Un architecte thaïlandais conçoit des briques à base de bouses d'éléphants

    Publié le 20 mai 2022 par Lilas-Apollonia Fournier
    Le Théâtre de l'éléphant biennale architecture
    Le Théâtre de l'éléphant biennale architecture © L-A Fournier
    L'édition 2022 de la Biennale d'architecture et de paysage de Versailles a notamment mis en lumière l'invention de l'architecte Boonserm Premthada. A travers ce matériau biosourcé, il promeut des constructions plus durables et une vie en harmonie avec les animaux.
    Pour un monde plus durable, nombreux sont les professionnels de la construction qui appellent à se tourner vers l'utilisation de matériaux biosourcés. Et parmi ces matériaux, certains sont pour le moins inattendus... En Thaïlande, l'architecte Boonserm Premthada a imaginé une brique fabriquée à partir d'excréments d'éléphants. Son objectif ? Produire et vendre ce biomatériau.
    En attendant, il explore les relations entre l'architecture et le vivant en exposant son innovation à la Biennale d'architecture et de paysage de Versailles, jusqu'au 13 juillet 2022. Pour la manifestation, il a imaginé un pavillon circulaire, baptisé "Le théâtre de l'éléphant", capable d'abriter une variété d'êtres vivants. Démonstrateur d'un engagement politique et écologique de la part de son concepteur, cet ouvrage rend hommage à la brique, matériau utilisé tout autant pour la construction de maisons que de temples en Thaïlande.
    Originaire d'un quartier populaire de Bangkok, l'architecte est marqué par l'inventivité des habitants qui bâtissent leur propre maison. "La coexistence parfaite entre nature et bâti, ce sont les maisons de campagne, édifiées par des architectes anonymes, qui me l'enseignent", déclare-t-il, présent à la visite de presse de la Biennale le 12 mai dernier. A travers ce "théâtre" achevé en 2020, Boonserm Premthada réussit à conjuguer une architecture contemporaine et un patrimoine rural. Refusant de participer à l'élaboration d'une architecture internationale uniforme, il plaide pour une vie harmonieuse avec la faune.

    Des bouses riches en fibres

    Pour mener à bien sa création, il s'est associé au peuple Kuy, au nord-est de la Thaïlande. Se voulant gardien des éléphants menacés par la déforestation, il considère l'animal, domestiqué depuis 400 ans, comme une espèce "parapluie", qui protège toutes les autres. Acteur de l'agriculture et de la société, ce spécimen herbivore trouve l'eau, le sel et dissémine les graines dans les prairies et les forêts.
    Surtout, ses excréments sont riches en fibres. Un éléphant peut en produire 50 kilos par jour. Boonserm Premthada a eu l'idée de transformer ces bouses en briques durables alors qu'il observait un groupe d'élèves en train de fabriquer des petits pots de plantes à partir de crottin d'éléphants et de colle de manioc. "Avec la coopération d'une briqueterie, j'ai expérimenté mon idée qui a abouti à des briques prototypes", raconte-t-il. Un an après cette expérience, il a été sélectionné comme concepteur d'un pavillon à la Biennale de Versailles. "Cela a marqué le développement des briques."
    Le Théâtre de l'éléphant biennale architecture
    Le Théâtre de l'éléphant biennale architecture © L-A Fournier
     

    Une réflexion environnementale

    Lauréat en 2018 du Global award for sustainable architecture, un prix qui récompense les constructions durables, Boonserm Premthada donne à réfléchir sur la problématique de l'épuisement des ressources et sur la préservation des écosystèmes. La brique de bouses d'éléphants qu'il a conçue contient 80% de fibres pour 20% de ciment (les fibres étant très adhérentes), et pèse près de deux kilos. "Elle mesure 255 mm de diamètre et 5 mm d'épaisseur, avec un espace vertical pour une barre d'acier de renforcement", détaille l'architecte.
    La fabrication se fait à la main, brique par brique. Les excréments sont d'abord récoltés dans le village de Ta Klang, avant d'être séchés. Un grand mixeur broie les fibres qui sont ajoutées à du ciment, du sable et un peu d'eau. Le mélange est coulé dans un moule en acier. "Nous évitons le processus de combustion, qui génère du dioxyde de carbone, et utilisons l'air, l'ombre et le soleil pour les sécher", continue le concepteur. Selon les conditions météorologiques, il faut 7 à 14 jours à une brique pour sécher. "Elles peuvent être installées, démontées et transportées, et peuvent se décomposer naturellement et s'intégrer au sol. En cas de casse, elles peuvent être facilement remplacées", souligne le Thaïlandais.
    Pour Jana Revedin, architecte, urbaniste, fondatrice et présidente des Global awards for sustainable architecture, et commissaire de l'exposition "Terre ! Land in sight !" dont fait partie le pavillon, cette innovation "est une nouveauté mondiale". Avec son jardin intérieur, le pavillon "invite tout le monde à sortir de nouveau", après la crise de la pandémie de Covid-19. "Nous, les humains, avons tendance à négliger les petites choses. Les petites plantes sont souvent piétinées car elles sont perçues comme sans valeur. Pourtant, malgré leur petite taille, ces plantes contribuent à protéger et à humidifier le sol, à réduire la température, à purifier l'air et à fournir de la nourriture aux animaux, comme aux éléphants", philosophe Boonserm Premthada. Il espère que son pavillon servira aux visiteurs à "apprendre l'importance des petites choses".
    Un architecte thaïlandais conçoit des briques à base de bouses d'éléphants
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