travaux maison © CL-Batiactu
Lors de travaux de construction d'une maison individuelle, les propriétaires constatent des fissures dans le carrelage. Or, ces travaux étaient conduits par une entreprise sous-traitante. Qui est responsable ? Qui et comment indemniser ? Éléments de réponse avec Ganaëlle Soussens, avocate au Barreau de Paris.
Dans le cadre de la construction d'une maison individuelle, l'entreprise générale sous-traite le lot carrelage. Après réception, les propriétaires constatent un phénomène de fissuration du carrelage.
Une expertise judiciaire permet de comprendre l'origine du phénomène : le sous-traitant "
avait omis de réaliser des joints de fractionnement dans le carrelage des pièces du rez-de-chaussée de la maison".
Forts de cette explication, les propriétaires assignent l'entreprise, leur interlocuteur "
naturel", laquelle assigne à son tour son sous-traitant. Cette affaire, pourtant semblable à nombre d'autres en la matière, va donner l'occasion à la Cour de cassation de prendre positions sur deux des problématiques récurrentes du droit de la construction :
- Le carrelage peut-il bénéficier de la garantie de bon fonctionnement ?
- Le donneur d'ordre est-il responsable des fautes commises par son sous-traitant ?
Animé par le souci de garantir la pérennité des investissements réalisés dans le domaine de la construction, le législateur a multiplié le nombre des garanties dues par les entreprises : décennale, parfait achèvement, bon fonctionnement.
Mais pléthore peu nuire. En effet, s'il identifie mal de quelle garantie relève le désordre dont est affecté son ouvrage, le propriétaire risque de ne pas en être indemnisé. Ce sera le cas, par exemple, s'il n'agit pas dans le délai de deux ans suivant la réception pour un désordre relevant de la garantie de bon fonctionnement.
C'est ce qu'ont failli expérimenter les protagonistes de l'affaire tranchée par l'arrêt rendu le 11 septembre dernier par la 3ème Chambre civile de la Cour de cassation.
Mais, en décidant que la fissuration du carrelage n'est pas un désordre indemnisable sur le terrain de la garantie de bon fonctionnement, la Cour "sauve" leur action introduite plus de deux après la réception et permet la condamnation de l'entreprise sur le terrain de sa responsabilité contractuelle "
de droit commun".
Les propriétaires ont donc obtenu gain de cause et l'entreprise, solidairement avec son sous-traitant, est condamnée à leur verser une somme de 20.267,54 €.
Une fois les propriétaires indemnisés, reste à savoir comment répartir entre l'entreprise et son sous-traitant le montant de la condamnation.
Dans une telle hypothèse, l'entreprise "
accuse" son sous-traitant de tous les maux, lequel lui reproche de ne pas l'avoir rémunéré convenablement et de ne pas l'avoir surveillé pendant qu'il réalisait les travaux. Dans son arrêt précité du 11 septembre 2013, la Cour de cassation donne raison au sous-traitant en retenant que "
le défaut de surveillance de son sous-traitant (...) était à l'origine dans une proportion prépondérante du préjudice" subi.
Cette décision devra inciter les donneurs d'ordre à la plus grande vigilance vis-à-vis de leurs sous-traitants, le dogme de leur obligation de résultat ayant semble-t-il vécu.