Humoriste, imitateur, musicien, "saltimbanque"... et châtelain. Yves Lecoq, nous dévoile cette facette de son "intimité domestique" avec la publication d'un livre intitulé "Fou de Châteaux" aux éditions du Chêne. Une passion, voire même une "vocation" comme il nous l'explique, lors d'un entretien accordé à Maison à part.
"
M. Lecoq succéda donc à Madame Chapon, l'ancienne propriétaire. Après le "Haut la crête" de Suzanne (inscription au fronton de la propriété baptisée Suzanne, NDLR),
il fallait bien cette coïncidence pour me croire chez moi." Yves Lecoq croit aux signes, qu'ils soient vécus dans l'humour, ou qu'ils le rapprochent des souvenirs de son enfance, vers où, d'ailleurs, il faut se tourner pour comprendre sa passion pour les châteaux. Un amour qu'il raconte dans un ouvrage intitulé Fou de châteaux, paru aux éditions du Chêne. Car celui qui incarne la voix du "
PPD" des
Guignols de l'info, tous les soirs sur Canal+, est né dans une famille amoureuse d'histoire. Sa grand-mère lui donne en effet très tôt le goût et la passion de ce qui sera sa première vie,
"avant celle de saltimbanque" : celle d'antiquaire et de décorateur, avec une préférence pour la période du XVIIIe siècle, qui avait les faveurs de son aïeule.
Cette histoire de château commence d'ailleurs par la volonté de trouver une maison à l'image de celle que possédait sa grand-mère,
"nous sommes cinq enfants à avoir été marqués par cette maison du bonheur", une jolie maison meulière, toute simple, en lisière de forêt. La maison doit être familiale. Pour Yves, cela sera d'abord un joli pavillon à Vanves, avec un jardin. Alors qu'il cherche une autre maison en Normandie, terre de ses ancêtres,
"je transformai mon envie de ferme à colombages, raconte-t-il dans son livre, en
envie de manoir picard de briques et de pierres." La Picardie, terre également de champs de betteraves, là-même où son
"père devait se rendre pour visiter les sucreries lorsqu'il travaillait chez Lebaudy (grande famille de sucrier, NDLR)" : un signe... Il trouve Hédauville, son premier "
rêve achevé", un château du début du XVIIIe, qu'il retape plusieurs années et que l'antiquaire qu'il avait été, remplit de meubles et bibelots glanés au cours de ses tournées de saltimbanque. Nous sommes en 1975.
Yves Lecoq, fou de châteaux, ed. Chêne © Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
Yves Lecoq, devant Chambes
Commence ensuite une série de "
sauvetages" au gré des acquisitions et des reventes et surtout, des
"coups de foudre"... Une passion ? Une folie, c'est sûr ! Voire, une "
vocation". "
Quand j'ai acheté Villiers (l'une de ses dernières acquisitions, NDLR)
tout le monde m'a encore dit que c'était de la folie... mais en fait, j'ai procédé à ma petite mesure et j'y suis arrivé," nous raconte-t-il.
"Je considère cela comme une action, je n'irais pas jusqu'à dire philanthropique, mais pour le moins qui me permet de laisser une trace, de sauver des endroits qui le méritent, qui méritent d'être préservés, un deuxième côté qui justifie certaines folies". Dans le livre, il précise encore, "
redonner leur âme aux vieilles maisons, leur faire revivre leur passé, a toujours été pour moi comme une vocation." Lorsque l'on s'étonne que lui, personnage public, nous dévoile une partie de son "
intimité domestique", comme il l'appelle, que cela soit à travers ce livre ou lors des visites des châteaux organisées l'été, il nous explique qu'il
"essaie de garder le même esprit de châtelain, de l'époque" mais surtout, dit-il
"d'une certaine manière, je l'ai acquis grâce au public, je lui renvoie donc l'ascenseur."
A travers ce livre, Yves Lecoq nous conte ainsi ses différentes épopées : le château d'Hédauville, revendu pour celui de "
Suzanne", en Santerre, dans lequel il vivra 18 ans de travaux avant de ne devoir s'en séparer ! Puis Maisonseule, une forteresse quasi en ruines
"au fin fond des monts du Vivarais", d'architecture médiévale, sur lequel il s'arrête longuement. Avant de nous entraîner dans l'aventure du château de Villiers-le-Bâcle qu'il mettra deux ans à acquérir. Un
"coup de foudre", "
l'envoûtement de la découverte d'un monde à part". Villiers, c'est "
la concrétisation de tous ces rêves". Le château est situé non loin de Paris et possède un parc magnifique : l'environnement est en effet aussi important pour Yves Lecoq que le bâti.
Vous l'aurez compris, Yves Lecoq ne s'arrête jamais ! En expert, quand il n'a pas un chantier en cours - et il en a toujours ! - il part à la recherche d'une demeure pour ses amis ou sa famille. Comme cette dernière acquisition, Chambes, trouvée en Charente, à l'occasion de pérégrinations pour sa sœur Françoise. Là encore, osons le jeu de mots, il aura 'suffit d'un signe' : Fénelon, avec qui les ancêtres d'Yves Lecoq étaient liés, avait possédé cette seigneurie. Chambes devient la demeure familiale du saltimbanque... La dernière ? Pas sûr ! Encore faudrait-il qu'il se pose...
Retrouvez l'interview d'Yves Lecoq en page suivante.
Yves Lecoq, fou de châteaux
Yves Lecoq, fou de château, ed Chêne © Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
Yves Lecoq nous a accordé un entretien, à l'occasion de la sortie de son livre Fou de châteaux, aux éditions du Chêne.
Maison à part : Votre premier souvenir de château ?
Yves Lecoq : Ma grand-mère louait une petite maison dans le parc d'un château dans l'Yonne. J'ai pu le visiter car j'étais copain avec le fils du châtelain. Il était magnifique, empli d'objets anciens... Je repense également aux hôtels particuliers de mon enfance : mon goût pour ces demeures du patrimoine m'est venu aussi de cette vue que nous avions de ces bâtisses du XVIIe à Paris, alors que nous habitions dans les combles situées en face. Quand nous avons dû en partir, j'ai peut-être transformé ma frustration en désir de reconquête. Et puis enfin, nous passions beaucoup de vacances en famille à la campagne et, lors de ces ballades d'enfance, devant ces murs clos derrière lesquelles elles se cachent, on imagine forcément ces grandes demeures familiales.
Maison à part : Quel est votre meilleur souvenir ?
Yves Lecoq : Le meilleur souvenir, c'est toujours celui de la découverte du lieu : le choc qui vous engage dans l'aventure. C'est pour "Suzanne" et "Villiers" qu'ils ont été pour moi les plus forts. L'Ardèche, (Maisonseule), cela s'est fait par accident. Quant au dernier château, dans ce bourg des Charentes, j'ai été encore plus troublé par la découverte que Fénelon, lié à ma famille, y avait été.
Yves Lecoq, fou de château, ed Chêne © Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
Le château de Villiers
Maison à part : Quels conseils donneriez-vous à des particuliers qui souhaitent se lancer dans l'acquisition d'un château ?
Yves Lecoq : Il faut toujours conserver un côté rationnel : tout seul on ne peut pas se lancer. Je l'ai fait, mais parce que mon métier me l'a permis. Je sais néanmoins que tout peut s'arrêter. Il faut bien réfléchir à ce que le lieu peut devenir : s'il n'est pas du tout possible de le retaper, il ne faut pas se lancer. Et puis il faut être sûr que l'on est soi-même apte à diriger tout cela. Et de plus, être d'accord avec le fait que même s'il tient debout, on peut encore en avoir pour dix ans. Bien sûr, ne pas oublier de vérifier qu'il ne fait l'objet d'aucune menace, comme la construction d'une autoroute à proximité, etc. D'ailleurs, s'il ne l'est déjà, il faut le faire protéger, de même que son environnement. La protection procure également des avantages fiscaux. Alors, certains trouvent cela contraignant. Je trouve pourtant logique que l'Etat surveille et puis pour ma part, cela m'a toujours plutôt aidé. Je dirai enfin, qu'il faut également aussi un peu de "cécité" lorsqu'on se lance, ne pas voir que le bout de son nez, mais aussi se laisser porter...
Maison à part : Devant l'ampleur des travaux ou des difficultés, n'avez-vous jamais été découragé ?
Yves Lecoq : Par moment on baisse les bras... Mon pire souvenir par exemple est la tempête de 1999 : à Villiers, 1500 chênes ont été perdus, le parc a été décimé. C'est dur aussi pour tous ceux qui y ont travaillé... On venait de le refaire, le gardien notamment y a passé beaucoup de temps. Il faudra compter 10 ans de repousse. Mais quand il y a une catastrophe comme celle-ci, il faut en chercher le point positif, ici on a pu refaire le parc à l'identique des plans d'époque... On est obligé de s'accrocher, de ne jamais baisser les bras.
Maison à part : Vous ouvrez vos châteaux aux visites, maintenant ce livre, vous êtes pourtant un personne public, l'on aurait pu croire que vous préfèreriez rester discret...
Yves Lecoq : C'est venu avec Suzanne : je l'ai partagé avec toute la région. D'abord en l'ouvrant pour un Salon des Antiquaires, à la suite d'une demande. Lorsque j'ai vu l'engouement des gens, cela a été une révélation. Et puis la propriétaire précédente était également une châtelaine à l'ancienne... J'essaie de garder ce même esprit et puis aussi, d'une certaine manière, je l'ai acquis grâce au public, je lui renvoie donc l'ascenseur. Cela a d'ailleurs donné lieu à un excellent souvenir lorsque, à l'occasion d'une ouverture, j'ai revu un ami américain de ma grand-mère, que je n'avais pas croisé depuis 35 ans ! Cela a confirmé le fait que j'avais raison. Et puis les visiteurs ne savent pas forcément qui est le propriétaire du château qu'ils arpentent, cela peut donner lieu à des surprises ! Il arrive qu'il y ait des curieux, mais la plupart sont des passionnés de châteaux.
Maison à part : Une dernière anecdote ?
Yves Lecoq : Après le Salon des Antiquaires, on m'a contacté pour organiser un festival sur trois jours, à Suzanne, un spectacle sur la vie de Madame Rolland, sur les révolutionnaires. Un souvenir étonnant. Avec l'agitation de l'installation, mon chat favori s'était échappé. Le soir de la représentation, qui prenait place devant les façades, la révolutionnaire paraît à la fenêtre et... le chat s'est invité en sautant depuis celle-ci. Un excellent souvenir, un clin d'œil rigolo.
Maison à part : Et maintenant ? Vous partez toujours à la conquête d'autres endroits ?
Yves Lecoq : C'est en cherchant pour ma sœur que j'ai trouvé le dernier. Cela m'a amusé de trouver un truc familial. Je bouge tout le temps. Alors même si je fatigue maintenant, j'essaie de me retenir...
(Propos recueillis par Pauline Polgar)
Pour un aperçu des châteaux d'Yves Lecoq, cliquez sur suivant (photos et citations qui suivent sont pour la plupart tirées du livre).
Yves Lecoq, fou de châteaux
Hédauville - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Yves Lecoq fou de châteaux © ph Roland Beaufre - Ed. Chêne
Première acquisition d'Yves Lecoq. "
Malgré les fuites dans la toiture et le vaste hangar de tôle ornant la cour de la ferme attenante, je me laissai séduire par ce cadre ensoleillé lors de cet été 1975."
Hédauville - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Hédauville, escalier - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Yves Lecoq fou de chateaux © ph. Roland Beaufre - éd. Chêne
"L'antiquaire que je fus, cinq ans avant de devenir saltimbanque, ne songeait qu'à remplir cette maison de meubles et bibelots glanés au cours de mes longues tournées à travers la France."
Hédauville, escalier - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Hédauville, plafond - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Hédauville, plafond - Yves Lecoq fou de chateaux © Ph. Roland Beaufre - Ed. du Chêne
Yves Lecoq utilisent ses talents d'antiquaire, de chineur et de décorateur pour réaménager ses demeures. Il trouvera, par exemple, pour ce château des sols de pierre pour le rez-de-chaussée et des boiseries pour le salon. A chaque acquisition, les travaux sont toujours réalisés dans le respect du patrimoine, de la volonté même d'Yves Lecoq, qui entend le sauvegarder. Lorsqu'ils ne le sont pas déjà, il entreprend d'ailleurs les démarches pour les faire classer.
Hédauville, plafond - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Maisonseule - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Maisonseule - Yves Lecoq fou de châteaux © ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
En Ardèche
Yves Lecoq acquiert Maisonseule après avoir dû abandonner son château de Suzanne, à cause de tracasseries financières. En cause, la non-inscription à l'Inventaire des Monuments Historiques, alors que cela devait être le cas : "
si je me permets de révéler ces détails prosaïques , explique-t-il dans son livre, (...)
c'est que celles-ci furent les seules déterminantes dans l'abandon de Suzanne auquel j'étais très attaché. J'appris à mes dépens que même en ne s'intéressant pas aux comptes et calculs, on ne peut se passer d'eux dans l'accomplissement de ses rêves hors de prix."
Maisonseule - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Maisonseule, intérieur - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Maisonseule, intérieur - Yves Lecoq fou de châteaux © Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
Cette forteresse, acquise quasi en ruines, est d'architecture médiévale. Yves Lecoq engagera de nombreux travaux pour lui redonner son aspect originel.
Maisonseule, intérieur - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Maisonseule, intérieur - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Maisonseule, intérieur - Yves Lecoq fou de châteaux © Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
"J'ai le pouvoir de ressuciter les vieilles pierres usées par le temps, il suffit que je le veuille."
Maisonseule, intérieur - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Villiers-Le-Bâcle
Villiers-Le-Bâcle - Yves Lecoq, fou de château, ed Chêne © Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
Yvelines
Encore un "
rêve achevé" pour Yves Lecoq et, surtout,
la concrétisation" de tous ses rêves. Un énorme coup de foudre qu'il aura mis deux ans à acquérir.
Villiers-Le-Bâcle
Villiers, intérieur - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Villiers, intérieur - Yves Lecoq fou de châteaux © Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
Voici maintenant quinze ans qu'Yves Lecoq a commencé à lui redonner peu à peu vie. Et avec quelle réussite !
Villiers, intérieur - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Villiers, salon - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Villiers, salon - Yves Lecoq fou de châteaux © Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
"Les objets me parlent, je les achète à l'instinct. Je collectionne les verreries, les meubles et les objets usuels de toutes sortes."
Villiers, salon - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Villiers, cuisine - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Villiers, cuisine - Yves Lecoq fou de châteaux © Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
La cuisine de Villiers, à l'ambiance américaine des années 50.
Villiers, cuisine - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Villiers - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Villiers - Yves Lecoq fou de châteaux © Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
"Il n'est pas concevable, pour moi, de ne pas avoir un chantier en cours."
Villiers - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Villiers - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Villiers - Yves Lecoq fou de châteaux © Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
Le château de Villiers est souvent utilisé pour des tournages de film. Les films "
Ridicule" ou "
Chéri" ont par exemple trouvé ici leurs décors.
Villiers - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Chambes - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Chambes - Yves Lecoq fou de châteaux © Yves Lecoq, Fou de châteaux - ph. Roland Beaufre - Ed. Chêne
Charente
"C'est plus fort que moi : devant le danger de l'anéantissement, je me sens un devoir de résistance." Voici la récente et dernière découverte d'Yves Lecoq. Une découverte fortuite, alors qu'il cherche une maison pour sa soeur.
"Chambes pourrait être notre dernière demeure à ma famille et moi." Qui sait ? Reste qu'une passion, une "folie", cela ne se commande pas...
Chambes - Yves Lecoq, "fou de châteaux" : "une vocation"
Les châteaux d'Yves Lecoq à visiter :