Alors que le mouvement HLM a lancé en 2009 la construction de logements, 650.000 ménages sont encore en attente d'un logement social, et les impayés augmentent à mesure que baisse le pouvoir d'achat des ménages locataires. Comment trouver les ressources pour construire plus, et comment bâtir au plus près des attentes des locataires du parc HLM ? Thierry Repentin, président de l'Union sociale pour l'habitat, nous apporte son éclairage.
Maison à part : Le ministre du Budget, François Baroin, a indiqué mardi 6 juillet la volonté du gouvernement de prélever 340 millions d'euros au mouvement HLM pour contribuer au budget 2011 de l'Etat. Comment réagissez-vous à cette annonce ?
Thierry Repentin : Ma réaction est à la fois l'indignation et l'incompréhension. Indignation car l'Etat manque d'argent et il va le chercher chez les familles les plus modestes de France. Car s'il y a ponction dans le monde HLM, il s'agira de l'argent issu du paiement des loyers des 4.300.000 ménages de notre parc : il ne nous semble pas très digne de solliciter ces ménages-là.
Par ailleurs, le sentiment d'incompréhension vient du fait que retirer 340 millions d'euros au mouvement HLM, c'est faire fi d'environ 20.000 logements neufs chaque année. Or, même si 2009 a été une année historique avec près de 125.000 nouveaux logements, il n'empêche que nous avons toujours 650.000 ménages en attente : nous nous devons donc de répondre à une construction plus importante quantitativement. Nous ne désespérons pas de faire entendre raison à monsieur Baroin, d'ici au travail parlementaire qui se fera à l'automne.
Enfin, si l'Etat cherche à dépenser moins d'argent sur des sujets qualifiés de logement, il suffit de supprimer une disposition de la loi Tepa, la déductibilité des intérêts d'emprunt, qui coûte à l'Etat 1,5 milliard de non-recette fiscale ; et de l'affecter à une politique du logement qui nous permettra de construire plus et moins cher, que ce soit en locatif social ou en accession sociale à la propriété.
Maison à part : Face aux problèmes engendrés par l'étalement urbain, comment envisager de construire plus de logements sociaux dans des villes parfois saturées ?
T.R. : Il est vrai que la construction en zone dense est plus difficile, structurellement déséquilibrée, mobilise de nombreuses subventions et de fonds propres des organismes. Sur l'augmentation de la densité par la surélévation, nous n'avons pas encore de recul pour savoir si cette piste est envisageable. L'acquisition/amélioration est une solution, souvent coûteuse, mais qui s'avère parfois le seul moyen d'insérer du logement social là où il en manque. Mais il y a aussi la possibilité pour les maires d'insérer dans leur PLU la servitude logement social, c'est-à-dire que par décision du conseil municipal, on décide qu'il y aura à certains endroits une part de logement social incompressible dès lors qu'il y aura des constructions. On peut aussi utiliser le droit de préemption urbain. Je crois qu'il ne faut négliger aucune solution, mais beaucoup d'outils existent qui ne sont pas utilisés.
Maison à part : Quelle est la place des énergies renouvelables et des économies d'énergie dans le parc HLM ?
T.R. : Dans le parc social, on part déjà de moins loin en matière de dépenses énergétique que le reste du parc de logements dans notre pays : on y consomme 30% d'énergie en moins, car il y a eu un gros effort de réhabilitation du parc conduisant à une réduction des dépenses énergétiques suite à la crise du pétrole dans les années 80. De plus, une part croissante de logements construits en neuf en BBC (nous étions à 35% l'an dernier et serons à 50% cette année), et par l'insertion dans la réhabilitation d'ingénierie d'énergie renouvelable. On met du solaire thermique, du photovoltaïque, des
chauffages à bois, des
pompes à chaleur géothermales, et les réseaux de chauffage que l'on souhaite vertueux.
L'année dernière, nous avons signé avec le gouvernement une convention visant à réhabiliter 800.000 de nos logements les plus énergivores, soit le parc classé en EFG. Mais les choses tardent, et nous demandons à élargir ces dispositions à une partie des logements de catégorie D, laquelle représente 50% du parc HLM. Mais ceci nécessite que nous soyons aidés car tout cela a un coût, et le retour sur investissement est parfois très long. Ce dispositif doit, en outre, s'accompagner de pédagogie à l'égard des locataires, pour changer leur mode de comportement dans leur logement.
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"Il faut construire plus de logements sociaux, mais sans oublier les services autour"
"Nous sommes dans une situation de tension telle que le logement HLM ne pourra pas être le seul à apporter la solution"
"Nous sommes dans une situation de tension telle que le logement HLM ne pourra pas être le seul à apporter la solution" - Thierry Repentin © MD - Batiactu
Maison à part : Au-delà du seul logement, quelles sont les structures essentielles aux villes et quartiers pour que les locataires du parc social puissent vivre plus confortablement ?
T.R. : Les études régulières que nous menons sur le taux de satisfaction des ménages du parc HLM dépasse globalement les 80%. Cependant, on s'aperçoit que leurs attentes les plus marquées ne sont pas sur le logement lui-même, mais sur l'environnement du logement : ils attendent la présence de services du quotidien tels que le désenclavement, la qualité de l'enseignement, ou encore les commerces de proximité. Aujourd'hui, notre vraie difficulté réside dans notre sentiment que la politique de la ville met énormément l'accent sur le bâti, en oubliant l'importance de la présence de services autour.
La présence des services publics, particulièrement de l'Etat, s'est évaporée par rapport à ce qu'il y avait par le passé, et dans certaines villes, les maires se sont un peu retirés de ces quartiers. Or, je crains que si l'on n'inverse pas la tendance, nous ayons à connaître très prochainement dans certains quartiers de grosses difficultés, similaires à ce que notre pays a connu il y a 5 ans. Nous sommes dans une situation de tension telle que le logement HLM ne pourra pas être le seul à apporter la solution.
Maison à part : La réquisition de logements vacants est-elle une solution viable ?
T.R. : Je ne suis pas le premier supporter de la réquisition. Ce sont des procédures assez lourdes, assez autoritaires, et avant de réquisitionner, il faut déjà avoir identifié un bien utilisable rapidement et sans travaux démesurés. Ceci étant dit, la réquisition a un caractère symbolique fort, elle permet d'interpeller les consciences sur la situation du logement dans notre pays. Il faut profiter de cette interpellation pour élargir le débat et aller vers des solutions opérationnelles.
Au-delà de la production massive que j'appelle de mes vœux, il y a plusieurs outils efficaces : la majoration des aides de l'Anah dans un parc vacant peut inciter des propriétaires privés à remettre leurs biens sur le marché ; on peut aussi conforter les produits qui diminuent le risque des impayés de loyers (GRL), et pourquoi pas imaginer une intermédiation du parc HLM. Je pense qu'il faut développer aussi la taxe sur les logements vacants. Mise en place en 2000 sur les 8 plus grandes agglomérations, elle a permis en dix ans de faire baisser le taux de logements vacants de 50% dans ces territoires. On peut aussi penser à un assujettissement à la taxe d'habitation pour les locaux vacants dans les communes SRU qui manquent de logements. Et renforcer l'article 55 de cette loi SRU, car la contribution de solidarité n'est pas assez forte, elle n'est pas donc pas incitative. Grâce aux Scot et aux PLU créés par la loi SRU, on constate des effets positifs après dix ans : car des élus ont dû déterminer quelle serait la destination de leur territoire, notamment en termes de logements. Aujourd'hui, ce sont sur ces documents, qui ont un véritable effet déclencheur, que nous nous appuyons pour faire sortir les 125.000 logements sociaux financés l'an dernier. On se focalise toujours sur l'aspect financier, mais il existe des outils urbains très forts. Ce sont ceux-là qu'il faut connaître et mettre en place.
"Nous sommes dans une situation de tension telle que le logement HLM ne pourra pas être le seul à apporter la solution"