En 2007, l'architecte d'intérieur Thierry Conquet, alors président du Conseil Français des Architectes d'intérieur (CFAI), nous parlait de sa profession et de ses mutations actuelles. Retrouvez son interview.
Entre l'architecte d'intérieur, le décorateur, le relookeur, ou encore le coach, la personne qui veut s'attacher les services d'un professionnel pour son intérieur ne sait plus à qui s'adresser. Qu'est-ce qu'un architecte d'intérieur ?
Même si tous ces métiers ont une certaine approche de l'espace, une chose nous différencie : la formation. La charte de 1996 a défini le métier d'architecte intérieur en lui donnant son identité par rapport à l'architecture tout court. L'enseignement des arts appliqués, qui fait référence à une longue tradition française des arts décoratifs définit notamment l'accès au métier. La formation en conception d'espace et designer dure cinq ans dans une école reconnue par notre organisme. Ainsi, l'architecture intérieure se définit comme la création d'espace et celle d'objet et de mobilier qui ont une relation particulière à ce dernier.
Il y a une différence de formation mais aussi d'exercice : l'architecte d'intérieur ne fait pas de commerce de biens, il y a une absence totale de négoce. Il existe enfin une obligation d'assurances professionnelles pour l'exercice du métier.
Le relookeur, le coach ou encore l'adepte du Feng Shui, relayés par les magazines et la télévision surfent sur la mode du moment, avec pour seul atout mais majeur : un impact visuel immédiat.
Le problème vient du fait que la profession n'est pas réglementée. Il y a une liberté d'emploi du titre, ce que nous cherchons à changer. Il faut que le consommateur reconnaisse le titre d'architecte d'intérieur pour qu'il n'y ait plus tromperie sur la marchandise. Aujourd'hui, seul le CFAI regroupe en association les architectes d'intérieur selon des critères bien définis.
Là se trouve le paradoxe : l'Etat offre des formations en architecture d'intérieur ou en design d'espace, calquées sur la charte de 1996. Mais en même temps, il est incapable de reconnaître le métier comme tel. La demande a été faite, le processus est en route. Deux pays ont déjà entériné la reconnaissance du titre : l'Allemagne, où il existe une sorte d'ordre des architectes d'intérieur et les Pays-Bas. Au niveau européen, les choses bougent. Nous avons de bons espoirs que la situation se débloque.
Que répondez-vous quand on parle de l'architecture d'intérieur comme d'un produit de luxe ?
Ce n'est pas un produit de luxe. L'architecte d'intérieur est un spécialiste, une personne qui sait traiter un certain type de problème, donc rémunéré à sa mesure. Il existe un architecte d'intérieur qualifié pour 10 architectes. Il intervient au moment de la conception pour définir l'espace, ce que l'œil humain va voir de près.
Aujourd'hui, on parle beaucoup d'uniformisation des intérieurs, qu'en pensez-vous ?
C'est une uniformisation rendue par les média, elle est issue d'une politique éditoriale. Il y a un style Marie-Claire Maison comme il y a un style Côté Ouest. Mais à de rares exceptions près, l'architecte travaille pour son client. Il n'a pas le sentiment d'une œuvre. Il a bien sûr une culture, un goût, mais il ne l'impose pas. Il impose son écriture, sa manière de dessiner, son identité. Par exemple, quand l'architecte Jean Nouvel présente des projets comme l'Institut du monde arabe ou le Musée du Quai Branly, les bâtiments ont beau être différents on reconnaît sa "patte".
Pour l'architecte d'intérieur c'est pareil : il a une écriture propre. J'aime bien cette définition de notre métier donnée par mon confrère Roger Fatus : "l'architecture intérieure s'est basée sur un jeu rationnel et poétique entre tous les intervenants."
Conseil Français des Architectes d'Intérieur
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