Ampoule LED © Xulin - Wikimedia CC
Les systèmes utilisant des diodes électroluminescentes (led) ont connu une expansion considérable suite à la Directive européenne sur l'éco-conception (2007) qui a conduit au retrait des lampes traditionnelles, jugées trop énergivores. Depuis, ces dispositifs sont partout, des éclairages domestiques, publics ou encore dans les jouets des enfants.
Cependant, la lumière bleue émise par ces systèmes a des
effets nocifs sur l'acuité visuelle, le sommeil et l'environnement, selon un avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), publié ce mardi 14 mai 2019.
Ce rapport vient confirmer le premières conclusions émises lors d'une étude de 2010, tout en apportant des données supplémentaires. La toxicité d'une exposition aiguë à la lumière bleue sur la rétine est confortée, ainsi que les effets à long terme liés à une exposition chronique, qui augmentent les risques d'une dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA).
Autre aspect, les systèmes led sont sensibles aux fluctuations du courant d'alimentation, ce qui peut entraîner des
variations de l'intensité de la lumière. L'Anses relève trois phénomènes particulièrement fréquents : le
papillotement, l'
effet stroboscopique et l'
effet de réseau fantôme. Ces "
modulations temporelles de la lumière" entraînent des
migraines, de la
fatigue visuelle ou des
crises d'épilepsie.
Les risques liés à l'exposition varient selon la température de couleur, ce qu'avait déjà noté l'Anses en 2010. "
Plus une lumière tire vers le bleu, plus sa température en kelvins est élevée et le risque de toxicité fort", explique Dina Attia chercheuse et cheffe de projet à l'Anses. "
Les personnes les plus sensibles à l'exposition sont les enfants et les adolescents. A leur âge, le cristallin qui filtre la lumière bleue est encore très clair, et donc sujet à la phototoxicité", précise-t-elle.
La professeur Francine Behar-Cohen, présidente du groupe de travail réuni par l'Anses, tient cependant à rassurer : "
il n'y a pas de danger de brûlure de rétine". Dès les résultats de la première étude en 2010, des directives avaient été données concernant l'usage domestique des
leds. Seules des lumières pauvres en bleu, classées dans les groupes de
risques photobiologiques 0 et 1, sont mises à disposition des particuliers pour l'éclairage domestique.
Mais un problème subsiste : "
Durant nos études, nous avons testé des jouets pour enfants, des lampes frontales, des phares et des écrans de téléphones et de tablettes. Certains émettent une lumière riche en bleu, jusqu'à être classés dans le groupe 2, jugé à risque", explique Dina Attia. Des essais qui confirment le lieu commun consistant à dire qu'une exposition à la lumière bleue, commune aux écrans,
perturbe l'horloge biologique et le sommeil. "
Pour se synchroniser, l'horloge interne de l'organisme a besoin d'une luminosité importante pendant la journée et d'une obscurité totale pendant la nuit. Une exposition, même très faible, à de la lumière riche en bleu en soirée a un impact sur le rythme circadien".
Les humains ne sont pas les seuls à être impactés par l'exposition aux lumières bleues. L'étude de l'Anses met en avant la hausse de la mortalité des espèces animales et un appauvrissement de la faune et de la flore dans les milieux éclairés artificiellement la nuit, y compris par des
leds. Selon l'Agence, les systèmes d'éclairage qui pourraient être responsables de cette
pollution lumineuse sont les enseignes, les publicités lumineuses, l'éclairage des zones commerciales, agricoles, aquacoles et industrielles, ainsi que celui des parkings extérieurs.
L'expertise menée a conduit le groupe de travail vers les moyens de protection existants qui revendiquent une atténuation voire une suppression des effets de la lumière bleue. Si les résultats varient d'un produit à l'autre, les
écrans limitant les émissions de lumière bleue ne sont pas efficaces. De plus, aucun des dispositifs testés n'a d'utilité sur une exposition au long terme ou contre les retards à l'endormissement. Durant ces essais, les chercheurs ont néanmoins été étonnés par un élément : "
Il n'y a rien sur ces produits permettant de prouver leur efficacité aux consommateurs.", selon Dina Attia.
Afin de limiter l'exposition à la lumière bleue, l'Anses propose une série de recommandations. L'agence souhaite que la mise à disposition des objets disposant de leds soit restreinte aux systèmes des groupes de risques photobiologiques 0 et 1, les "
safe", selon Francine Baher-Cohen. Elle conseille également de
limiter l'intensité lumineuse des phares des véhicules et de réduire le niveau de modulation temporelle de la lumière émise par toutes les sources de lumières.
L'Anses insiste aussi sur l'aspect préventif : "
Il faut sensibiliser et informer la population sur les effets de l'exposition, en particulier celle des enfants". Enfin, elle lance trois pistes à explorer afin de faire progresser le sujet : "
améliorer la connaissance des expositions de la population générale et professionnelle, ainsi que de l'environnement ; mieux caractériser les effets liés à la modulation temporelle des leds et la phototoxicité à long terme ; et préciser les relations entre l'exposition et la survenue des effets sanitaires".