Encadrement des loyers, garantie universelle, relations locataires-propriétaires, coûts... Retour en détails sur les principales mesures concernant la location, mises en place par la loi Alur, définitivement adoptée le 20 février.
Ce 20 février 2014 a marqué la fin d'une étape pour la ministre du Logement, dont la loi Alur vient d'être définitivement adoptée par le Parlement. Après neuf mois de travaux parlementaires, "
L'engagement a été tenu", s'est félicité Cécile Duflot, lors d'un point presse le jour du vote. Reconnaissant aussi que l'adoption avait été faite dans les délais et le calendrier annoncés.
Désormais, place à la mise en œuvre de cette loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, qui devrait être "
effective dès 2014", a précisé la ministre. Avant d'ajouter que les premiers décrets d'application seront publiés avant l'été, notamment en ce qui concerne les honoraires des professionnels de l'immobilier. Les autres mesures entreront en application dès septembre. Quant à la Garantie universelle des loyers - qui rappelons-le sera universelle, gratuite, automatique puisque figurant sur le bail type, et se substituera à la caution - elle entrera, comme prévu en vigueur, au 1er janvier 2016.
Pour la ministre, cela ne s'arrête pas là : "
Notre action va se poursuivre bien entendu, a expliqué Cécile Duflot,
et s'articulera autour de trois objectifs : 500.000 logements ; Plan de lutte contre la précarité et l'exclusion sociale ; transition écologique, avec le Plan de rénovation thermique".
Concernant "Objectif 500.000", "
une nouvelle phase d'accélération" va se produire très prochainement, puisque, ce vendredi 21 février, le groupe de travail formé des principaux acteurs de la construction a rendu ses propositions, notamment pour la simplification des normes. Désormais, charge à la ministre de compiler l'ensemble des propositions pour un rapport définitif qui sera rendu public courant mars. "
Nous allons franchir une étape que l'on ne croyait pas pouvoir franchir", laissait entendre la ministre, sans vouloir en dire davantage. Excepté que la traduction concrète de ce travail sera très rapide, avec la publication d'une série de décrets et d'arrêtés à venir.
Enfin, dans la droite ligne d'une baisse des coûts de construction, chère à la ministre et aux professionnels du bâtiment, des annonces sont également attendues sur les logements intermédiaires*, dont l'ordonnance favorisant leur développement a été adoptée en Conseil des ministres mercredi 19 février.
Retrouvez en pages suivantes, les principales mesures mises en place par la loi Alur concernant la location.
Prochainement seront détaillés dans Maison à part, les autres mesures mises en place par la loi Alur, notamment pour la copropriété.
*En location ou en accession, les logements intermédiaires sont destinés à des foyers ayant des ressources modestes. C'est d'ailleurs pourquoi leur loyer ou leur prix est maîtrisé. L'idée de ces habitations est de combler le vide laissé entre les logements du parc social et celui du privé.
La Loi contestée devant le Conseil Constitutionnel
Les parlementaires UMP ont saisi, lundi 24 février, le Conseil constitutionnel sur plusieurs mesures phare de la loi. L'opposition vise ainsi en premier lieu, l'
encadrement des loyers dans les zones tendues. Les sénateurs UMP estiment dans leur communiqué que cette mesure, entraîne
"une limitation des conditions d'exercice du droit de propriété" qui n'est ni proportionnée ni
"conforme à l'intérêt général".
"Rupture d'égalité entre propriétaire et locataire"
Les députés jugent qu'il y a eu
"une absence de clarté et de sincérité du débat" lors de l'examen de l'article qui instaure une garantie universelle des loyers (GUL) et a été totalement réécrit lors des navettes entre les deux assemblées.
Ils estiment plus largement que l'article 1er de la loi,
"crée une rupture d'égalité entre propriétaire et locataire", au profit de ce dernier, et porte atteinte à "
la liberté contractuelle".
Les parlementaires contestent enfin plusieurs autres points du texte, comme "
la mise en place d'un régime d'autorisation préalable de changement d'usage à la location de meublé ou encore le fait que les marchands de listes ne puissent proposer que des logements dont ils ont l'exclusivité." La décision du Conseil constitutionnel est désormais attendue dans les prochaines semaines. Une ultime étape pour le texte, que le Gouvernement souhaite effectif dès cette année.
Encadrement des loyers
L'encadrement des loyers, après avoir été défini par décret trouve sa place dans la loi Alur.
Dans les zones "tendues", il a été désormais voté que les préfets fixeront chaque année par décret un loyer médian de référence majoré de 20%, au-delà duquel le propriétaire ne pourra pas aller, mais aussi un loyer plancher (inférieur de 30% au loyer médian) en deçà duquel il pourra demander une hausse.
Un
"complément de loyer exceptionnel" pourra s'ajouter au loyer de base pour des logements particulièrement bien situés ou confortables, mais le locataire pourra le contester auprès de la commission départementale de conciliation.
Les zones dites "tendues" représentent 28 agglomérations de plus de 50.000 habitants, "
où il existe un déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements (et qui sont à ce titre soumises à la taxe sur les logements vacants)" : Ajaccio, Annecy, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch - Arcachon, Lille, Lyon, Marseille - Aix-en-Provence, Meaux, Menton - Monaco, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon, Toulouse. Un décret fixera la liste des communes comprises dans ces zones.
Le dispositif entrera en vigueur progressivement, précise le Ministère, "
à partir de la promulgation de la loi Alur et au fur et à mesure que les agglomérations concernées seront dotées d'un observatoire des loyers". Et d'ajouter qu'il pourrait être effectif dans l'agglomération parisienne ainsi que dans quelques autres agglomérations dès l'automne 2014.
Encadrement des loyers
Garantie Universelle des Loyers (GUL)
"La garantie universelle est un dispositif applicable à tous les logements du parc privé, en location nue ou meublée, à titre de résidence principale, ce qui représente plus de 6 millions de baux", précise le Ministère.
Gratuite et publique, la GUL couvrira finalement les loyers à hauteur d'un loyer médian de référence ("garantie socle"), fixé localement par les préfets, et calculé grâce aux observatoires locaux mis en place. Si le loyer choisi par le propriétaire dépasse ce loyer médian, il devra donc faire appel à une assurance complémentaire pour couvrir entièrement les impayés.
Dans le cas où le locataire est étudiant, apprenti, salarié titulaire d'un contrat autre qu'un CDI ou demandeur d'emploi, ce plafond sera revu à la hausse. Il y aura aussi une franchise d'un mois
"afin de signaler au plus tôt les impayés", a déclaré la ministre, et la durée d'indemnisation sera de l'ordre de 18 mois.
Enfin, une agence d'État, fondée sur un partenariat public-privé et composée de 20 à 40 personnes, s'appuiera sur un réseau d'opérateurs agréés pour vérifier le respect des conditions exigées pour bénéficier de la GUL, s'assurer du versement des allocations ou encore accompagner le locataire dans la recherche d'un autre logement.
Coût estimé selon le ministère : 420 millions d'euros en année pleine, financés par des économies sur des dépenses actuelles de l'État, des organismes HLM et des collectivités territoriales.
"A compter du 1er janvier 2016, tous les baux privés qui seront signés pourront automatiquement être garantis par la Gul. A partir de cette date, il sera également possible de bénéficier de la garantie au moment du renouvellement du bail."
A noter, la création de commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, alertées systématiquement sur des situations d'expulsion.
Garantie Universelle des Loyers (GUL)
Bail, préavis et colocation
- Limitation des justificatifs exigibles d'un locataire :
A l'image de ce qui se fait dans le parc social, la loi Alur crée une liste exhaustive des pièces exigibles. Cette liste sera définie par décret. Tout bailleur contrevenant, pourra se voir infliger une amende administrative, jusqu'à 3.000€ pour une personne physique, 15.000€ pour une personne morale.
- Création d'un formulaire type pour le bail et encadrement de l'état des lieux
Bailleur et locataire devront établir un bail conforme à un contrat de location type, défini par décret. Parmi les nouvelles mentions obligatoires prévues : le nom du locataire ; les équipements ; le montant et la description des travaux effectués depuis la fin du dernier contrat ou du dernier renouvellement ; le montant du loyer de référence dans la zone où est situé le logement ; le montant du dernier loyer acquitté par le dernier locataire. A partir du 1er janvier 2016, la Gul sera proposé par défaut dans le contrat et s'il y renonce, le bailleur devra le spécifier expressément.
De la même manière, les états des lieux d'entrée et sortie verront des modalités types d'élaboration définies par décret.
Le délai de préavis minimum imposé au locataire qui souhaite quitter son logement est réduit à un mois en zone tendue (ailleurs, l'application du préavis réduit devra obligatoirement s'accompagner d'une justification par le locataire). Ce délai de préavis réduit à un mois s'applique désormais à tout locataire qui s'est vu attribuer un logement social, et aussi aux bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH).
En cas de congé-reprise, le bailleur doit spécifier la nature du lien qui le lie au bénéficiaire de la reprise. En cas de congé pour vente ou congé-reprise frauduleux, le bailleur s'exposera à une amende comprise entre 3 000 et 20 000 € pour une personne physique, et jusqu'à 40 000 € pour une personne morale. Si contestation du congé par le locataire il y a, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité et le caractère sérieux du motif du congé. En cas de motif non valable, le juge peut l'invalider et le locataire demeurer dans le logement.
Pour donner un "coup de pouce" à la colocation, un bail spécial est créé. Les règles de cautionnement et de solidarité sont aménagées pour limiter les cautions tout en préservant les intérêts du bailleur. Par ailleurs, la clause de solidarité en cas de colocation est limitée : le colocataire sortant est ainsi libéré de cette clause s'il est remplacé, avec l'accord de son bailleur, par un autre colocataire. Le calcul des charges et les modalités d'assurance du logement sont également simplifiés et adaptés au cas de la colocation.
Bail, préavis et colocation
Rééquilibrer les coûts entre le locataire et le propriétaire
La Loi prévoit un rééquilibrage de la répartition des honoraires de location entre le locataire et le propriétaire selon le principe que "
les frais versés par chaque partie doivent correspondre au juste prix de la prestation rendue à chacun".
Ainsi, la mise en location du bien - dits frais d'agence - est à la charge totale du propriétaire, à l'exception de quatre prestations qui présentent une utilité pour le bailleur comme pour le locataire : la réalisation de l'état des lieux, la rédaction du bail, l'organisation de la visite, la constitution du dossier du locataire.
D'autres prestations sont également abordées par la loi. Ainsi :
- Le
délai maximal de remise du dépôt de garantie par le bailleur au locataire sera ramené de deux mois à un mois lorsque l'état des lieux de sortie est conforme à l'état des lieux d'entrée ;
- La
rétention abusive du dépôt de garantie par le bailleur (au-delà du délai légal) sera sanctionnée par le versement au locataire d'une pénalité par mois de retard équivalente à 10% du dépôt (cette pénalité sera due dès le premier jour suivant la fin du délai légal) ;
- Une
grille de vétusté sera définie pour mieux calculer les réparations locatives ;
- Le locataire pourra obtenir une
diminution du montant de son loyer quand la surface habitable réelle du logement qu'il loue s'avère inférieure à celle indiquée dans le contrat de location ;
-
La pratique de régularisation tardive des charges sera limitée, grâce à la création d'un délai de prescription de 3 ans, les actions en révision de loyer étant prescrites au terme d'un délai d'un an ;
- Le locataire pourra
étaler sur douze mois le paiement d'arriérés de charges, si le bailleur procède à une régularisation des charges plus d'un an après leur exigibilité.
Rééquilibrer les coûts entre le locataire et le propriétaire
Location en meublé : des locataires mieux protégés
Conserver à la réglementation une certaine souplesse - qui fait le succès de ce type de bail - tout en apportant une meilleure protection aux locataires, a été l'objectif de la loi Alur sur ce point.
"Sont donc désormais appliquées aux meublés les mêmes obligations concernant l'état des lieux, le dossier de diagnostic technique, les clauses réputées non écrites, la rémunération des intermédiaires, les obligations des parties, les règles de prescription ou encore les modalités du congé. Un inventaire et un état détaillé du mobilier du logement meublé doivent être réalisés pour la signature du bail, selon les mêmes modalités que l'état des lieux. Le dépôt de garantie applicable aux locaux meublés est limité à un montant correspondant à deux mois de loyer, afin de tenir compte de la valeur des meubles et des équipements."
Le
durée du bail (établi conformément à un bail type) est d'au moins un an, réduit à neuf mois pour les étudiants. La reconduite tacite n'est possible que dans le cas où le bail dure au moins un an. Quant à la résiliation, elle est possible à tout moment par le locataire, sous condition de préavis d'un mois.
L'
encadrement des loyers s'applique également de manière adaptée pour ce type de bail. Le préfet de département applique ce dispositif d'encadrement des loyers aux meublés situés dans une zone concernée, en majorant les valeurs de référence contenues dans l'arrêté.
Enfin, un
statut de la résidence universitaire, doté de règles adaptées au fonctionnement spécifique de ce type de logement et aux besoins des étudiants est créé.
Location en meublé : des locataires mieux protégés
Encadrement accru des locations de meublés touristiques
Les meublés touristiques sont définis comme des locaux meublés loués de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile. Les mesures prévues par la loi Alur sont rendues obligatoires, sauf lorsqu'il s'agit de la résidence principale du loueur (c'est-à-dire le logement qu'il l'occupe au moins huit mois par an) : dans ce cas, aucune démarche spécifique n'est requise. La location en tant que meublé touristique sera soumise notamment à une autorisation de changement d'usage, si une commune n'a pas pris de disposition spécifique, à obtenir par le bailleur auprès de la municipalité (ou de l'EPCI, le cas échéant).
Toutes ces dispositions s'appliquent dans les communes de plus de 200.000 habitants et dans les communes des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, ainsi que dans les communes "tendues" sur décision du conseil municipal (ou de l'EPCI compétent en matière d'urbanisme), ainsi que dans les communes dites "tendues" (fixées par décret voir la GUL).
Encadrement accru des locations de meublés touristiques
Encadrement des professionnels de l'immobilier
Marquées par de nombreuses affaires d'abus, souvent pointées du doigt, les professions immobilières seront désormais plus encadrées.
La Loi prévoit notamment :
- La
création d'un conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, qui aura la responsabilité de représenter la profession et de veiller à la moralité et à la compétence des professionnels ;
- La
création d'une commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières, qui sera chargée de veiller au respect des règles et des principes déontologiques au sein de ces activités et, le cas échéant, de sanctionner les agissements contraires à la réglementation ou à la déontologie. A noter que cette commission pourra être saisie par l'intermédiaire des associations de consommateurs.
- L'obligation d'une
formation continue pour les professionnels.
-
Les marchands de listes ne devront proposer que des logements dont ils ont l'exclusivité. Et il sera maintenant interdit de faire figurer sur une liste une annonce par ailleurs publiée sur internet.
-
L'encadrement accru des ventes à la découpe, avec notamment une protection des locataires âgés.
Encadrement des professionnels de l'immobilier