Cécile Duflot, à défaut de prendre en mains l'écologie dans le
nouveau gouvernement de Jean-Marc Ayrault, a pris à bras le corps le dossier du logement, secteur qu'elle connaît bien pour avoir été un temps salariée dans le logement social. Les premières réactions recueillies sur sa nomination, bien qu'encore attentistes, semblent plutôt favorables à sa personne. Et, dès sa prise de fonction jeudi dernier, elle a déjà fait sien l'engagement de campagne sur l'
encadrement des loyers, réclamé par les associations de consommateurs notamment, mais décrié par les professionnels.
Dans une interview accordée à nos confrères du
Journal du Dimanche paru ce 20 mai, elle a réaffirmé son intention d'aller vite sur ce dossier : "
Le dispositif précis sera calé dans les semaines qui viennent, après concertation avec les acteurs du secteur, déclare-t-elle.
L'idée, c'est de mettre fin à l'emballement des loyers, mais aussi de faire en sorte que des loyers aujourd'hui insupportables dans certaines zones comme l'Ile-de-France ou la région Paca diminuent."
Autre priorité de son ministère : la présentation d'un
"plan global contre la crise du logement d'ici à cet automne", pour répondre à l'objectif fixé de créer 500.000 logements par an. Au menu : "
priorité pour le logement social et la mixité", en constructions comme en rénovations et un seuil SRU relevé.
La nouvelle ministre pourra s'appuyer sur les propositions remises le 10 mai par le Haut Conseil de la Famille - organisme dépendant du Premier Ministre - où l'évolution des modalités de fixation des loyers et le renforcement de la loi SRU figurent aussi en bonne place.
Dans son avis
Familles et Logement (voir en page suivante), le Haut Conseil s'est en effet attaché à examiner des propositions pour "
permettre à toutes les familles de se loger, dans de bonnes conditions et à un prix abordable."
Les propositions jugées prioritaires en matière de logement du HCF, qui seront examinées par la ministre du Logement visent principalement, explique l'organisme, "
à favoriser le développement de l'offre de logement, dynamiser la gestion du parc social, faciliter l'accès au logement à un prix raisonnable dans le parc privé, restaurer l'efficacité des aides personnelles au logement et des aides à l'accession, prévenir les expulsions et, plus globalement, améliorer les conditions de logement des familles, en particulier celles qui connaissent le plus de difficultés." Et de conclure que, quoi qu'il arrive, il est "
indispensable d'améliorer l'évaluation des politiques du logement et de leurs outils". (voir le détail en page suivante)
Le dialogue, priorité de la ministre... et du gouvernement !
Elles n'auront en tout cas pas manqué de susciter des réactions (voir page 3), notamment de la Fondation Abbé Pierre. Dite Fondation dont le directeur général a justement rencontré la nouvelle ministre ce lundi. Une rencontre qui a donné lieu à un premier communiqué du Ministère publié en fin de journée : de quoi donner le tempo pour les semaines à venir et rappeler le mot d'ordre de ce nouveau gouvernement : Con-cer-ta-tion !
La ministre y déclare en effet qu' "
être à l'écoute du pays est une priorité pour le changement". Le communiqué précise que "Cet échange entre Cécile Duflot et la Fondation Abbé Pierre, a permis d'évoquer les propositions portées par la Fondation, notamment dans le cadre de sa 'Mobilisation générale pour le Logement'".
Et d'ajouter :
"Les mouvements associatifs et syndicaux, et au-delà, l'ensemble des représentants de la société civile sont des maillons essentiels de la transformation nécessaire des politiques publiques. Dans les jours qui viennent, la ministre continuera à auditionner divers acteurs du champs de compétences dont elle a la charge, et notamment des acteurs de la politique de la ville, des élus, et des représentants du monde rural." Le travail ne fait que commencer...
Retrouvez sur Maison à part, plus d'informations sur le nouveau gouvernement.
Retrouvez en pages suivantes : les propositions du Haut Conseil de la Famille sur le logement, les réactions qu'elles ont suscité et enfin, la tribune du président de l'APAGL sur la garantie des risques locatifs.
L'encadrement des loyers, parmi les priorités de Cécile Duflot, ministre du Logement
Les propositions du HCF
1. Propositions pour développer l'offre de logements, en particulier de logements sociaux :
- Maintenir un
objectif de construction élevé en veillant à l'adaptation de leur localisation et à leur accessibilité à la majorité des ménages : le HCF fait sienne la préconisation du Conseil d'Etat de "déverrouiller les principaux obstacles à la production de l'offre" de logements, actualiser les normes juridiques, techniques et environnementales en les mettant en cohérence ; instaurer un quota minimum de logements à loyers accessibles dans tout programme de construction.
-
Renforcer la loi SRU : accroître les sanctions pour les communes en infraction avec la loi ; mettre en œuvre plus systématiquement le droit de préemption urbaine par les préfets et leur possibilité de passer des conventions avec les organismes sociaux ; élever le taux de logements sociaux obligatoires de 20 à 25 voire 30% dans les zones tendues.
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Lutter contre la rétention de terrains non bâtis et de logements vacants : réformer la fiscalité sur les plus-values afin d'inciter la vente plus rapide de terrains pour empêcher les propriétaires à différer les ventes pour profiter du caractère dégressif du taux de taxation dans le temps aujourd'hui applicable ; en zones tendues, augmenter la taxation sur les logements vacants et améliorer leur recensement et l'information aux propriétaires.
2. Propositions pour adapter et dynamiser la gestion du parc social :
- Poursuivre les avancées sur la
transparence des critères d'attribution
- Faire
évoluer les modalités de fixation des loyers : prendre en compte les revenus des locataires et prendre pourquoi pas en compte le taux d'effort qui ne devrait pas alors dépenser 20%.
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Encourager la mobilité au sein du parc social : des changements de situation mieux pris en compte, avec diminution de loyer en cas de mobilité pour un logement plus petit.
3. Propositions pour favoriser la mise en location de logements à des conditions raisonnables
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Encadrer les relations locataires/bailleurs dans le parc privé : encadrement des loyers pour les premières locations et les relocations, mais en faisant attention à ce que cela ne conduise pas à décourager les propriétaires de louer ; le HCF propose également l'idée d'un système de bonus-malus sur les loyers selon le prix de location au m2.
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Développer, voire généraliser, la garantie des risques locatifs : permettre sa généralisation effective, certains membres du HCF proposant d'explorer la piste d'une mutualisation des cautions locatives afin de créer un Fonds de garantie universelle et mutuelle associant le secteur public et le privé.
-
Encourager l'intermédiation locative
4. Propositions pour restaurer l'efficacité des aides personnelles au logement
-
Ne pas déconnecter les aides personnelles de la dépense de logement
- Restaurer
l'efficacité des aides personnelles au logement : il faut réduire les disparités des taux d'effort, entre zones géographiques ou entre parcs privé et social - les locataires du privé ont par exemple un taux d'effort deux fois supérieur à ceux du public. Pour réduire les coûts des aides revalorisées, il faudrait néanmoins cibler les ménages dont le taux est le plus important. Et de proposer en solution alternative également, la création d'un "bouclier logement", taux d'effort maximal, fixés en fonction du revenu et de la composition du ménage.
- Maintenir des
mécanismes protecteurs pour les ménages afin d'éviter les taux d'effort abusifs ou des systèmes de taux trop risqués
-
Recentrer les aides à l'accession en limitant les effets d'aubaine : réserver par exemple le PTZ+ aux ménages les plus modestes
-
Réfléchir au rétablissement d'aides à l'accession et à la réhabilitation des logements dans le parc ancien
6. Propositions pour préserver les familles d'une dégradation de leurs conditions de logement
-
Prévenir les expulsions en cas d'impayé de loyer
- Lutter
contre la précarité énergétique et la privation d'eau
- Lutter
contre l'habitat indigne : imposer par exemple aux copropriétaires des provisions pour travaux, qu'ils récupèreraient en tout ou partie au moment de la vente du bien
- Renforcer
les moyens des Fonds de solidarité pour le logement (FSL) et harmoniser leurs conditions d'intervention
Retrouvez l'avis au complet sur le site du HCF.
Les propositions du HCF
Réactions sur l'avis de l'HCF
Les propositions du HCF n'ont pas manqué de faire réagir. A l'AFP, Christophe Hodré, responsable du logement au sein de l'Union des familles laïques a déclaré :
"C'est du beau travail, nous assistons à un dérèglement du marché et il faut loger en priorité ceux qui en ont le plus besoin".
La Fondation Abbé Pierre, même si elle soutient aussi le renforcement de la loi SRU, met néanmoins en garde contre un renforcement de l'aide aux familles modestes avec enfants car, si cela est fait "
à volume constant", "cela voudrait dire qu'on favorise les foyers très modestes au détriment des foyers modestes", selon le délégué général de la Fondation, Patrick Doutreligne, interrogé par l'AFP.
Selon la Confédération syndicale des familles, plus réservée, la logique du rapport présente le risque que les quartiers d'habitat social ne deviennent de "
futurs ghettos". "Il est très dommageable qu'on considère le parc social comme uniquement destiné à accueillir les plus pauvres et les exclus, car cela ne correspond ni à son histoire ni à son but", a déclaré l'une de ses responsables à l'AFP. "
Il faut sortir d'une logique de file d'attente et augmenter les moyens consacrés au logement". Et de déplorer également "
les silences coupables" de l'avis du HCF : "
La question des aides à la pierre, qui a baissé de manière drastique ces dernières années, et celle du prélèvement financier de 275 millions d'euros par an sur trois ans sur le budget des organismes HLM y sont à peine abordées".
(avec AFP)
Réactions sur l'avis de l'HCF
Il faut sauver la GRL - Tribune du président de l'APAGL
Ce lundi 21 mai, l'APAGL s'est également faite entendre, par la voix d'une tribune envoyée aux rédactions par son président, Jean-Jacques Denizard, intitulée "GRL : l'heure du choix, c'est maintenant !", dont nous publions ci-dessous de larges extraits.
Rappelant l'origine de la garantie des risques locatifs (GRL), créée par l'État en collaboration avec les partenaires sociaux du 1% logement, il entend en rappeler les fondements et appeler à sa sauvegarde :
"(...) il n'est pas question pour moi de nier les incertitudes qui gravitent autour du déploiement durable de la GRL. Pour être très clair, ce dispositif est aujourd'hui injustement menacé par la concurrence de plusieurs produits portés par certains assureurs qui ne sélectionnent que les bons risques (salariés en CDI, etc.) pour la GLI - Garantie loyer impayé, ndlr -, et relèguent les dossiers les plus risqués sur la seule GRL. Alors qu'elle devrait être un outil facilitant l'accès au logement locatif privé du plus grand nombre pour le bénéfice de tous (bailleurs, locataires, entreprises, assureurs, Etat), la GRL est dans les faits utilisée par certains comme un simple outil de gestion dont la finalité n'est que la seule recherche de profits à court terme. Quoiqu'il en soit, je réaffirme avec fermeté que la pertinence de la GRL n'est absolument pas à remettre en cause, même si naturellement des améliorations peuvent toujours y être apportées."
La GRL peut et doit jouer un rôle de premier plan
Et d'ajouter que la GRL peut s'inscrire encore plus aujourd'hui dans une vaste politique d'aide au logement, notamment pour les jeunes : "
(...) aujourd'hui, alors que le gouvernement projette la mise en place d'une caution solidaire destinée à faciliter l'accès au logement des jeunes, il semble opportun de préciser que la GRL, dans le cadre de son périmètre actuel, peut parfaitement jouer ce rôle, qu'elle assume d'ailleurs déjà en ayant permis à près de 150.000 ménages de moins de trente ans d'accéder à un logement privé. La GRL a par ailleurs d'incontestables atouts pour participer, à sa mesure, à la relance de l'économie. Alors qu'une étude récente du CREDOC, établit qu'en cinq ans 500.000 emplois n'ont pu être pourvus faute de possibilité pour les candidats à l'embauche de trouver un logement qui leur soit accessible dans les environs, il apparaît que la localisation des logements que la GRL couvre correspond très exactement aux zones de développement de l'emploi, à savoir l'Île de France, l'arc Atlantique, l'arc Méditerranéen, et le sillon Rhodanien."
Le président appelle enfin de ses vœux une véritable universalisation de la GRL, qui souffre de la concurrence des produits privés d'assurance (GLI) :
"Peut-on aujourd'hui rester sans réagir face aux turbulences qui entravent le plein essor et la pérennité de ce dispositif qui a largement fait ses preuves ? Dès lors, il faut être clair, et faire ensemble le choix qui demain sera de nature à redonner à notre pays toute la vitalité, la cohésion et la solidarité dont il aura grandement besoin pour traverser la crise dans les mois et les années qui viennent. Ce choix, c'est celui de faire de la GRL un dispositif universel. Comment ? En élargissant la GRL pour en faire l'unique produit assurantiel contre les loyers impayés, c'est-à-dire en regroupant la GRL et les contrats GLI existants."
Et de conclure : "
je tiens à réaffirmer, de toutes mes forces, que je me battrai, et avec moi tous ceux qui sont convaincus de la pertinence de la GRL, pour que nous ne laissions pas se déliter ce dispositif efficace, juste, bâti avec le ciment de la responsabilité et la recherche d'une plus grande cohésion sociale pour notre pays."
Retrouvez sur Maison à part, le bilan de l'Apagl dont nous nous étions fait l'écho en avril dernier.
Il faut sauver la GRL - Tribune du président de l'APAGL