Le projet d'hôtel de l'opérateur immobilier Altarea Cogedim, soutenu par Axa Real Estate, tape dans l'œil des décisionnaires - d'autant plus que Nantes ne proposait pas d'hôtel quatre étoiles. Le Conseil général concède donc un bail à construction de 80 ans à Axa Real Estate, qui inclut une obligation de restaurer l'immeuble. "Le patrimoine ne doit pas être sanctuarisé, il est vivant et évolue avec le temps", soutient Philippe Grovalet. C'est justement à désacraliser le lieu que les architectes ont travaillé. De par son rôle, le palais de justice était un bâtiment imposant, presque effrayant. "Nous avons voulu en faire un lieu ouvert sur la ville, et sur un nouveau quartier en pleine mutation*" explique Christian de Gournay, président du directoire Cogedim. Le palais, vieux de 150 ans, change alors radicalement de style. La suite de l'article et les photos de l'hôtel en pages suivantes. * Le quartier de la place Aristide Briand à Nantes va en effet subir des travaux. L'ancienne caserne de gendarmerie Lafayette doit être transformée en un complexe, le Carré Lafayette, incluant logements haut-de-gamme, logements sociaux, boutiques de luxe, bureaux et centre de balnéothérapie. La prison désaffectée, qui jouxte le palais de justice, attend quant à elle un acheteur.

La façade austère, le manque de lumière, les courettes étroites et l'âge du bâtiment sont autant d'obstacles à la métamorphose du palais de justice. Mais l'agence d'architecture DTACC s'est spécialisée dans ces transformations spectaculaires : "ce qui pourrait sembler être des difficultés sont en fait une simple problématique" explique l'architecte Jacques Cholet. La façade est modifiée, pour apporter plus de lumière dans le cœur du bâtiment. La structure a été renforcée au dessus des colonnes intérieures, mais l'agencement a été conservé.

Mettre l'histoire en valeur

Car le bâtiment renferme surtout des pièces exceptionnelles et une histoire qui mérite d'être mise en valeur. "Quand on a des lieux aussi magiques que la salle des pas perdus ou la cour d'assises, on se doit d'en faire le cœur de l'hôtel" ajoute Jacques Cholet. Après avoir longtemps concentré les inquiétudes des accusés, la salle des pas perdus est devenue un lumineux et accueillant lobby, avec une décoration imaginée par Jean-Philippe Nuel. Le grand escalier extérieur qui y menait n'est plus l'entrée principale. Une autre ouverture a été créée, au niveau de la rue, donc à celui de la ville. La cour d'assises, quant à elle, n'est plus un lieu clos et solennel, mais un restaurant moderne et coloré. Le plafond incrusté a été conservé et rénové, tandis que les boiseries ont été peintes en blanc. L'on note toujours quelques indices qui rappellent le passé du bâtiment, comme les symboles de justice. "L'idée n'était pas d'effacer l'histoire, mais de la mettre en valeur, au contraire" insiste Jacques Cholet. Découvrez les photos de l'hôtel Radisson Blu Nantes en pages suivantes.

Le côté austère de l'imposante salle des pas perdus imposait le respect. Une impression qui correspondait bien à celle de la Justice, mais qui ne convient plus à un hôtel.

Une entrée donnant directement dans la rue est percée au milieu de la salle des pas perdus. La structure intérieure est conservée, mais les parties au dessus des colonnes sont rénovées (ventilation, structure).

Éclairée et modernisée, la salle des pas perdus est devenue le lobby de l'hôtel. Les couleurs du mobilier (rouge, rose, noir) se retrouvent sur les portes qui donnent sur les chambres et les suites.

A l'extérieur, l'entrée ne se fait plus par les imposantes marches du palais de justice. Jugées trop austères, elles ont été remplacées par une entrée en verre moderne.

Un escalier intérieur mène alors à la salle de pas perdus. Cette entrée permet également une meilleure accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, puisqu'un ascenseur a pu être installé.

Les anciennes entrées vitrées apportent de la lumière dans ce qui est devenu le lobby.

Un bar moderne et coloré a été installé au fond de la salle des pas perdus.

A l'étage, les coursives étaient un lieu réservé aux magistrats. C'est aujourd'hui un lieu de passage et un accès aux chambres.

Au niveau des coursives, le fronton a été extrudé sur la façade avant du palais de justice, derrière le tympan. Cette structure apporte une très grande luminosité dans les coursives, et offre un point de vue imprenable sur la ville de Nantes.

Les 140 chambres, au design très géométrique, ont été imaginées par l'agence d'architecture Nuel. Dans un hôtel traditionnel, l'on trouve en général 4 ou 5 modèles standards d'aménagements, répétés chacun dans plusieurs chambres. Mais ici, la structure du palais de justice était telle qu'il a été impossible de créer seulement 4 modèles : il y en a finalement plus de 60 ! L'architecte Jean-Philippe Nuel raconte qu'il s'est inspiré de la ville de Nantes pour décorer chaque chambre d'une fresque.

Le mobilier des chambres a été dessiné par Jean-Philippe Nuel et réalisé sur-mesure pour l'hôtel.

L'hôtel renferme également un espace culturel, qui accueillera des expositions régulièrement. En attendant, plusieurs sculptures représentant des animaux trônent dans les couloirs de l'hôtel.

L'ancienne cour d'assises est, aux dires de l'architecte Jacques Cholet, l'une des perles du palais de justice. Là encore, l'on retrouve l'austérité des salles closes de justice.

Le plafond exceptionnel de la salle d'assises a été conservé et rénové avec beaucoup de soin. Il est ainsi mis en valeur dans le nouveau restaurant.

Si les boiseries ont été repeintes en blanc sur tous les murs du restaurant, le plafond est resté dans son état naturel. Sur les murs du restaurant, l'on retrouve quelques souvenirs du passé de la pièce, comme des codes ouverts. Le mobilier, lui, reprend les couleurs du lobby : rose, rouge, noir.

L'entrée du restaurant, qui a été baptisé "L'assise", garde les traces de l'ancienne destination de la pièce...

Les deux cours qui jouxtent l'actuel restaurant ont été agrandies, en déplaçant les bâtiments, afin de créer des espaces où il sera possible de dîner.