Crise du logement : Nicolas Sarkozy mise sur la construction

    Publié le 30 janvier 2012 par Carine Lauga
    Attendues depuis plusieurs jours, le chef de l'Etat a dévoilé dimanche soir des mesures nouvelles pour faire face à la crise. Augmentation de 30% du droit à construire, location des terrains publics, ou encore instauration d'une TVA à 21.2%... Explications et réactions des acteurs du secteur de la construction et du logement.
    Sept est le nombre de l'achèvement cyclique et de son renouvellement. C'est aussi le nombre de propositions qu'a énoncées, dans l'ultime ligne droite qui le conduirait à se présenter à un second mandat, le Président de la République, pour relancer la croissance. Prémonitoire ? En tout cas, ces mesures qu'il prédisait, il y a quelques jours, comme "extrêmement puissantes" font aujourd'hui grand bruit chez les professionnels.

    Le COS gagne 30%

    Et première mesure, pour doper la construction et tenter de résoudre la crise du logement, tout en entraînant une baisse des prix de l'immobilier selon lui, Nicolas Sarkozy a décidé que toutes les constructions - immeubles ou maisons - pourront s'agrandir jusqu'à 30% de leur superficie. En résumé, les promoteurs immobiliers et les opérateurs de HLM pourront bâtir 30% de surfaces supplémentaires sur un même terrain. Cela concerne également les logements existants, qui pourront bénéficier d'extension ou de surélévation. Et le Président de donner cet exemple : "Concrètement, vous avez un pavillon en banlieue, et en grande banlieue, vous aurez le droit de construire 30% de plus sur ce pavillon (...) Vous êtes une collectivité, vous avez un terrain où il y a 1.000 m2 de droit à construire, et bien, vous aurez le droit de construire 1.300 m2". Et Benoist Apparu de renchérir : " Si dans la commune, le PLU autorise la construction de 100 logements sur une parcelle, on pourra désormais en construire 130". Selon lui, ce sont près de 40.000 logements supplémentaires par an qui sont attendus.
    " Cela va dans le sens de la densification et des lois du Grenelle 2 ", souligne Didier Ridoret, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). Qui ajoute que cette proposition est "plutôt une bonne idée" et qu'il est toujours "intéressant de construire davantage". Relever les droits à construire est "déraisonnable " et "contradictoire avec la politique de lutte contre l'étalement urbain", s'insurge, pour sa part, l'association France Nature Environnement, qui pointe une mesure qui va accroître l'imperméabilisation des sols et la pression sur la biodiversité.
    Du côté des architectes, on pense qu'il s'agit d'"une fausse bonne idée, car on sait tous que c'est le prix du terrain qui arbitrera", nous confie la présidente de l'Union nationale des syndicats français d'architectes (Unsfa), Marie-Françoise manière. Les constructeurs de maisons individuelles se réjouissent davantage, évoquant un "bon diagnostic, mais des remèdes inappropriés". "Renforcer la densité conduit mécaniquement à des coûts plus élevés et peut induire un renchérissement du coût du foncier par l'augmentation de ses capacités constructibles ", explique l'Union des maisons françaises dans un communiqué. De plus, "un ménage qui peut financer une maison de 100 m2 pourra-t-il financer une maison de 130 m2 ?", s'interroge-t-elle.
    Crise du logement : Nicolas Sarkozy mise sur la construction

    La baisse des prix aura-t-elle lieu ?

    logements
    logements © Celine Galoffre
    Les prix des logements baisseront-ils, comme l'espère le chef de l'Etat ? Oui, selon le Pdg de Century 21, Laurent Vimont, qui affirme que l'augmentation de 30% du nombre de logements fera diminuer les prix. Bémol ? "Les effets positifs se feront surtout sentir dans la construction neuve, les particuliers n'ont pas obligatoirement besoin de s'agrandir", réfute-t-il dans les colonnes du journal Le Monde. "C'est tout le contraire qui va se passer, estime Thierry Repentin, président de l'USH et porte-parole Habitat du candidat Hollande, dans le même quotidien. Les propriétaires de terrain vont les vendre plus chers". L'Union des Constructeurs Immobiliers-FFB pense "qu'il est nécessaire que cette augmentation de capacité de construction se fasse à coût foncier constant, c'est-à-dire que la valeur totale du terrain ne soit pas supérieure à ce quelle était, compte tenu de la capacité à construire supplémentaire. C'est à cette condition que nous pourrons obtenir une baisse effective du prix du logement. "

    Les collectivités aux aguets...

    Mais tous perçoivent une inquiétude de taille : l'opposition des collectivités locales, dont la fixation du coefficient d'occupation des sols est jusqu'ici une de leurs prérogatives. Nicolas Sarkozy avait prévenu qu' "un conseil municipal pourra refuser ce droit, mais il faudra qu'il prenne une délibération ". "Restons vigilants, il n'est pas sûr que [les collectivités] ne s'y opposent pas", lance Didier Ridoret. "Les communes n'autoriseront certainement pas facilement ces modifications du COS", confirme Marie-Françoise Manière. "En outre, il est aisé de les contourner", ajoute-t-elle. Pour sa part, le président du Conseil national de l'ordre des architectes (Cnoa), Lionel Carli, est plus mesuré. " J'attends de voir dans quelles conditions on attribuera ces 30% et dans quel cadre ce dispositif sera appliqué, mais je pense que cela peut être l'occasion pour les collectivités de réviser ou refondre leurs documents d'urbanisme, de voir sur quelles zones peuvent être acceptés ces constructions supplémentaires, tout en prenant en compte les règles de hauteur et d'emprise au sol... Bref, d'amener une réflexion nécessaire en matière d'urbanisme".
    Contacté également, Jacques Pélissard, président de l'Association des Maires de France, entend rester ferme sur une chose : "Le pouvoir d'appréciation sur la construction doit dépendre des maires et des conseils municipaux, qui savent appréhender les spécificités des territoires, les tensions, les contraintes ou les risques ". Il a également rappelé qu'assouplir les règles de construction devait s'articuler avec celles déjà en place - le dépassement du COS est déjà possible pour les HLM et les constructions BBC, ndlr - ainsi qu'avec celles qui régissent la loi littoral ou le Plan de Prévention des Risques naturels. Il reste donc favorable à une certaine souplesse des règles, mais récuse "toute règle générale et impersonnelle ". Une rencontre entre les élus locaux et Benoist Apparu est prévue cette semaine, nous a-t-il indiqué.
    La baisse des prix aura-t-elle lieu ?

    Quid des terrains publics ?

    terrain oliviers la fe
    terrain oliviers la fe © PP-DR
    François Fillon, lundi après-midi, a tenu à rassurer les nombreux élus locaux qui étaient montés au créneau : "Le pouvoir des élus locaux n'est pas contesté (...) et le projet de loi laissera toujours aux collectivités le soin de juger de cette majoration [de 30%]". Il a également rappelé qu'il n'était pas question de "faire n'importe quoi" et de "construire sans permis". Le gouvernement présentera le 8 février un projet de loi de finances rectificatif ainsi qu'un projet de loi sur les mesures relatives au logement, a précisé le Premier ministre.

    Mise à disposition des terrains publics

    Autre mesure annoncée par Nicolas Sarkozy : l'Etat s'engage à libérer des terrains lui appartenant, d'ici à 2015. Sans que cela ne ruine l'Etat en les cédant gratuitement aux collectivités locales qui auraient la possibilité de les revendre aux promoteurs. D'ores et déjà, 394 terrains auraient été identifiés, représentant 880 ha en Ile de France, ce qui pourrait engendrer la mise en chantier de 250.000 logements neufs supplémentaires d'ici à 2016, estime l'AFP.
    Pour éviter l'augmentation des prix, les organismes publics favoriseraient le "bail emphytéotique", qui permet de louer des terrains pour des périodes comprises entre 50 et 99 ans. "J'attends de comprendre les subtilités et l'intérêt de ce dispositif", nous confie Didier Ridoret (FFB).
    Quid des terrains publics ?

    Les autres mesures

    Les autres mesures - sarkozy
    Les autres mesures - sarkozy © Présidence de la République - P. Segrette
    - TVA à 21.2%
    Au-delà du logement, la grande annonce de la soirée de dimanche a porté sur la "TVA sociale", dont le mécanisme consiste à transférer une partie du financement de la protection sociale, aujourd'hui assis sur le travail, sur un ou plusieurs autres impôts auxquels ne sont pas assujetties les entreprises. Résultat : un allègement de 13 Md€ pour ces dernières compensé par l'augmentation de la TVA de 1.6 point, passant le taux de 19.6 à 21.2%, et la progression de 2 points sur la CSG sur les revenus du capital. Cette suppression des cotisations "famille" ne concernerait pas tous les salaires, mais ceux compris entre 1.6 et 2.1 fois le Smic.
    L'objectif de cette TVA sociale est de réduire le coût du travail. Une des principales revendications de l'Union professionnelle artisanale (UPA), qui se félicite de cet engagement pris par le chef de l'Etat. "Même si la baisse des charges sociales patronales n'entrera en vigueur qu'ultérieurement et de façon limitée, il s'agit d'un signe positif adressé aux chefs d'entreprise notamment dans leur décision d'embauche", a indiqué un communiqué. Toutefois, l'UPA invite à rester "vigilant " quant aux modalités d'application des mesures annoncées.
    "Ne rien faire, c'est ce qui serait dommageable. Il faut essayer ! ", a, de son côté, plaidé Didier Ridoret (FFB)

    - Banque de l'industrie

    Avec l'annonce d'une nouvelle banque de l'industrie, Nicolas Sarkozy a damé le pion à François Hollande, qui proposait, il y a quelques jours, de constituer une banque publique de l'investissement dédiée aux PME. La solution du chef de l'Etat repose sur l'adjonction à Oséo - qui finance à ce jour les PME - une filiale à vocation industrielle dotée de 1 Md€ de fonds propres issus du grand emprunt. L'objectif, dans les deux cas, est d'améliorer l'accès au crédit des PME, dans un contexte de crise où les prêts se font rares.

    - Apprentissage

    Nicolas Sarkozy a, en outre, indiqué que les sanctions seraient renforcées pour les entreprises de plus de 250 salariés qui ne respectent pas le quota d'apprentis, désormais porté à 5%.
    "Nous sommes déjà très impliqués en matière d'apprentissage, cela ne nous concerne pas réellement", a précisé le président de la FFB.
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