - image prétexte © AS Abwicklung und Solar-Service AG i.L.
    La DGCCRF déclare avoir constaté "de graves manquements" des professionnels du photovoltaïque et des éoliennes domestiques en 2014. Le taux d'infraction serait très élevé et même la présence de la mention "RGE" ne prémunirait pas les consommateurs d'infractions. Qualit'EnR réagit.
    Des "professionnels peu scrupuleux" aux "pratiques commerciales trompeuses" : le portrait est peu flatteur. C'est celui que dresse la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) d'entreprises qui vendent des panneaux solaires ou des éoliennes aux particuliers.
    L'administration, qui relève du ministère de l'Economie et veille à la loyauté des transactions à l'égard des consommateurs, a réalisé, en 2014, une enquête (voir encadré) auprès de 73 professionnels, qui révèle "un taux infractionnel très élevé de 49,3 %", proportion qui peut grimper à plus de 80 % dans certaines régions comme Rhône-Alpes.
    Les principaux manquements constatés relevaient des pratiques commerciales trompeuses et du non-respect des règles de démarchage à domicile. La DGCCRF liste : "la tromperie sur les coûts et gains attendus des installations", "le paiement par les consommateurs aux professionnels avant expiration du délai de 7 jours" ou encore "le non-respect du délai de rétractation et le non-respect dû au formalisme des contrats de vente et de crédit". En effet, dans le cadre du démarchage à domicile, le consommateur dispose d'un délai de rétractation de 14 jours, tandis que l'entreprise a interdiction de percevoir une contrepartie financière pendant un délai de 7 jours. Elle doit, de plus, fournir des informations précontractuelles et préparer un contrat en bonne et due forme.

    Des infractions graves qui persistent

    Plus préoccupant encore, alors que dans le bâtiment les fausses mentions RGE fleurissent, il apparaît que 64 % des entreprises verbalisées par la DGCCRF (soit 20 entreprises spécialisées dans le photovoltaïque) détenaient cette marque de qualité. L'administration de lutte contre les fraudes signale que la mention "ne constitue donc pas une garantie de bonne pratique commerciale du professionnel". Elle invite donc les consommateurs à signaler les abus et les dérives constatées auprès des directions départementales chargées de la protection des populations (DDPP). Et elle recommande la plus grande vigilance lors de l'achat de ce type d'installations domestiques "compte tenu de la persistance d'infractions graves commises par un certain nombre de professionnels". La répression des fraudes annonce que des actions sont d'ores et déjà programmées "afin d'assainir le marché".
    Dans son rapport, la DGCCRF note : "Il s'avère indispensable de maintenir une surveillance accrue du secteur et de cibler plus particulièrement les établissements de crédit. En effet, les pratiques dommageables aux consommateurs observées reposent en grande partie sur les systèmes du financement, dans la mesure où les sociétés obtiennent facilement et rapidement, de la part des prêteurs, des sommes importantes, puis disparaissent pour créer de nouvelles structures".

    Des installations techniquement satisfaisantes

    Du côté de Qualit'EnR, organisme de qualification, le son de cloche est différent. André Joffre, son président, déclare : "Nous sommes très surpris de ces chiffres-là. Et nous avons une vision diamétralement opposée car nos indicateurs ne sont pas les mêmes. Nous avons réalisé des audits et, sur les deux dernières années, 9 installations sur 10 étaient 'excellentes' ou 'satisfaisantes'. Une proportion qui s'est améliorée, puisqu'elle était de 3/4 à ses débuts en 2010, ce qui s'explique par la courbe d'apprentissage. Et le taux de satisfaction des clients atteint les 97 % pour des installations Quali'PV".
    Le responsable souligne que son organisme combat "les éco-délinquants qui profitent des aides" et qu'il s'agit "d'escrocs qu'il faut condamner très fortement". André Joffre plaide donc pour le retour d'un crédit d'impôts, plafonné, et ayant pour exigence un signe de qualité de l'installateur : "L'éco-conditionnalité pour le photovoltaïque comme pour les autres équipements comme les pompes à chaleur ou les chauffages bois, est une nécessité, puisque le tarif d'achat n'est pas considéré comme une aide et ne nécessite aucune reconnaissance de l'installateur. Mais nous ne sommes pas trop écoutés du côté de Bercy et le solaire photovoltaïque est toujours à part, même si nous réclamons ces changements depuis 6 ans".
    Le blocage viendrait d'une directive européenne qui empêcherait cette évolution. Pourtant, l'évolution du paysage énergétique français avec le développement probable de l'autoconsommation, aura besoin d'une adaptation prochaine de son cadre réglementaire. "Faute de quoi, c'est une porte ouverte à tout", déplore le président de Qualit'EnR.

    L'enquête de la DGCCRF :

    Les sous-secteurs nommés "énergies renouvelables" et "installation et entretien de panneaux solaires et d'éoliennes" ont généré un total de 2.541 plaintes en 2014 (+93 %). La DGCCRF a donc diligenté une enquête auprès de 73 professionnels, qui a nécessité 289 vérifications et 108 visites. Le taux d'anomalie constaté a été de 49,3 %, ce qui a donné lieu à 19 avertissements, 8 injonctions, 14 procès-verbaux pénaux, 1 procès-verbal administratif et 1 procédure civile.
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