Objectif Grenelle : la rénovation en ligne de mire, entre incitation et contrainte

    Publié le 21 avril 2010 par Pauline Polgar
    Le Centre d'analyse stratégique, organisme de prospective rattaché au Premier ministre, s'intéresse, dans sa dernière note de veille, à l'enjeu de la réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l'immobilier résidentiel, responsable du quart des émissions totales en France. Quelles pistes de travail sont envisagées ? Eléments de réponses.
    Après le XXe siècle de l'industrialisation et du progrès, le XXIe siècle débute sur un enjeu fondamental : le développement durable. La prise de conscience environnementale ayant fait son chemin, il ne passe pas un jour désormais sans que l'on ne parle de préservation de l'environnement, tant sur les plans naturel, qu'économique et social.
    La réduction des gaz à effet de serre, enjeu du secteur résidentiel
    Et parmi toutes les actions entreprises, la réduction des gaz à effet de serre constitue l'une des principales démarches menées par les pouvoirs publics, afin de réduire l'impact du changement climatique. En France, le Grenelle de l'environnement se veut la pierre angulaire du dispositif. D'ici 2050, il prévoit ainsi une réduction drastique des émissions françaises. Et le premier concerné à ce titre est le secteur du bâtiment : car, souligne la loi de programmation du 3 août 2009 relative à la mise en œuvre du Grenelle, ce dernier "qui consomme plus de 40 % de l'énergie finale et contribue pour près du quart aux émissions nationales de gaz à effet de serre, représente le principal gisement d'économies d'énergie exploitable immédiatement". Mais, c'est là où le bât blesse, explique le Centre d'analyse stratégique, dans sa note de veille numéro 172 : même si la volonté est forte, les moyens d'y parvenir ne sont pas toujours suffisamment bien identifiés et analysés, notamment à la lumière des comportements des ménages et des imperfections du marché.

    La rénovation du parc existant, essentielle mais difficile

    D'abord le constat : les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur résidentiel continuent de croître*. Que faire pour les réduire ? Avec évidence, le premier levier peut être le renouvellement du parc. Construire et mieux. Problème : notre parc actuel est vieillissant, mais a une durée de vie longue. Les deux tiers du parc résidentiel français sont ainsi constitués de logements construits avant 1975, soit l'année de l'entrée en application de la RT 1974, première réglementation thermique imposant des contraintes pour le neuf. Au rythme de 1% de constructions neuves par an, le CAS s'alarme du fait qu' "A ce rythme, les logements anciens, construits avant 1975, devraient représenter encore deux cinquièmes du parc en 2050". Et d'ajouter : "Il faudra donc plus d'un siècle pour remplacer le parc actuel et le différentiel de performance énergétique entre logements neufs et anciens ne devrait pas permettre de réduire la consommation d'énergie" ! Là encore, ce n'est plus un secret pour personne : la rénovation est donc sans conteste le secteur-clé.
    Implication des ménages, défaillances du marché, coût... Lire la suite de l'article en page suivante
    * En France, résidentiel et tertiaire représentent ainsi 23% des émissions de CO2, derrière les transports (34%) et l'industrie (près de 24%). Pour la seule production d'électricité et de chaleur, on compte 12%. Entre 1990 et 2006, observe le Centre d'analyse stratégique (CAS), les émissions des secteurs résidentiel, tertiaire et transports ont augmenté respectivement de 10%, 9% et 17%. Depuis 2005, la courbe semble toutefois s'infléchir. Cette croissance s'est accompagnée, souligne le CAS, "de certaines modifications de comportements. Si l'on examine les combustibles utilisés pour le chauffage et l'eau chaude sanitaire depuis 1990 (hors électricité et chauffage urbain), on note un accroissement des émissions dues au gaz concomitant au recul de celles découlant de l'usage du fioul et du charbon."
    Objectif Grenelle : la rénovation en ligne de mire, entre incitation et contrainte

    De l'implication des ménages

    maison billet vert
    maison billet vert © D. R.
    Oui, mais sans oublier le facteur humain. Car, si l'on a identifié le problème de la consommation d'énergie et donc que seule "la substitution des énergies fossiles par des énergies propres ou renouvelables" pouvait faire que l'on parvienne à l'objectif de facteur 4 - soit la division par 4 de nos émissions - pour y parvenir, "Il est nécessaire de comprendre les ressorts des choix de consommation et d'investissement des ménages et d'identifier les instruments que peuvent mobiliser les pouvoirs publics dans un souci d'efficience." Car même si l'on contraint les individus avec des normes ou des taxes, plusieurs facteurs confortent pourtant ce paradoxe : ils n'opèreront pas forcément les investissements prônés, même s'ils sont rentables.
    Première catégorie d'"imperfections" identifiée par le CAS responsables de cet état de fait : les "défaillances de comportement". Difficile en effet pour les gens de comprendre, s'informer et choisir à bon escient, un équipement qui, de surcroît, ne se change pas comme de chemise et qui nécessite un investissement conséquent. Puis, les risques "de changement de la donne concernant les prix énergétiques" invalidant leur choix initial, d'"obsolescence accélérée de son matériel" si innovation il y a, de "surcoût que constitue le déclassement d'installations précédentes non encore intégralement amorties" et enfin, de tendance à plus consommer en volume face aux économies réalisées : tout cela doit être pris en compte. Parmi les pistes évoquées, l'impact des normes sociales dans la consommation d'énergie. Ainsi, il a été établi qu'une facture assortie d'une comparaison de la consommation d'énergie du ménage avec celles de foyers similaires du voisinage et comprenant des conseils ciblés, a un impact durable sur la réduction de la consommation, en changeant les comportements.

    Défaillances du marché

    Puis viennent les "défaillances du marché" et parmi elles, la "contrainte de crédit" qu'il faut lever. Mais cet objectif doit être pensé "tout en intégrant le rôle primordial d'un prix de l'énergie reflétant fidèlement tous les coûts qu'engendre sa consommation" explique le CAS. L'éco-PTZ, comme l'éco prêt logement social sont emblématiques de mesures intéressantes. Mais la réussite de ce type de programmes reste tributaire de "la limitation des effets d'aubaines" et d'un contrôle réellement efficace, notamment sur les technologies mises en œuvre, pour optimiser les dépenses publiques.
    "D'ici à 2020 ans, 205 Md€ seront investis dans le bâtiment au titre de la loi de programme Grenelle 1, dont 192 Md€ pour la rénovation des bâtiments (tertiaire et résidentiel), selon le CAS. Si l'État et les collectivités locales prennent en charge 40 Md€ pour la rénovation des bâtiments publics et les logements sociaux, 150 Md€ devront être investis par les ménages et les entreprises." D'où la nécessité d'un bon dosage entre incitation par le prix - qui doit rester fidèle au poids des coûts de l'énergie et des contraintes environnementales - et contrainte réglementaire. Et de conclure : "La qualité des instruments économiques pour mobiliser de telles sommes et les orienter vers les actions les plus efficientes est donc cruciale".
    Retrouver l'ensemble de l'analyse de Mahdi Ben Jelloul, du département des affaires économiques et financières, dans la note de veille 172 du Centre d'analyse stratégique, en cliquant ici.
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