L'agriculture urbaine, espoir pour la ville de demain ?

    Publié le 7 novembre 2018 par R.D.
    Jusqu'au 27 janvier 2019, le pavillon de l'Arsenal accueille l'exposition "Capitale agricole : chantiers pour une ville cultivée", qui retrace l'historique des cultures vivrières en Île-de-France et met en avant des projets d'agriculture urbaine. Détails.
    Et si l'avenir de la ville résidait... dans une touche de ruralité ? Depuis quelques années, la nature reprend ses droits sur l'urbain, notamment par le biais de la création de jardins partagés dans les cours des immeubles, ou de petits potagers au bord des trottoirs. Le Pavillon de l'Arsenal s'intéresse à ce phénomène par le biais d'une exposition* sur l'agriculture urbaine.
    "L'urbanisme engagé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, hiérarchisant les rapports entre l'Urbain, la Nature et l'Agriculture, a conduit à l'impasse environnementale actuelle. Il a aussi anéanti l'exceptionnel patrimoine agricole francilien de la fin du XIXe mené par des cultivateurs 'spécialistes' inventant d'autres cultures pour nourrir Paris tout en préservant la faune et la flore", constatent les créateurs de l'exposition Capitale agricole. A travers cet évènement, le public sera guidé à la découverte "de l'histoire et d'un futur agricole francilien".
    Anne Hidalgo, maire de Paris, déclare dans l'avant-propos de l'exposition que "dans ce monde en évolution, l'opposition entre villes et campagnes n'apparaît plus appropriée, tant elle induit de déséquilibres entre les territoires. Il nous faut décloisonner les espaces, rendre les frontières plus poreuses, accroître les échanges entre urbains et ruraux. La préservation des terres agricoles, notamment en lisière des villes, ainsi que la compréhension des enjeux de l'agriculture sont essentiels pour le devenir de la planète et de ses habitants". Elle ajoute également que "de nombreuses solutions alternatives émergent chez les agriculteurs, dans la société civile. Elles visent à redonner de l'équilibre, du sens et des racines". Découvrez l'exposition en images.

    Un marché bio au Pavillon de l'Arsenal

    Le samedi 10 novembre 2018, un marché bio prendra place au Pavillon de l'Arsenal dans le cadre de l'exposition. Des agriculteurs engagés viendront faire découvrir leurs produits lors d'une vente et dégustation de 11h à 17h.
    * Capitale agricole : chantiers pour une ville cultivée
    jusqu'au 27 janvier 2019
    Pavillon de l'Arsenal
    21 Boulevard Morland
    75004 Paris
    L'agriculture urbaine, espoir pour la ville de demain ?

    Promiscuité : l'apogée du monde rural

    L'habitat forestier
    L'habitat forestier © Pavillon de l'Arsenal
    Aux alentours des années 1870, deux formes de paysages agricoles ont émergé avec la poussée démographique et l'exode rural : les plateaux céréaliers, désormais saturés, et les plaines de la banlieue de Paris, investies par des fils d'ouvriers et des paysans immigrés, qui "développent l'agriculture horticole la plus savante de l'Histoire".
    A l'époque, la Nature est un bien commun, même si une partie des forêts sont privées. Cependant les bois, les prairies ou les marais sont des sources alimentaires possibles. Non cultivés, ces espaces sont exploités pour leurs ressources naturelles, comme le bois. Par exemple, sur l'image, on voit une cabane de bûcheron construite dans la forêt de Marly, à Marly-le-Roi.
    Promiscuité : l'apogée du monde rural

    Promiscuité : l'apogée du monde rural

    La transformation et le recyclage
    La transformation et le recyclage © Cl. Godneff / SOA
    "Paris est un ventre vorace aux besoins toujours croissants", explique le Pavillon de l'Arsenal. L'urbain se met alors au service de l'agriculture et crée des lieux de transformations, abattoirs, tanneries, moulins ou lieux de stockage. Par exemple, les moulins de Pantin, le long du Canal de l'Ourcq qui servaient de minoterie, où se préparait et se stockait de la farine à destination du commerce.
    Promiscuité : l'apogée du monde rural

    Face à face : la nature en crise

    Ferme Sapousse
    Ferme Sapousse © Sylvain Gouraud
    L'artiste Sylvain Gouraud est parti aux quatre coins de l'Île-de-France pour rencontrer les "nouveaux terriens" de la région. "Sa démarche intimiste nous permet de saisir la complexité des usages de la nature sans passer par le prisme moderne qui oppose Nature et Culture", précise le Pavillon de l'Arsenal.
    Ferme Sapousse à Pussay, en Essonne
    "Florent Sebban et Sylvie Guillot habitent à Pussay, dans l'Essonne, où ils ont installé leur ferme en 2011. Florent travaillait pour un réseau d'ONG, Sylvie a fait des études d'agronomie. Ils ont décidé de redevenir acteurs de leur territoire en cultivant des légumes et des plantes aromatiques sur 4,7 hectares, grâce au système des Amap (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne). A leur échelle, ils influent sur l'alimentation évidemment, mais aussi sur la technique, en fabriquant eux-mêmes les machines, l'économie, qu'ils élaborent avec les consommateurs, le paysage, qu'ils font évoluer avec les habitants de Pussay, l'éducation, en s'associant à la cantine de l'école, la biodiversité, grâce à la plantation de haies, la santé, par le biais des plantes. J'en passe et des meilleures. Florent et Sylvie illustrent parfaitement le fait que l'agriculture se trouve au centre de la société, même en 2018. Et leur façon de reprendre le pouvoir sur ce qui nous entoure apparaît comme une véritable leçon de vie. Redevenir citoyen en somme", indique Sylvain Gouraud.
    Face à face : la nature en crise

    Face à face : la nature en crise

    Clinamen & bergers urbain
    Clinamen & bergers urbain © Sylvain Gouraud
    Association Clinamen & bergers urbains, La Courneuve, Seine-Saint-Denis
    "Prenez le métro, la ligne 13, arrêtez-vous à la station Saint-Denis-Université, marchez un peu et, arrivé au McDonald's, tournez à droite. Vous y êtes. Jeanne Crombez exploite les 3,5 hectares de la Ferme urbaine de Saint-Denis pour le compte de l'entreprise Les Fermes de Gally. Les terres appartiennent à la ville, le projet est une vaste opération de dynamisation de territoire. La ferme pratique la vente directe aux habitants de Saint-Denis et sert de musée vivant pour découvrir ou redécouvrir les techniques agricoles passées autant que futuristes. A ses côtés, sur une partie du terrain cultivé en permaculture, le Parti Poétique, collectif d'artistes fondé par Olivier Darné, a installé son alléchant slogan 'Nature, Culture, Nourriture'. Franck Ponthier s'occupe du jardin et propose de réinitier au goût les voisins de la ferme, trop souvent adeptes de junk-food. Leur idée est de faire appel à des chefs reconnus, qui travailleront auprès des habitants lors d'ateliers de cuisine", selon Sylvain Gouraud.
    Face à face : la nature en crise

    Partage : l'urbanisme agricole, retrouver les sols

    Recréer des sols
    Recréer des sols © Pascal Xicluna / mini.agri.fr
    "La ferme est le pivot de cette transformation urbaine". A travers cette affirmation, Pierre et Rémi Janni, paysagiste et éleveurs, montrent comment retrouver les sols d'Île-de-France et pensent un type de fermes, neuves ou réhabilitées.
    Recréer des sols, Pierre Janin
    Production d'une variété de 4000 plantes aromatiques en culture
    hydroponique sur les toits d'un hangar de la RATP, société
    Aéromates, Paris, 2017
    "La reconsidération du sol et l'attribution nécessaire d'une valeur d'usage agricole et nourricière engagent à requalifier tous les espaces en portant une attention nouvelle aux lieux. Du croisement entre pratiques urbaines et agricoles émergent des potentiels, des espaces plurifonctionnels développant aussi des ressources complémentaires. Les espaces urbains deviennent alors des lieux d'échange qui accueillent des agricultures modulées. Chacun peut aussi devenir un agriculteur temporaire, polyvalent, investi dans une capacité productive alimentaire commune, qui permet de prendre en considération l'importance du vivant. Dans les territoires périurbains, l'activité agricole permet également de donner un usage structurant et utile aux interstices résiduels, aux abords non utilisés qui, collectivement, coûtent cher en gestion et en entretien. Dans les espaces ruraux, l'ambition est de recréer un investissement agricole possible pour chacun, grâce à des lieux de friction développant une agriculture plurielle qui ne repose pas uniquement sur des pratiques et des acteurs spécialisés et professionnels, mais améliore la polyvalence des espaces. L'enjeu est tout simplement de parvenir à une métropole nourricière qui s'empare de sa ressource première, la qualité du sol sur laquelle elle est construite, en en reconnaissant sa valeur et ses potentialités agricoles"
    Partage : l'urbanisme agricole, retrouver les sols

    Partage : l'urbanisme agricole, réinventer les fermes

    Inventer des fermes collectives
    Inventer des fermes collectives © aaa 2014
    Inventer des fermes collectives, Pierre Janin
    "Agrocité", site agricole et culturel, micro-ferme expérimentale, des jardins communautaires, des espaces pédagogiques et une série de dispositifs expérimentaux pour le chauffage, la collecte d'eau de pluie, la production d'énergie solaire, l'horticulture hydroponique et la phytoremédiation. Unité expérimentale du réseau R-Urban, Colombes, 2013-2017
    "Les fermes franciliennes ponctuent l'espace agricole commun. Positionnées à distance des routes de grand passage, mais proches de chemins vicinaux et d'exploitation qui leur assuraient un lien avec l'espace agricole, elles traduisent une organisation rurale ancienne. Construites généralement par addition et agrégation de constructions composites, leurs structures premières typiques ont été complétées au fil des époques par des bâtis annexes. Ainsi, les corps de ferme actuels sont des ensembles composites plurifonctionnels, associant les lieux d'habitations et des locaux agricoles pour le stockage des denrées, des animaux et du matériel. Ce patrimoine agricole souvent peu considéré a été altéré et habillé par des écrans végétaux le dissimulant souvent dans le paysage francilien, rompant ainsi tout lien entre l'espace intérieur des fermes, leurs abords et les champs et cultures proches. Il en résulte aujourd'hui une sorte d'isolement des fermes. L'évolution des pratiques agricoles, impliquant une diversification des métiers et l'émergence de circuits courts entre producteurs et consommateurs, entraîne la création de fermes d'un nouveau type, plus ouvertes, plus polyvalentes et acceptant de mélanger activités agricoles et urbaines en un même lieu. Le développement de pratiques agricoles sur de nouveaux territoires encourage également la construction de fermes hybrides, véritables lieux partagés aux programmes multiples : accueil, formation, échanges culinaires, séminaires, vente, gîte... La considération et la redéfinition du programme de la ferme contemporaine sont au cœur de la question de l'urbanisme agricole. Car c'est depuis la ferme que s'engage la restructuration des centralités, ponctuant l'ensemble de l'espace agricole de nouvelles modalités d'appropriation".
    Partage : l'urbanisme agricole, réinventer les fermes

    Partage : l'urbanisme agricole, avec les restes, produire,

    Réparer les sols pollués en les cultivant
    Réparer les sols pollués en les cultivant © Les jardins de Gally
    Réparer les sols pollués en les cultivant, Xavier Laureau
    Culture de fraises sur jardins suspendus installés sur le site d'une ancienne décharge, Saint-Cyr-l'École, 2018, Les jardins de Gally
    "Afin de réduire notre impact sur l'environnement, de construire des projets durables, l'agriculture urbaine agit ! C'est une filière concrète de recyclage des urines, déchets de cantine, déchets verts, du marc de café, etc. La production d'urine d'une personne (1 à 2 litres par jour), diluée (1 litre d'urine pour 20 litres d'eau), épandue toutes les trois semaines comme engrais avec l'arrosage - ce type d'arrosage devant être interrompu un mois avant la consommation des fruits et légumes -, peut servir d'engrais naturel pour nos plantations. Une collecte différenciée dès la source des toilettes est à mettre en œuvre, nos voisins suisses et suédois expérimentant déjà avec succès ces innovations. A l'autre extrémité de la chaîne de consommation, les 600.000 tonnes de marc de café produites en France chaque année peuvent être partiellement récupérées par une collecte sélective dans les grandes villes, notamment auprès des lieux de restauration.
    Chacun peut être acteur du compostage urbain.
    La réutilisation des fumiers produits par les animaux, mélange de paille et d'excréments, est systématique dans le cadre des amendements maraîchers. Les fumiers d'élevage sont traditionnellement épandus en plein champ ou utilisés selon des techniques anciennes de couches de cultures. Grâce aux cloches de verre et à la production sous abri, une même surface maraîchère peut accueillir quatre à six cycles de cultures de légumes. Tout ce qui est réalisable à l'échelle d'une ferme l'est aussi à l'échelle plus modeste d'une maison, grâce à de minicompositeurs domestiques. Les déchets verts issus des épluchures de légumes sont mis dans ce composteur qui, une fois rempli, peut être vidé dans un collecteur collectif ou répandu dans son propre jardin. Le compost arrivé à maturation est ainsi utilisé par les professionnels de l'agriculture urbaine ou individuellement. De façon plus industrielle, la récupération de l'énergie perdue (l'énergie fatale) des centres de traitement d'ordures ménagères, des nouveaux data centers et des stations d'épuration peut alimenter des serres de maraîchage qui produisent des légumes hors-sol. Produire plus, produire mieux, produire en cycle et en circuit court : les nouveaux enjeux de l'agriculture urbaine s'imposent à chacun d'entre nous."
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