Endettement des villes : qui sont les bons et les mauvais élèves ?

    Publié le 16 décembre 2013 par Sébastien Chabas
    L'Institut Montaigne vient de passer au crible les comptes des dix plus grandes villes françaises. Concernant la dette cumulée, Marseille figure parmi la ville plus endettée par habitant, à 2.103 euros, alors que Toulouse affiche une dette de 141 euros à chacun de ses habitants. Précisions et interview de Bernard Gaudillère, maire adjoint de la Ville de Paris.
    A moins de quatre mois des élections municipales -les 23 et 30 mars-, l'Institut Montaigne, a dévoilé, lundi 9 décembre, les comptes des dix plus grandes villes de l'Hexagone*. Recettes, dépenses, dette et solvabilité, consolidation avec l'intercommunalité, tout a été passé au crible.
    Le contexte est majeur : les magistrats de la Cour des comptes ont rappelé, il y a deux mois, la situation difficile des finances publiques locales. En revanche, si les dotations de l'État sont gelées depuis 2008, les dépenses de ces villes ont continué à progresser fortement depuis de la dernière mandature, de + 4 % à Paris à + 27,1 % à Bordeaux. Au final, les dépenses d'équipements, financées par l'emprunt, ont progressé plus rapidement que les dépenses de fonctionnement, et notamment les dépenses de personnel qui sont même en baisse dans certaines villes comme Paris, Nice, Lyon ou Toulouse.

    Focus sur la dette cumulée

    Concernant la dette cumulée des dix plus grandes villes de France, elle frôle les 7 milliards d'euros et Marseille représente la plus endettée par habitant, à 2.103 euros, alors que Toulouse affiche une dette de 141 euros à chacun de ses habitants.
    "Le niveau élevé de l'encours de dette et des charges financières constitue l'enjeu majeur des finances de la collectivité (ndlr : Marseille)", pointe l'Institut Montaigne. La ville devrait s'endetter, d'après l'analyse, de 103 millions d'euros en 2014 pour financer son stade Vélodrome et le stade Delort (ndlr : stade voisin).
    Par ailleurs, la ville de Lille (1.539 euros par habitant) paie le prix des investissements de grande envergure. De son côté, Paris (1.444 euros par habitant) a nettement augmenté au cours de ces cinq dernières années. Entre 2008 et 2012, la dette de la capitale a augmenté de 40 % (soit 9 % par an en moyenne) et elle devrait atteindre 3,9 milliards fin 2013.
    Enfin, parmi les villes les plus rigoureuses dans leur budget, on note que Strasbourg compte 353 euros par habitants et Toulouse 141 euros par habitant. D'une part, l'encours de dette de la ville de Strasbourg (122 millions d'euros) demeure, en effet, à un niveau faible par rapport aux autres grandes villes, malgré une augmentation de 8,8% depuis 2008.
    D'autre part, la dette de Toulouse n'a augmenté que de 0,5 % depuis 2008 et représente 63 millions d'euros en 2012. Compte tenu du faible recours aux banques de la commune, les charges financières liées à la dette semblent d'après l'étude négligeables. De fait, elles étaient nulles en 2012 et représentaient 3.445 euros en 2011.

    Quelles sont les perspectives pour les années à venir ?

    Au final, les équipes municipales qui arriveront en 2014 vont trouver une équation financière complexe, estime l'étude. Non seulement l'État baissera les dotations des collectivités en 2014 et 2015, mais le "ras-le-bol fiscal" privera les maires des villes du recours à l'impôt. "Si les communes veulent continuer à investir, elles devront faire des économies sur leurs dépenses, notamment les dépenses de personnels qui représentent 52 % de leur budget de fonctionnement", conclut l'Institut Montaigne.

    Méthodologie

    L'étude "Municipales 2014: Chiffrages-Déchiffrages" analysées par l'Institut Montaigne présentent la situation des principaux paramètres financiers de chaque ville (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Nice, Paris, Rennes, Strasbourg, Toulouse): le budget et les dépenses de la commune, les principales recettes (impôts locaux, dotations de l'Etat, etc.), le niveau de son endettement et les liens financiers entre la ville et l'intercommunalité.
    Les chiffres proviennent des données comptables centralisées par le ministère de l'Economie et des Finances et des documents budgétaires de la ville. Toutes les informations brutes sur la commune sont disponibles sur le site www.collectivites-locales.gouv.fr.
    Découvrez dès la page 2, l'interview de Bernard Gaudillère, maire adjoint PS aux finances de la Ville de Paris.
    Endettement des villes : qui sont les bons et les mauvais élèves ?

    Trois questions à Bernard Gaudillère, maire adjoint de Paris

    Bernard Gaudillère maire adjoint PS de la Ville de Paris
    Bernard Gaudillère maire adjoint PS de la Ville de Paris © Sophie Robichon/ Mairie de Paris
    Que vous inspire les analyses de l'Institut Montaigne dédiées aux financements de votre municipalité ?
    Bernard Gaudillère, maire adjoint PS délégué aux finances de la Ville de Paris :
    L'Institut Montaigne souligne la situation financière saine de Paris. Il souligne également l'important effort d'investissement, qui est totalement assumé de notre part. Ce choix délibéré, nous l'avons fait depuis 2001, pour rattraper le retard pris par l'équipe précédente : par exemple, nous avons notamment réalisé 10.000 places en crèche et financé 70.000 logements sociaux en 12 ans, ou encore réalisé les chantiers du tramway.
    Nous avons fait le choix de financer ces investissements le moins possible par la dette, à hauteur de seulement 12%, et le plus possible par des ressources propres, dont la cession de nombreux actifs immobiliers devenus inutiles aux parisiens, et nous n'avons augmenté les impôts que de façon modérée. Par ailleurs, 80% des emprunts de la Ville sont à taux fixe : notre dette est donc saine. Les marges de manœuvres de Paris sont donc pleinement préservées.
    La ville a beaucoup puisé dans les droits de mutation, une recette dépendant du marché immobilier, quelles pistes souhaitez-vous mettre en place si la baisse se poursuit ?
    Bernard Gaudillère :
    En 2008 et 2009, au plus fort de la crise, nous avions déjà perdu 300 millions d'euros de droits de mutation. La situation a vite évolué par la suite. Il est très difficile de faire de pronostics à long terme sur le marché de l'immobilier, mais si l'on regarde les deux creux enregistrés ces derniers 25 ans, on a constaté qu'ils ont duré environ un an et demi. L'année 2014 devrait donc être meilleure que 2013. Je constate d'ailleurs qu'en novembre dernier les droits de mutation ont augmenté pour le troisième mois consécutif, après une chute continue d'un an et demi.
    Enfin la redistribution des collectivités les plus riches vers les plus pauvres est de plus en plus lourd, qu'en pensez-vous ?
    Bernard Gaudillère :
    Il est vrai que Paris contribue aujourd'hui pour une forte part de son budget à la solidarité territoriale. Nous espérons convaincre le gouvernement de ne plus majorer la contribution de Paris, qui a déjà augmenté de façon très conséquente sur les trois dernières années.
    Trois questions à Bernard Gaudillère, maire adjoint de Paris
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