Marseille vient de s'achever un grand projet de réhabilitation qui a fait de l'Hôtel Dieu, un ancien hôpital datant du 18e siècle, un nouvel hôtel de luxe Intercontinental. Visite guidée de cette renaissance avec Anthony Béchu (agence AAAB), Emmanuel Dujardin (Tangram) et Jean-Philippe Nuel (Ocre Bleu), les architectes responsables de cette transformation d'envergure.
Construit à partir du 18e siècle sur des plans de Jacques Mansart (arrière-arrière-petit neveu de l'illustre architecte), l'Hôtel-Dieu de Marseille était un imposant édifice planté en plein cœur du quartier du Panier. Fermé depuis 2006, ce bâtiment classique se délabrait. La municipalité, qui en est propriétaire, a donc décidé de lancer un vaste programme d'urbanisme visant à la fois à réhabiliter le site et à rouvrir cette "hétérotopie" - un bâtiment fermé, tourné vers ses cours intérieures plutôt que vers la ville comme un hospice, une caserne ou un cloître - aux Marseillais. Suite à une large consultation, c'est le projet Intercontinental qui est sélectionné.
Porté par Altarea Cogedim à la maîtrise d'ouvrage, il est défini par toute une équipe d'architectes composée de l'Agence Anthony Béchu, de Tangram Architectes (ex-Amedeo) et de l'architecte d'intérieur Jean-Philippe Nuel.
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Le challenge architectural a été de raccorder l'Hôtel-Dieu à la ville", explique Anthony Béchu. Les architectes ont souhaité mettre en valeur le monument tout en créant des espaces permettant de modifier totalement l'usage du bâti et en introduisant de la modernité au cœur d'un site historique. Un travail complexe qui a nécessité un travail étroit avec la mairie, les monuments historiques et la Direction régionale des affaires culturelles, et une bonne coordination entre les différents responsables : l'agence Anthony Béchu a mené à bien la rénovation des parties historiques (grands escaliers, terrasse, façades, toiture, galeries et pavillons).
De concert avec Tangram, elles ont dirigé le suivi architectural des zones intérieures non classées. Et c'est Ocre Bleu (Jean-Philippe Nuel) et Volume ABC qui ont assuré la décoration intérieure de l'hôtel (chambres, suites, lobby, bar, brasserie,
spa), s'insérant dans la conception architecturale.
Le bâtiment historique, construit à partir de 1753, avait déjà été agrandi et remanié par Félix Blanchet en 1860. Au lancement du projet de réhabilitation, les architectes ont tout d'abord souhaité retisser le lien rompu avec la ville, l'hôpital étant un territoire fermé. "
Nous avons donc tout d'abord restitué la rue de la Roquette", poursuit Anthony Béchu, une rue en forte pente qui avait été supprimée. Un ensemble de 85 logements locatifs vient également s'installer à l'angle arrière du bâtiment principal. Les deux grands escaliers de l'axe dessiné par Franck Hammoutène lors de l'extension de la mairie, toute proche, sont également prolongés par un escalier jardiné donnant une voie d'accès directe entre le Vieux Port et le quartier du Panier. Restitué, l'axe central du bâtiment ancien devient la voie d'accès à l'hôtel, libérant le niveau de la terrasse, une vaste esplanade au niveau inférieur accueille le lobby et des espaces partagés.
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La création d'un espace culturel était une demande de la ville", explique Emmanuel Dujardin de l'agence Tangram. "
Au niveau des fondations du bâtiment, dans une salle où nous avons gardé les voutes et les murs de moellons non taillés, nous avons conservé cet espace ouvert au public. Il servira d'espace d'exposition pour le statuaire et les mosaïques qui ont été trouvés ici lors des fouilles préventives et du chantier. Il s'agira de la mémoire de l'Hôtel-Dieu".
Pour les façades historiques à préserver, les architectes ont mis en place une méthode de restauration, avec des phases alternatives d'étaiement de toutes les arcades. L'optimisation de la conception énergétique et la prise en compte des exigences de qualité environnementale ont permis l'obtention d'une certification NF Bâtiments
Tertiaire démarche HQE.
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Un parti pris de blanc et noir
Un parti pris de blanc et noir - Hôtel-Dieu Marseille © Philippe Conti
L'espace du bâtiment lui-même, resté identique, a été totalement réorganisé pour accueillir le fonctionnement d'un grand hôtel de luxe de 172 chambres et 22 suites, dont 33 disposent de terrasses privatives donnant toutes sur le Vieux Port et sur la basilique Notre Dame de la Garde.
La réception de l'hôtel, par exemple, prend place sous une petite verrière implantée dans l'axe historique du bâtiment, amenant de la lumière zénithale et offrant un point de vue en contre-plongée sur la façade. Les circulations verticales mettent en jeu deux escaliers monumentaux symétriques, datant des 18e et 19e siècles, et deux ascenseurs qui assurent l'accès au premier étage et distribuent les chambres au rythme des grandes galeries.
L'aile principale abrite également un bar et une brasserie donnant sur la vaste terrasse, tandis que l'aile gauche regroupe une piscine couverte, un spa et un espace de fitness et que l'aile droite accueille un restaurant gastronomique.
L'architecture des chambres est également rythmée par l'enchaînement des arcades des grandes galeries. Ocre Bleu et Volume ABC ont élaboré la décoration intérieure de l'hôtel : "
Nous avons opté pour un parti pris de blanc et de noir, pour rappeler l'architecture typique de Marseille", explique Jean-Philippe Nuel qui dit s'être inspiré d'édifices comme la cathédrale Nouvelle Major (Sainte-Marie-Majeure) ou la Bonne Mère. Les travaux qui se sont achevés au mois d'avril auront finalement duré trois ans, mobilisant 370 ouvriers et compagnons en période de pointe. Le projet aura permis de préserver la qualité architecturale du bâtiment, de profiter de la beauté de l'emplacement et de créer un hôtel haut de gamme aux objectifs ambitieux.
Un parti pris de blanc et noir
Plan masse - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Plan masse - Hôtel-Dieu Marseille © Atelier architecture A. Béchu
Le plan initial de Mansart datant du 18e siècle avait été repris et adapté par Blanchet en 1860 afin de faire de l'Hôtel-Dieu un hôpital plus fonctionnel. On distingue sur le plan l'axe de symétrie du bâtiment, la rue de la Roquette, rouverte qui le contourne par la droite, et la zone réservée aux 85 logements situé sur l'arrière.
Plan masse - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Axe de Mansart
Axe de Mansart - Hôtel-Dieu Marseille © Grégoire Noble
L'escalier situé dans l'axe du bâtiment historique.
Axe de Mansart
Terrasse - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Terrasse - Hôtel-Dieu Marseille © Grégoire Noble
La terrasse où donnent le bar lounge, la brasserie et le restaurant gastronomique.
Terrasse - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Pierres différentes - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Pierres différentes - Hôtel-Dieu Marseille © Grégoire Noble
En observant minutieusement la façade, on peut observer sur la partie droite la partie la plus ancienne du bâtiment, en pierre de La Corogne, plus rose, utilisée par Mansart au 18e siècle, et, à gauche, la partie réalisée à l'identique par Blanchet un siècle plus tard avec de la pierre de Fontvieille, plus jaune.
Pierres différentes - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Vue imprenable - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Vue imprenable - Hôtel-Dieu Marseille © Grégoire Noble
Les chambres et suites bénéficient d'une vue imprenable sur le Vieux port, en contrebas du quartier du Panier, et sur la Bonne Mère, située en face.
Vue imprenable - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Escalier monumental - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Escalier monumental - Hôtel-Dieu Marseille © Grégoire Noble
Un des deux escaliers monumentaux qui dessert les galleries ouvertes.
Escalier monumental - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Autre escalier - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Autre escalier - Hôtel-Dieu Marseille © Grégoire Noble
Son symétrique, situé dans l'autre aile.
Autre escalier - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Cour intérieure - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Cour intérieure - Hôtel-Dieu Marseille © Grégoire Noble
Sur l'arrière du bâtiment on peut appercevoir le programme de 85 logements locatifs demandé par la ville de Marseille.
Cour intérieure - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Piscine couverte - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Piscine couverte - Hôtel-Dieu Marseille © Grégoire Noble
La piscine, initialement prévue à l'extérieur en terrasse a finalement été placée en intérieur, de manière moins ostentatoire. Là encore, le blanc et le noir dominent.
Piscine couverte - L'Hôtel-Dieu de Marseille, de l'hôpital à l'hôtel de luxe
Modernité et classicisme
Modernité et classicisme - Hôtel-Dieu Marseille © Grégoire Noble
Les aménagement intérieurs marient subtilement la modernité et le style classique de l'édifice.
Modernité et classicisme
Bienvenue dans la suite présidentielle
Bienvenue dans la suite présidentielle - Hôtel-Dieu Marseille © Grégoire Noble
Une partie de la suite présidentielle de 165 m², avec vestibule, salon privatif, salle de réunion, chambre double, toilettes pour les invités et zone de desserte munie d'un accès de service discret pour le personnel.
Bienvenue dans la suite présidentielle