Et si les algues migraient des fonds marins vers le milieu urbain ? L'idée a germé chez Ennesys, start up française, qui a imaginé un procédé visant à recouvrir des immeubles de photo-bioréacteurs afin d'améliorer leurs performances énergétiques.
Les pratiques de construction évoluent et les savoir-faire en matière de récupération d'énergie aussi. L'objectif est de minimiser l'empreinte écologique des bâtiments. Selon la RT2020, tous les bâtiments publics construits en France après 2020 devront se conformer à de nouvelles normes d'
efficacité énergétique. Afin de répondre à ce défi environnemental, Ennesys, une
start-up francilienne, a développé une technologie qui permet à la fois de traiter des eaux usées tout en produisant de l'hydrogène et de la biomasse, tout ceci directement sur des bâtiments. Comment ? En utilisant du phytoplancton (algues microscopiques, voir illustration) dans des photo-bioréacteurs installés sur la façade des immeubles. Une solution qui présente de nombreux avantages.
schéma Ennesys © Ennesys
Le photo-bioréacteur est un réseau en circuit fermé où sont mélangées eaux sales et micro-algues. Ces dernières croissent et se multiplient grâce à la photosynthèse tout en dégradant les déchets contenus dans le liquide. Les panneaux, de 4 centimètres d'épaisseur, agiraient en outre comme de véritables boucliers thermiques en façade ou en toiture, la chaleur solaire étant récupérée en un point précis du circuit. Et l'eau recueillie, séparée des algues, "
serait d'une qualité équivalente à celle d'une eau de pluie, la composition étant toutefois différente", explique Jean-Louis Kindler, directeur scientifique d'Ennesys. Elle pourrait donc servir à alimenter les chasses d'eau ou les réservoirs pour le lavage des sols et l'arrosage des espaces verts, réduisant des 4/5es la consommation d'un bâtiment
tertiaire. "
La mise en place d'un réseau spécifique pour cette eau récupérée sera nécessaire mais comme nous nous adressons à des promoteurs qui construisent des bâtiments neufs, il est possible d'intégrer cette spécificité au moment de la conception".
Mais ce n'est pas tout. Les algues présentent une valeur énergétique comparable à celle du charbon. En fixant du CO2, les micro-organismes fournissent une fraction lipidique et une fraction sèche : 10.000 m² de panneaux permettraient la production de 150 tonnes d'algues par an, soit 70 tonnes de biocarburant - utilisable dans un générateur - et des résidus secs qui pourront à leur tour être brûlés afin de fournir de la chaleur ou de l'électricité. Selon un modèle théorique d'Ennesys, un bâtiment de 84.000 m² (un grand complexe ou 600 logements) équipé du système pourrait générer 200 kWh/m²/an, une source d'énergie loin d'être négligeable.
Afin de faire la démonstration de l'efficacité de sa technologie, Ennesys devrait installer un système sur les murs de ses propres locaux, à Nanterre, d'ici à septembre. "
Nous avons été activement soutenus par l'Epadesa !", souligne Jean-Louis Kindler. Les machines permettant de séparer eau clarifiée et algues ont d'ailleurs été livrées par son partenaire et équipementier américain, OriginOil, qui développe les composants dédiés à la culture et la récolte des micro-algues. La société française, qui se positionne en développeur de systèmes complets, aurait quatre contrats en vue, dont un avec "un grand promoteur" pour un gros bâtiment tertiaire dans les Hauts-de-Seine : un marché potentiel de 3 millions d'euros. Une levée de fonds de 5 M€ auprès d'investisseurs serait également espérée d'ici à 2013, afin de passer à un stade industriel et de développer la société à l'international. Avec la technologie de photo-bioréacteurs en façade, l'expression "bâtiments verts" prendra alors tout son sens.