Copropriété : ce qui change avec la loi Alur

    Publié le 26 février 2014 par P.P.
    L'adoption de la loi Alur le 20 février dernier acte de nombreux changements dans la vie des copropriétés. Elle entend permettre une plus grande transparence et éviter les abus dans les relations avec les syndics, et apporter également des solutions pour prévenir et prendre en charge les copropriétés dégradées. Tour d'horizon.
    Après de nombreuses discussions, faites d'avancées et de "reculades", comme les baptise l'Association des responsables de copropriétés (ARC), le vote définitif de la loi Alur est intervenu le 20 février dernier, apportant son lot de mesures sur les copropriétés.
    Sur ce volet, le texte s'oriente principalement sur deux axes : les relations entre copropriétaires et syndics, avec notamment une réforme de la loi du 10 juillet 1965, et la prévention et la prise en charge des copropriétés dégradées.

    Contrats de syndics : prévenir les abus

    Suite aux multiples dénonciations, par les associations de consommateurs, des abus exercés par les syndics, notamment sur les frais imputables à la copropriété, un premier arrêté dit Novelli, avait été pris en 2010 afin d'établir plus concrètement la liste des charges réputées "courantes". Non seulement cela n'avait pas suffi à imposer plus de transparence aux activités des syndics, mais cela n'avait pas non plus apaisé les relations entre ces derniers et les copropriétaires.
    La loi Alur prévoit désormais un contrat type où les prestations particulières sont inclues, et l'instauration d'un compte séparé obligatoire pour les copropriétés supérieures à 15 lots.
    Sur le volet prévention, la volonté est au maximum d'anticiper la dégradation des conditions de la copropriété.
    Découvrez en pages suivantes, les principales mesures établies par la loi Alur ainsi que les réactions des copropriétaires.
    Retrouvez notre article sur les changements prévus par la loi Alur sur le volet Location
    Copropriété : ce qui change avec la loi Alur

    Un contrat-type incluant les prestations particulières

    Jusqu'alors, la rémunération des syndics se faisait par deux biais : le forfait annuel global, dont le coût est fixe, et les frais particuliers, facturés en fonction de l'utilisation, tels les frais de photocopie, etc.
    La loi Alur impose aujourd'hui une liste de frais particuliers, déterminée par décret, afin d'endiguer l'accroissement des frais liés aux prestations particulières et donc, éviter les abus du type facturation à outrance.
    Soit un "contrat-type" complet incluant toutes les tâches de gestion courante ou prévisibles, à l'exception de ces tâches particulières incluses dans la liste évoquées ci-dessus. Les prestations courantes ne pourront donc plus faire l'objet d'une facturation supplémentaire en dehors du forfait annuel.
    Un contrat-type incluant les prestations particulières

    Instauration d'un compte séparé obligatoire

    La possibilité de dérogation à l'obligation de l'instauration du compte séparé est supprimée, sauf pour les copropriétés de moins de 15 lots principaux et après un vote de l'assemblée générale des copropriétaires.
    Les syndics ont désormais l'interdiction de proposer des honoraires différenciés selon que l'assemblée générale fait le choix d'un compte séparé ou non.
    En cas de dérogation de compte séparé décidée en assemblée générale, le compte unique doit faire apparaître dans les écritures de la banque un sous-compte, individualisant au niveau comptable les versements afférents au syndicat des copropriétaires et le syndic a obligation de transmettre au président du conseil syndical une copie des relevés.
    NB : la suppression de la dérogation au compte séparé entrera en vigueur dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la loi et s'appliquera à partir de la date de renouvellement des mandats de syndics en cours.
    Instauration d'un compte séparé obligatoire

    Autres mesures relations syndics/copropriétaires

    - Dématérialisation des communications entre syndics et copropriétaires : certains actes pourront être dématérialisées, par exemple les convocations aux assemblées générales pourront être envoyées par voie électronique. La loi propose également la mise en place d'un extranet copropriété qui permet d'accéder à distance aux documents de la copropriété ;
    - Amélioration de la gouvernance d'une copropriété et assouplissement des règles de décision de l'assemblée générale (cf. mesures pour améliorer la prévention des difficultés pour les copropriétés) ;
    - Instauration d'un troisième dispositif de gestion dit de "co-gestion" : ce dispositif, précise l'ARC, est "situé entre la gestion professionnelle et la gestion bénévole" et introduit "la possibilité d'une délégation de pouvoir élargie au conseil syndical dans les copropriétés de moins de 16 lots principaux" ;
    - Instauration d'une sanction automatique applicable aux syndics faisant travailler sans autorisation spéciale de l'assemblée générale des sociétés dans lesquelles ils ont des intérêts ;
    - Instauration d'une obligation de mise en concurrence des syndics, y compris du premier syndic dans les nouvelles copropriétés.
    Autres mesures relations syndics/copropriétaires

    Création d'un registre d'immatriculation

    Ce registre comprendra : l'identification du syndicat, les caractéristiques financières de la copropriété, les procédures administratives ou judiciaires dont le syndic fait l'objet. Le contrôle d'immatriculation aura lieu notamment lors de la vente de lots ou lors d'une demande de subvention aux pouvoirs publics.
    La loi prévoit la mise en place de ce registre avant la fin 2016 avec une immatriculation étalée dans le temps : les syndicats de copropriétaires de plus de 200 lots devront être prêts en premier lieu avant fin 2016 ; puis ceux comportant plus de 52 lots avant fin 2017 ; et enfin, avant fin 2018 pour les autres.
    En cas de non immatriculation par le syndic, le ministère rappelle que la loi prévoit que :
    - un ou plusieurs copropriétaires peuvent mettre en demeure le syndic par lettre recommandée ;
    - un copropriétaire ou toute personne intéressée signale au teneur du registre la non-immatriculation, lequel met le syndic en demeure et applique une amende d'astreinte au bout d'un mois ;
    - au cours d'une vente, un notaire procède d'office à l'immatriculation de façon à ne pas pénaliser le vendeur et informe le teneur du registre qui applique une amende après mise en demeure d'un mois ;
    - les syndicats dont les copropriétés ne sont pas correctement immatriculées ne pourront prétendre aux subventions publiques.
    Création d'un registre d'immatriculation

    Renforcer l'information des futurs copropriétaires

    Pour informer les futurs acquéreurs de la situation des charges et des travaux à venir dans une copropriété - et permettre à l'acquéreur de se rétracter s'il ne peut assumer les charges à venir - la loi Alur prévoit :
    - la présence de mentions obligatoires sur la publicité de vente de lots en copropriété : nombre de lots, montant moyen des charges, procédures en cours ;
    - la constitution d'un dossier obligatoirement annexé au contrat de vente informant l'acquéreur sur la situation juridique et financière du syndicat, le niveau des charges courantes, l'état technique de l'immeuble et du lot de copropriété, les travaux votés ou prévus et les répercussions financières prévues pour l'acquéreur ;
    - l'obligation pour le syndicat de créer une fiche de synthèse regroupant les principales données techniques et financières de la copropriété. Son contenu sera fixé par décret. Cette fiche doit être transmise sous 15 jours à un copropriétaire qui en fait la demande.
    Renforcer l'information des futurs copropriétaires

    Encourager la réalisation de travaux en copropriété

    Pour limiter la dégradation de l'état des copropriétés, la loi Alur prévoit plusieurs mesures pour encourager à la réalisation de travaux sur l'ensemble des bâtiments :
    - Création d'un fonds de travaux obligatoire : pour faciliter la réalisation de "travaux inéluctables" - rénovation énergétiques, réfection de toitures, de façade, renouvellement des équipements de chauffage, etc. - la loi prévoit l'instauration d'un fonds de travaux obligatoire pour toutes les copropriétés, correspondant à environ 5% du budget prévisionnel par an, selon l'ARC.
    Les modalités de financement de ce fonds seront fixées par décret et varieront en fonction de la taille de la copropriété. Ce fonds fera l'objet d'un compte bancaire séparé que le syndic ouvrira dans le même établissement bancaire que le compte séparé du syndicat de copropriétaires.
    - Programmation de travaux éventuels : les copropriétés pourront décider en assemblée générale (majorité simple de l'article 24) de faire réaliser un diagnostic complet tous les dix ans, par un tiers indépendant, qui comprendrait une analyse technique de l'état du bâti et des équipements, de la situation de l'immeuble au regard de la réglementation, de la performance énergétique du bâtiment, de la gestion patrimoniale de l'immeuble. Il peut également inclure des propositions de mesures pour optimiser ou réduire les charges. Cet audit permettra d'établir un plan pluriannuel de travaux.
    Encourager la réalisation de travaux en copropriété

    Prévenir et prendre en charge la dégradation des copropriétés

    Autre fléau dans les copropriétés : les difficultés financières rencontrées par les propriétaires, et qui impactent les comptes de l'ensemble de la copropriété. La loi Alur prévoit, là encore, plusieurs solutions.
    - Permettre le déclenchement d'une procédure d'alerte plus précoce en cas de difficultés : la loi prévoit l'abaissement du seuil d'impayés de la copropriété à partir duquel se déclenche la saisine du juge pour désignation d'un mandataire ad hoc ;
    Ainsi, l'analyse de la situation par un expert indépendant peut-elle se faire dans les copropriétés dès 25% d'impayés jusqu'à 200 lots, 15% au-delà.
    - Implication renforcée des élus locaux pour aider au redressement des copropriétés ;
    - L'administrateur désigné en cas de difficultés peut désormais gérer les impayés, les étaler, voire les effacer sous contrôle du juge ;
    - Possibilité "d'exproprier" uniquement les parties communes de la copropriété en état de carence ;
    - Création d'un statut d'opération de requalification de copropriétés très dégradées permettant de déclarer d'intérêt national les projets de redressement des ensembles les plus dégradés de France.
    - Instauration de dispositions rendant impossible l'acquisition d'un lot par un débiteur.
    Prévenir et prendre en charge la dégradation des copropriétés

    Les quatre "graves reculades ou renoncements de madame Duflot" selon l'ARC

    1) La création d'un Conseil National de la Transaction et de la Gestion Immobilière où les professionnels seront majoritaires et les usagers représentés uniquement par des organisations de consommateurs généralistes, à l'exception donc des associations représentatives spécialisées comme l'ARC.
    Pour l'ARC, ce fait a pour conséquence : "les professionnels de la copropriété pourront continuer à faire ce qu'ils veulent sans contre-pouvoirs suffisant en face d'eux."
    2) La suppression des commissions régionales de contrôle et de discipline initialement prévues dans le projet de loi et la mise en place d'une seule commission nationale ("qui ne pourra donc - et c'est ce que voulaient les professionnels - traiter qu'un problème sur mille !" pour l'ARC).
    3) Le rétablissement de la dérogation possible à l'ouverture du compte séparé pour les copropriétés de moins de 16 lots principaux (soit 60 à 70 % du parc des copropriétés).
    Pour l'ARC, ce fait a pour conséquence : "une régression inadmissible et grave pour les copropriétaires par rapport au projet initial".
    4) L'instauration de la quasi-impossibilité pour une copropriété d'échapper au 'banquier' du syndic. La loi ALUR, en effet :
    - impose la majorité absolue sans possibilité de deuxième lecture pour choisir un autre banquier que celui du syndic ;
    - permet au syndic d'imposer des honoraires majorés si l'assemblée veut changer de banquier.
    Pour l'ARC, ce fait a pour conséquence : "pas de mise en concurrence possible des banquiers et pas de possibilité d'échapper aux manoeuvres syndics-banquiers concernant les pseudos comptes séparés"
    Pour conclure, l'ARC précise dans son communiqué que la loi ALUR propose "certes des satisfactions importantes et des avancées déterminantes sur certains points (contrat de syndic, fonds travaux, co-gestion...)" mais, constitue "un échec complet suite à renoncement concernant : le contrôle des professionnels et la mise en place de véritables dispositifs de régulation (commissions régionales de discipline) ; la transparence financière et la fin de la financiarisation de la gestion des copropriétés."
    Les quatre "graves reculades ou renoncements de madame Duflot" selon l'ARC
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