Chasseur de tendance au sein du pôle art de vivre chez Nelly Rody, Vincent Grégoire dévoile son style et les courants actuels de la déco…
Maison à part : Comment dénichez-vous les tendances ?
Vincent Grégoire : Je branche un radar sur ON, j'écoute tout. Tous les trucs qui me dérangent m'attirent. D'autre part, j'échange avec des économistes, des psychologues, des philosophes, des archéologues… Je suis comme une éponge, j'absorbe et lorsqu'on appuie dessus, des choses ressortent.
Cela passe également par des coups de fil aux maisons de disques, aux musées… Par exemple, cette année est celle de l'anniversaire de la mort Lady Di, du film sur Edith Piaf. Cela peut avoir une influence sur les tendances… C'est un mélange de signaux faibles un peu abstraits et de données objectives.
MAP : Justement, quelles seront les grandes tendances déco en 2007 ?
V. G. : La tendance est à la dualité des paradoxes. On passe de l'hyperréaliste au surréaliste. Les consommateurs sont doubles : ils ont besoin de réassurance, alors qu'à d'autres moments, on assiste à un pétage de plomb, de réenchantement. Les gens veulent le beurre et l'argent du beurre. Le double-jeu et le surréaliste vont donc continuer à s'amplifier.
Dans tout ce courant, il y a des tendances de fond. D'un côté, on a peur que certaines usines disparaissent. Et de l'autre, il y a l'aspect aristo : on a envie de fête, de vie de château… Dans la maison, on a donc d'une part le grain de beauté avec la recherche de l'essentiel, de pureté : c'est la ferme bien rangée, propre, impeccable, ou l'usine revisitée, luxueuse, haut de gamme. Et à l'opposé, on a le grain de folie, d'absurde : on redéguise la maison, le plastique est doré façon versailles. Dans ce cadre, pour le thème Celebration de la dernière édition de Maison & Objet, j'ai présenté la tendance « Funk Shui » avec une mise en scène très « soirée disco ».
V. G. : On ne se projette plus dans le futur. On assiste à une volonté de revenir au temps suspendu. On remixe, on revisite nos racines pour les réactualiser. On recrée, on associe les styles, les époques, la provenance. Cela s'associe avec la révolution technologique dans la maison qui a renforcé le besoin d'une maison qui ne soit pas déshumanisée. On bidouille, on bricole, on métisse, on hybride. C'est toujours cette balance entre la réassurance et le réenchantement.
MAP : Quelle est la tendance déco qui vous a le plus marqué ?
V. G. : Le zen a marqué les esprits et on a du mal à s'en défaire, mais la dérive au ultra-design est dommage. Il faut faire attention au manque d'humain.
MAP : Dans toutes ces tendances, quel est votre propre style ?
V. G. : Je suis assez obsédé par les puces de Vanves, les pièces uniques. J'ai du mal avec le prêt-à-jeter. Mon style est un mélange de mémoires, de choses à l'ancienne, et de contemporain. Je peux économiser et m'offrir un accessoire de créateur que je vais mélanger à des objets de récup'. J'oscille entre les puces et la galerie. Je suis très poubelle : je bricole, je customise. Mes boutiques, c'est le sous-sol du BHV, Leroy Merlin, les brocantes et les vides greniers. J'aime les trucs affectifs, les trucs de gosse.
J'aime bien papillonner. Je ne supporte pas de voir une boutique sur une étagère. Il faut que l'on m'étonne, que l'on me surprenne.
MAP : Quels conseils prodiguez-vous à ceux qui souhaitent refaire leur déco ?
V. G. : Il faut s'arrêter et discuter. Les tendances doivent servir à régénérer son ADN. Il faut prendre du recul. Faites une liste de ce que vous aimez vraiment. N'essayez pas de bluffer et arrêter de regarder les émissions TV. Il ne faut pas hésiter à échanger et à demander des conseils. Dans ce cadre, le coach est important mais il ne doit pas être là pour s'imposer.
On ne couche pas le premier soir : on s'invite à dîner. La déco, c'est pareil. Il faut déjà bien se connaître avant de s'engager, comme dans une rencontre amoureuse.