La Cité de l'architecture consacre jusqu'au 8 septembre une exposition à l'architecte haut en couleur mais surtout haut en verbe : Rudy Ricciotti. L'occasion de revenir sur le parcours de celui qui est souvent présenté comme le "pirate" de l'architecture. Portrait.
Le Mucem, musée emblématique de la culture méditerranéenne à Marseille, un livre pamphlet et maintenant une exposition à la cité de l'architecture : 2013 est décidément l'année Ricciotti. Si l'homme est réputé pour ses envolées... rhétoriques, il n'en reste pas moins un passionné de son métier mais aussi de l'ensemble de la filière du bâtiment.
Né en Algérie en 1952, il passe son enfance près d'Arles avant de faire une école d'ingénieur à Genève (1974) et d'architecture à Marseille (1980). Attaché à la territorialité et au Sud de la France, il ne quittera plus cette région. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard s'il installe, dès l'obtention de son diplôme, son agence à Bandol (83). Combattant, il affiche avec acharnement et sans concession sa vision de l'architecture. Il prône le process artisanal, l'emploi local et non-délocalisable ainsi que les matériaux et les savoir-faire locaux. Des éléments importants qu'il essaie de traduire dans ses projets. A ce sujet, il clame : "
Lorsque nous dessinons un bâtiment, il est important de savoir quelle est la part de main d'œuvre dans celui-ci". Et d'ajouter : "
La chaîne courte de production participe au raisonnement d'un projet".
Fervent militant d'une architecture travaillée et recherchée, il voue un profond respect et intérêt aux différents intervenants de chantiers : charpentiers, maçons, coffreurs, ingénieurs... sans oublier les ouvriers.
Personnage outrancier, il ne mâche pas ses mots. Qui croise l'architecte pour la première fois, s'en souviendra. Sa voix rauque et cassée participe à ses célèbres diatribes qu'il lance régulièrement à sa famille : l'architecture. Pas vraiment politiquement correct l'architecte !
Provocateur alors ? Sûrement un peu. Jamais violent, peut-être brut comme la matière qu'il affectionne tant : le béton. Que ce soit au Mucem, à Marseille, ou au stade Jean Bouin, les résilles en dentelle de béton finement travaillées habillent ses bâtiments. Une architecture sexy ? En tout cas, une intention affirmée sur certains projets. Il déclare ainsi à propos du stade Jean Bouin : "
Le parti pris architectural préfère la poésie et le corps au diktat du fonctionnalisme et de l'effort. L'asymétrie, l'ondulation et le fruit des façades sont synonymes de mouvement, d'effort qui ne sauraient prendre corps au sein d'une enveloppe figée". Une idée que l'on retrouve aussi dans les ondulations de la verrière flottante du département des Arts de l'Islam du Louvre qu'il a co-signée avec Mario Bellini.
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Un amoureux du béton
Un amoureux du béton - Rudy Ricciotti © CG- batiactu
Le lycée Iter à Manosque ou le musée Jean Cocteau à Menton, se parent également de cette matière si chère à l'architecte. Mais ce choix et cet amour du béton qu'il assume pleinement feront dire à ses détracteurs qu'il alourdit, minéralise trop. Mais l'architecte, d'un revers de la main, balaiera tout ça. Avec conviction, il défend cette matière à laquelle il voue une confiance sans borne. D'ailleurs, il n'hésite pas, dès qu'il en a l'occasion, à la confronter à l'acier.
Dans l'ouvrage "Ricciotti architecte", il confie à Francis Rambert, commissaire de l'exposition à la Cité de l'architecture, que "
le béton encaisse les erreurs, pas l'acier (...) le béton... il peut t'arranger le coup ! Il admet la gestion mathématique de l'erreur, il écoute, il entend, il te parle...". Ajoutant également des joutes verbales piquantes sur le minimalisme et le conformisme moderne notamment du verre et de l'acier, nul doute que celui qui rencontrera Ricciotti pourra être étonné, choqué mais aussi happé, emporté par sa fougue et ses qualités d'orateur.
Avec l'architecte, il se passe toujours quelque chose. Qu'on l'aime ou pas... Difficile de rester indifférent devant celui qui a remporté le grand prix national d'architecture en 2006. Mais aussi devant ses œuvres. Son franc-parler, son allure d'artiste peintre torturé, celui qui est appréhendé parfois comme un "pirate de l'architecture", suscite des avis bien tranchés. Ce qui finalement ne serait pas pour lui déplaire.
Livres : "Ricciotti architecte", coédité par la Cité de l'architecture et le Gac press ; et "L'architecture est un sport de combat" de Rudy Ricciotti/ éditions Textuel;
Un amoureux du béton
Stadium - Vitrolles (1990-1994) - Rudy Ricciotti, architecte à l'état brut
Stadium - Vitrolles (1990-1994) © Serge Démailly
Stadium - Vitrolles (1990-1994) - Rudy Ricciotti, architecte à l'état brut
Pavillon noir - Aix-en-Provence
Pavillon noir - Aix-en-Provence © Philippe Ruault
Le pavillon noir, centre chorégraphique national, Aix-en-Provence (1999-2004)
Pavillon noir - Aix-en-Provence
Villa Navarra - Provence (2002-2007)
Villa Navarra - Provence (2002-2007) © Philippe Ruault
Dans l'arrière-pays varois (83), au milieu des cyprès et de la lavande, se dresse la villa Navarra. La particularité de cette construction ? Son toit en béton fibré ultra-performant, un matériau habituellement utilisé dans l'industrie.
Villa Navarra - Provence (2002-2007)
Musée du Louvre, département des arts de l'Islam
arts de l'islam LOuvre © Philippe Ruault
Le nouveau département du musée du Louvre dédié aux Arts de l'Islam a été inauguré en septembre 2012.
Musée du Louvre, département des arts de l'Islam
Ecole internationale, Iter, Manosque (2007-2010)
Ecole Iter © Lisa Ricciotti
Ecole Iter achevé en 2010.
Ecole internationale, Iter, Manosque (2007-2010)
Musée Cocteau - Menton (2007-2011)
Musée Cocteau © Eric Dulière
Musée Cocteau - Menton (2007-2011)
Pont du diable - Gignac (2005-2008)
Pont du diable - Gignac (2005-2008) © Laurent Bourdereaux - Baloïde
Dans le cadre du projet d'aménagement du site pont du Diable, situé au cœur des gorges de l'Hérault, l'architecte Rudy Ricciotti a imaginé une passerelle moderne en béton fibré.
Pont du diable - Gignac (2005-2008)
Stade Jean Bouin (2007-2013)
Stade Jean Bouin (2007-2013) © Agence Ricciotti
Le Stade Français, conçu par l'architecte Rudy Ricciotti, devrait être livrée cette année. L'innovante résille de béton entourant la future enceinte de Jean-Bouin surprendra les amoureux de l'ovalie. Visite du chantier.
Stade Jean Bouin (2007-2013)
MuCEM, Marseille - Rudy Ricciotti, architecte à l'état brut
Mucem, Marseille © Lisa Ricciotti
Implanté à l'entrée du Vieux-Port à Marseille, le MuCEM imaginé par l'architecte Rudy Ricciotti émerge progressivement afin de pouvoir ouvrir au public début juin.
MuCEM, Marseille - Rudy Ricciotti, architecte à l'état brut
L'exposition Ricciotti architecte en quelques mots...
L'événement propose de découvrir 30 projets de l'architecte. Si les visuels sont fortement présents, des objets comme des moules, des éléments de chantier grandeur nature viennent compléter les projections d'images. Tour à tour, le visiteur pourra découvir le stadium de Vitrolles, la villa Navarra (Provence), les Grands Moulins de Paris, le Mucem de Marseille... En préambule, le public pourra observer les aquarelles d'Yvan Salomone représentant les bâtiments et les chantiers de Rudy Ricciotti. Un film réalisé par Laetitia Masson, baptisé "L'Orchidoclaste", achève le parcours. Exposition : Ricciotti, architecte, à la cité de l'architecture à Paris jusqu'au 8 septembre.