La première maison d'habitat social construite en "fabrication additive" a été inaugurée ce 2 mars 2018 à Nantes (Loire-Atlantique). Construite grâce à la technologie BatiPrint3D, "Yhnova" offre 5 pièces et tout le confort moderne. Ses résidents prendront possession des lieux en juin prochain.
Ce n'est plus de la fiction ou de la simple démonstration : la première maison française construite par une imprimante 3D va bien être habitée. Sa construction, lancée au mois de septembre 2017, s'est déroulée rapidement et sans encombre. Et "Yhnova" a été certifiée habitable par le CSTB, respectant donc toutes les réglementations en vigueur. Il s'agit de ce fait d'une première pour le logement social.
Inaugurée ce 21 mars 2018, la maison présente 5 pièces et 95 m² d'espace habitable de plain-pied. Mais son design particulier démontre les capacités de l'impression 3D : les murs sont courbes et les angles arrondis, des formes architecturales volontairement complexes et à l'opposé des cubes et angles droits généralement rencontrés dans la construction contemporaine. La solution de fabrication additive robotisée a été développée par l'université de Nantes, soutenue par tout un consortium (Ouest Valorisation, Caisse des Dépôts, Nantes Métropole, Carretero Meyer, BA Systèmes). Divers grands acteurs du bâtiment se sont associés à ce programme, dont Bouygues Bâtiment Grand Ouest, qui est intervenu comme entreprise générale sur le projet.
Découvrez les différentes étapes du chantier de la maison imprimée 3D.
L'impression 3D ne remplace pas les autres solutions constructives
L'impression 3D ne remplace pas les autres solutions constructives - Maison Yhnova © V. Joncheray
Bruno Linéatte, le directeur de la R&D de Bouygues Construction en charge des modes constructifs, dévoile : "
L'impression 3D est un atout supplémentaire et non pas une solution se substituant aux modes constructifs d'aujourd'hui. Elle ouvre un champ d'expérimentation incroyable pour le gros œuvre". Un point de vue que partage l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), qui s'est penché sur le sujet. Dans une note, rendue le jour même de l'inauguration de la maison nantaise, les membres de l'équipe coordonnée par la députée Huguette Tiegna, ingénieure, précisent : "
La fabrication additive n'a pas vocation à remplacer les méthodes de fabrication classiques (...)
Les techniques d'impression 3D viennent en complément des méthodes classiques de fabrication et ouvrent de nouvelles possibilité de production. Le choix par l'industriel du procédé dépend des exigences en termes de coûts, délais, qualité ou complexité du produit".
L'impression 3D ne remplace pas les autres solutions constructives
Comme toujours, produire plus vite, moins cher et mieux
Comme toujours, produire plus vite, moins cher et mieux - Maison Yhnova © Willy Berre
L'ambition du projet Yhnova a été de démontrer qu'il était possible de produire un logement aux meilleurs standards de qualité grâce à ce nouveau procédé. Divers avantages sont mis en avant : grâce aux formes complexes rendues possibles, à un coût raisonnable, le consortium insiste sur la liberté offerte aux concepteurs dans leur créativité. En matière de rapidité d'exécution aussi, la technologie apporte un plus : "
A moyen terme, nous espérons que ces nouveaux modes constructifs permettront les gains de productivité dont le bâtiment a fortement besoin pour construire durablement des logements et des lieux de travail de grande qualité accessibles au plus grand nombre", annonce Bruno Linéatte.
L'Opecst estime même que l'impression 3D "
pourrait être un moyen privilégié pour moderniser la filière BTP". Correctement utilisée, elle pourrait "
se traduire par un fort avantage compétitif", puisque la fabrication en quelques jours de logements constitue tout simplement une avancée de rupture dans le domaine.
Comme toujours, produire plus vite, moins cher et mieux
Optimisation de la quantité de matériaux et réduction des risques
Optimisation de la quantité de matériaux et réduction des risques - Maison Yhnova © V. Joncheray
Bouygues Bâtiment Grand Ouest ajoute que la technique permettra une "
optimisation topologique" : il serait ainsi possible de n'utiliser que la matière nécessaire, sans excès, et donc d'économiser des ressources. Du côté des chantiers, la firme note que la robotisation de certaines tâches "
minimisera la pénibilité des métiers du BTP". Elle fait valoir que l'adoption de cette technologie d'avant-garde limitera les postes à risques ou ceux qui génèrent habituellement des troubles musculo-squelettiques. De ce fait elle contribuera à l'amélioration des conditions de travail - et de vie - des ouvriers du secteur et rendra ces emplois plus attractifs aux yeux des jeunes.
Le groupe de BTP s'est associé à différents programmes afin de faire progresser ces technologies, y compris avec l'Ecole centrale de Lille, pour une thèse menée entre 2014 et 2017 visant à définir les méthodes de caractérisation du béton d'impression et étudier le modèle économique.
Optimisation de la quantité de matériaux et réduction des risques
Toute une filière mobilisée
Toute une filière mobilisée - Maison Yhnova © V. Joncheray
Outre la maîtrise d'ouvrage et l'entreprise générale, d'autres compétences ont été mobilisées autour de cette expérimentation. Le béton a été formulé par LafargeHolcim et les enduits extérieurs par PRB. Du côté des équipements intérieurs, c'est Saunier Duval qui a fourni la pompe à chaleur et l'entreprise Baudet qui à livré une salle de bain préfabriquée. Selon l'Opecst, la maison Yhnova, dont le gros œuvre a été monté en quelques jours, présenterait des performances énergétiques améliorées de 30% par rapport à la RT2012. L'expérimentation va se poursuivre avec l'arrivée des premiers occupants dès le mois de juin prochain : trouveront-ils les lieux agréables à vivre ?
Toute une filière mobilisée
Vers l'impression 4D ?
Vers l'impression 4D ? - Maison Yhnova © V. Joncheray
La note de l'Opecst sur la fabrication additive va encore plus loin dans la prospective en évoquant l'impression 4D. Elle précise qu'il s'agit d'un "
procédé encore expérimental qui consiste à imprimer en 3D des matériaux stimulables qui changent de propriétés dans le temps en fonction des conditions". Il serait donc possible d'imaginer des structures complexes qui modifient leur couleur ou leur géométrie en fonction des conditions qu'elles rencontrent, température, pression ou degré d'hygrométrie... Les possibilités seraient infinies en termes de systèmes autorégulés ou de design. L'impression 3D n'en est donc qu'à ses débuts mais elle devrait devenir un levier économique important, à la fois source d'emploi qualifié et outil de réduction de l'empreinte carbone pour le secteur industriel.
Vers l'impression 4D ?
Fiche technique de la maison Yhnova
Fiche technique de la maison Yhnova - Maison Yhnova © V. Joncheray
Fiche technique de la maison Yhnova
Le visage du chantier du futur ?
Le visage du chantier du futur ? - Maison Yhnova © Willy Berre
L'installation du robot ressemble à une démonstration de salon professionnel. La maison produite n'est pourtant pas factice : elle sera habitée dans les prochains mois.
Le visage du chantier du futur ?
Un robot capable de produire des formes complexes
Un robot capable de produire des formes complexes - Maison Yhnova © Willy Berre
Le bras robotisé suit les contours et défini l'épaisseur du mur qui sera ensuite rempli de béton.
Un robot capable de produire des formes complexes
Un aménagement intérieur classique
Un aménagement intérieur classique - Maison Yhnova © V. Joncheray
Charpente en bois, cloisons droites, menuiseries : vue de l'intérieur, rien ne distingue Yhnova d'une maison lambda.
Un aménagement intérieur classique