L'INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médical) tire la sonnette d'alarme. Les enfants des villes développeraient une sensibilité exacerbée aux allergies, liée à la présence trop importante de polluants atmosphériques... Décryptage.
Avec une prévalence de près de 30% dans le monde, les allergies chez l'enfant deviennent de plus en plus préoccupantes. Qu'elles soient alimentaires, cutanées ou respiratoires, elles constituent un véritable problème de santé publique. Les chercheurs de l'unité Inserm 707, sous la direction d'Isabella Annesi-Maesano viennent d'achever la deuxième phase du volet français de l'étude ISAAC (International study of asthma and allergies in chilhood).
Six villes françaises passées au crible
L'enquête réalisée dans six villes françaises (Reims, Créteil, Strasbourg, Clermont Ferrand, Bordeaux, Marseille) a permis, pour la première fois, de déterminer l'effet de la pollution atmosphérique de proximité
1 sur le développement de l'asthme et des allergies. Les résultats montrent une augmentation significative de ces pathologies même dans les zones où les niveaux de pollution atmosphérique sont proches des moyennes maximales recommandées par l'OMS. On compterait environ 25% d'allergiques et ils sont chaque année de plus en plus nombreux. Les personnes asthmatiques et les enfants en général sont considérés comme étant plus vulnérables à l'exposition aux polluants. Dans le cadre de l'Etude des 6 villes, les chercheurs de l'Inserm ont étudié l'impact de deux polluants atmosphériques liés au trafic automobile sur la santé allergique et respiratoire des enfants : le dioxyde d'azote (NO2) et les particules fines
2 émises par les véhicules. Les particules fines peuvent rester en suspension pendant des heures et même des jours. Plus leur taille est réduite, plus elles pénètrent profondément dans les voies aériennes déclenchant asthme et allergies respiratoires. Les particules fines pénètrent jusque dans les bronches.
Pollution + trafic = alerte !
De nombreuses données scientifiques montrent un lien entre la pollution due au trafic routier et les allergies. In vitro, par exemple, les particules fines émises par les véhicules diesel, favorisent la synthèse d'immunoglobuline E (un des marqueurs de l'allergie). In vivo, le NO2, quant à lui, irrite les poumons, diminue les défenses de l'organisme contre les infections des voies respiratoires et a été mis en cause dans la survenue d'asthme. A l'échelle de la population, il semble évident qu'il existe une association entre les allergies et l'augmentation de la concentration de particules fines dans l'atmosphère. Néanmoins, jusqu'à présent, les données disponibles sur les effets de la pollution atmosphérique urbaine étaient basées essentiellement sur les mesures de la pollution de fond ( correspondant à la pollution ambiante loin des sources - la pollution minimale à laquelle nous sommes tous au moins exposés dans une ville) réalisées par les stations de monitorage de la qualité de l'air. L'étude de l'Inserm apporte de nouveaux éléments permettant de préciser les effets sanitaires de la pollution de proximité sur plus de 5000 enfants.
Les écoles au cœur du réseau
Les chercheurs ont obtenu ces conclusions en mesurant précisément l'exposition des enfants à la pollution atmosphérique d'origine automobile, et ce, directement à proximité de leur lieu de vie. Pour cela, un système de capteurs passifs et de pompes, mis au point avec l'aide du Laboratoire d'Hygiène de la Ville de Paris, a été installé dans 108 écoles des 6 villes. Parallèlement, des médecins ont examiné les enfants et réalisé un bilan de santé. L'examen clinique a consisté en plusieurs tests allergologiques cutanées permettant de déterminer les origines des allergies. Puis les enfants ont été soumis au test de la course libre afin de déterminer l'apparition d'un asthme à l'effort. Selon l'analyse des plus de 7000 questionnaires qui visaient à connaître les antécédents d'allergies, près d'un jeune sur 4 a souffert ou souffre d'eczéma, un sur cinq de rhinite allergique et un sur dix souffre d'asthme. Pendant l'année ayant précédé l'enquête, 8,1% avaient eu des symptômes évocateurs d'asthme. Pendant la période de l'étude, 10,6% des enfants ont présenté un eczéma et 8,6% un asthme à l'effort quelle que soit leur exposition aux polluants.
Mettez-les au vert !
Pour les quelque 5.300 enfants dont le bilan de santé était complet, l'enquête montre un lien entre la pollution atmosphérique de proximité et la survenue d'asthme et d'allergies. Plus précisément, les enfants qui vivent depuis au moins 8 ans dans des lieux où les niveaux de pollution atmosphérique liée au trafic automobile ne dépassent pas excessivement en moyenne les valeurs guides pour la qualité de l'air recommandées par l'OMS3, souffrent significativement plus d'asthme allergique (presque 2 fois plus), d'asthme à l'effort (1,5 fois plus) et d'eczéma (3 fois plus) par rapport aux enfants qui vivent dans des zones où les concentrations sont inférieures. Une tendance identique est également observée pour le rhume des foins. Isabella Annesi-Maesano, chargée de recherche à l'Inserm et coordinatrice de cette enquête conclut : « les valeurs seuils recommandées par l'OMS ont été longtemps considérées comme acceptables et sans danger. Mais de plus en plus de données indiquent que l'on trouve des effets nocifs pour des valeurs qui ne les dépassent pas de beaucoup. Ce sont des effets allergiques, respiratoires, cardiovasculaires...» A l'heure actuelle aucune étude n'a réussi à déterminer un seuil de concentration en deçà duquel les particules ambiantes sont sans effet sur la santé.
1 c'est à dire la pollution ambiante déterminée par le voisinage de sources d'émissions fixes ou mobiles et qui ne résulte pas majoritairement de transferts atmosphériques à longue distance. C'est la pollution maximale à laquelle nous sommes exposés.
2 On considère comme fines, les particules dont le diamètre est inférieur à 2,5 μm
3 Les seuils limites recommandés par l'OMS sont respectivement de 40 g/m3 pour le NO2 et 10 µg/m3 pour les particules fines. Selon l'OMS, la pollution atmosphérique par les particules en suspension (ou matières particulaires) coûterait à chaque personne vivant dans l'Union européenne environ 8,6 mois de sa vie