Pour sa seconde édition, l'exposition Intérieurs, organisée conjointement par Artcurial et le magazine AD, s'interroge sur "l'art de vivre avec l'art". Douze décorateurs contemporains ont ainsi pris leur quartier dans la salle des ventes, pour offrir leur vision de cette thématique, dans la plus pure tradition des arts décoratifs. L'occasion d'un panorama des tendances actuelles.
Ce 22 septembre, l'exposition Intérieurs 2011 ferme ses portes. L'événement a été l'occasion de découvrir un panorama magnifique des décorateurs contemporains. Ils sont en effet douze à avoir répondu à l'appel d'Artcurial et du magazine AD pour cette seconde édition qui, après "le style français" en 2010, offrait au public une réflexion autour de "l'art de vivre avec l'art".
Douze cartes blanches qui ont donné douze lieux de vie, douze ambiances très différentes, mais qui rappellent tous, la tradition des ensembliers d'antan. Le décorateur y sera coordinateur de projet tout autant que créateur : en faisant appel à des artisans des métiers d'art, en choisissant de mettre en valeur des artistes, en chinant du mobilier ancien, comme en dessinant certains meubles... "Cette exposition souhaite offrir au grand public l'opportunité, souvent trop rare, de découvrir les talents et savoir-faire d'une profession et de tous les corps de métiers qui l'entourent, un monde de créateurs et d'artisans qui ont peu d'occasions de s'exprimer en dehors de leurs chantiers privés", expliquent ainsi les organisateurs.
"Grandes figures de la décoration, créateurs confirmés et talents émergents" : la sélection associe ainsi tous les styles et marie les époques et les goûts pour le plus grand plaisir du public, dans la pure tradition des arts décoratifs.
Intérieurs 2011 © Intérieurs 2011
Une fresque sans pareille
De pièce en pièce, le dépaysement est total. Là, l'on déambulera dans une galerie d'art privée (Jean-Louis Deniot), ici le Japon sera mis à l'honneur (François-Joseph Graf) ; en passant une porte l'on trouvera un hommage au sculpteur César (Alain Demachy) ou encore au
peintre Rothko (India Mahdavi) ; plus loin un cocon pour l'art vidéo (Pierre Yovanovitch) côtoie une salle à manger-cabinet de curiosités en porcelaine (Laurent Buttazzoni et Associés) ; l'on s'émerveillera de la majesté d'une salle à manger ornée d'une sculpture monumentale d'Arne Quinze (Chahan Minassian) qui contraste avec la poésie d'une bibliothèque et d'une chambre voisines qui elles, jouent sur l'onirisme (Roxane Rodriguez) ; l'on s'amusera d'une cuisine qui contredit avec brio l'affirmation selon laquelle cette pièce doit être fonctionnelle avant tout (Tristan Auer) tandis qu'enfin, pris par leur jeu de lignes et de lumières, l'on plongera dans les atmosphères inédites d'un salon tridimensionnel (Thierry Lemaire), d'une cellule d'habitation utopiste (Joseph Durand) ou encore d'un salon en illusion d'optique (Olivia Putman) qui complètent cette incroyable fresque, hommage des arts décoratifs à l'art, ou mieux, de l'art à l'art tout court.
Pour ceux qui n'ont pas pu découvrir cette exposition, Maison à part vous en propose un aperçu en images en pages suivantes.
Du 12 au 22 septembre 2011
Hôtel Marcel Dassault (Paris VIII)
A se procurer de toute urgence : le supplément du n°103
AD septembre-octobre 2011, catalogue et carnet d'adresses de l'exposition !
Le Cabinet japonais de François-Joseph Graf
Le Cabinet japonais de François-Joseph Graf © Le Cabinet japonais de François-Joseph Graf
Le décorateur - fils d'antiquaire et architecte - offre ici un écrin à l'art japonais, avec un ensemble exceptionnel d'objets. La laque est bien sûr à l'honneur, comme les arts guerriers, avec par exemple, des armures de samouraïs. Or, lumière, bois précieux... l'alliance apporte un effet tout à fait saisissant.
Son style ? "
La décoration, comme l'architecture, se travaille, explique-t-il à AD.
Elle découle d'un dessin, de proportions justes, d'un certain sens des volumes."
Le Cabinet japonais de François-Joseph Graf
Le Salon César d'Alain Demachy
Le Salon César d'Alain Demachy © PP/MAP
Architecte, décorateur, antiquaire (il possède une galerie quai Voltaire), Alain Demachy est une grande figure de la profession. Pour cette exposition, il a choisi, aidé de sa fidèle collaboratrice Valérie Métois, de mettre en valeur les oeuvres d'un de ses vieils amis, le sculpteur César. Un salon éclectique à l'image de l'artiste, qui mélange des époques et des styles, avec trois oeuvres de ce dernier dont une compression aperçue ici sur le mur, derrière Alain Demachy. Il est amusant d'y voir également une certaine correspondance avec l'éclectisme de notre époque.
"Pour moi, explique Alain Demachy à Maison à part,
être décorateur, c'est être un tailleur : je fais des costumes sur-mesure, reflets de la personne qui y habite."
Le Salon César d'Alain Demachy
La Chambre façon Mark Rothko d'India Mahdavi
La Chambre façon Mark Rothko d'India Mahdavi © PP/MAP
Pour cette exposition, la décoratrice se joue des pleins et des vides de l'artiste peintre, les retranscrivant en matières, avec cette pièce parée de carrés de velours de laine, coton et soie aux couleurs vives, réalisées par les Ateliers Polybe & Malet. Et ajoute en contraste, un vaste effet "peau de bête" au sol (Moquette Tai Ping) et sur le lit.
La Chambre façon Mark Rothko d'India Mahdavi
La bibliothèque et la chambre oniriques de Roxane Rodriguez
Roxane Rodriguez Intérieurs 2011 © PP/MAP
Romantisme et poésie sont ici à l'honneur pour la décoratrice pour lesquels elle crée des cocons oniriques. Ici, Huysmans, Hugo ou encore Baudelaire, donnent rendez-vous dans la bibliothèque, où l'on consultera des éditions toutes aussi splendides que rares. La chambre, pièce en écho à la première, permettra tout autant l'abandon dans le spleen, au milieu d'objets précieux et fragiles, telles les chaises de l'artiste - également architecte,
particulièrement apprécié par la rédaction de Maison à part - Junya Ishigami.
Une réinvention contemporaine du XIXe siècle chère à la décoratrice.
La bibliothèque et la chambre oniriques de Roxane Rodriguez
La salle à manger sculpturale de Chahan Minassian
Chahan Minassian - Intérieurs 2011 © PP/MAP
Majestueuse, sculpturale. Au mur : des immenses poutres de bois posées en écho aux moulures de la pièce, une oeuvre réalisée in situ de l'artiste Arne Quinze. Au sol : un immense miroir, sur lequel est posée une table immense au plateau en bois brut. La salle à manger de Chahan Minassian joue des contrastes, de la lumière, des dimensions et des lignes.
La salle à manger sculpturale de Chahan Minassian
La galerie d'art privé de Jean-Louis Deniot
Vestibule Jean-Louis DEniot - Intérieurs 2011 © PP/MAP
Un camaïeu de tons beiges offre au décorateur un écrin, à l'image d'une demeure de collectionneur, aux oeuvres d'art de Bernard Frize, Sol LeWitt ou Peter Zimmerman.
La galerie d'art privé de Jean-Louis Deniot
La cuisine "Autre" de Tristan Auer
La cuisine "Autre" de Tristan Auer - Intérieurs 11 © PP/MAP
Pour l'architecte et décorateur, l'exercice de l'exposition reflète sa contrainte de tous les jours. Le terme d'"ensemblier" est ici bien choisi. Commissionner les artistes, les artisans, échanger, dessiner : c'est l'essence même de ce qu'aime faire Tristan Auer.
Pour l'exposition, il a voulu s'intéresser à une pièce essentielle de la vie de tous les jours, celle où l'on se retrouve : la cuisine. Loin de son image fonctionnelle - l'un n'empêche pas l'autre - et contre l'idée reçue selon laquelle le salon peut accueillir l'art, il propose une interprétation une pièce faite de contrastes.
La cuisine "Autre" de Tristan Auer
La cuisine "Autre" de Tristan Auer
Tristan Auer © Tristan Auer
Le calme d'une oeuvre intime de Douglas White (une lune poétique), derrière un bloc cuisine en médium, laque et laiton, d'un côté s'oppose ainsi à l'envahissement physique de sculptures en cire de Rupert Shrive représentant "L'extase de Sainte Thérèse" du Bernin (Giovanni Lorenzo Bernini dit Le Bernin), dans lesquelles certains n'hésiteront pas à voir une certaine sensualité toute provocatrice...
La cuisine "Autre" de Tristan Auer
Le cabinet de porcelaines-salle à manger de Laurent Buttazzoni & Associés
Laurent Buttazzoni & Associés intérieurs 2011 © PP/MAP
Bienvenue dans une pièce d'un collectionneur ! Au mur, ce fanatique des arts de la table a disposé de multiples objets, d'artistes contemporains ou non, telles ces chinoiseries du XVIIIe siècle. Avec son associé, Frédéric Lavaud, Laurent Buttazzoni voulait une pièce joyeuse, aux couleurs vives, à l'image de son style !
Le cabinet de porcelaines-salle à manger de Laurent Buttazzoni & Associés
Le cocon pour contempler une oeuvre vidéo de Pierre Yovanovitch
Pierre Yovanovitch - Intérieurs 2011 © PP/MAP
Le décorateur a créé un cocon propice à la concentration, épuré, fait d'un canapé intégré dans une structure en staff, éclairé par cette suspension toute en légèreté. En face, l'objet de la méditation...
Le cocon pour contempler une oeuvre vidéo de Pierre Yovanovitch
Le cocon pour contempler une oeuvre vidéo de Pierre Yovanovitch
Le cocon pour contempler une oeuvre vidéo de Pierre Yovanovitch - Pierre Yovanovitch - Intérieurs 2011 © PP/MAP
... une oeuvre vidéo de l'artiste Bill Viola, sur un écran encastré dans des pièces de métal oxydé. Pierre Yovanovitch a réussi à créer son "cocon de contemplation".
Le cocon pour contempler une oeuvre vidéo de Pierre Yovanovitch
Le salon tridimensionnel de Thierry Lemaire
Le salon tridimensionnel de Thierry Lemaire © PP.MAP
A l'entrée, elle s'impose. L'oeuvre de métal, immense, a été réalisée par Christian Raynal, sur commande de Thierry Lemaire. Elle contribue à l'effet voulu par l'architecte décorateur : se jouer de l'espace et des perspectives. Le parquet de Versailles n'est plus au sol mais au mur, un tableau de femme la tête en bas... Un salon à l'esprit décalé certes, mais dans lequel on se sent bien, à sa place. C'est bien là la force du professionnel !
Le salon tridimensionnel de Thierry Lemaire
Le salon tridimensionnel de Thierry Lemaire
Le salon tridimensionnel de Thierry Lemaire © PP.MAP
L'ambiance est chaleureuse et reflète, notamment à travers le choix des matériaux, l'esprit français des arts décoratifs. Thierry Lemaire nous confie qu'il a aimé l'exercice de l'exposition, qui permet de "renouer avec les arts décoratifs à l'ancienne" à l'image des ensembliers. "J'aime aller jusqu'au bout". Son style ?
"Il faut que cela soit élégant, logique, simple, intemporel..."
Le salon tridimensionnel de Thierry Lemaire
La cellule d'habitation utopiste de Joseph Dirand
Cellule d'habitation utopiste de Joseph Dirand © Joseph Dirand - Intérieurs 2011
Pour ce projet, le décorateur, qui est lui aussi architecte, a voulu synthétisé dans un même espace tous les grands mouvements artistiques du XXe siècle... et toutes les pièces de la maison en une seule ! Le mur peint au ciel chargé se veut une allégorie de l'utopie poétique qui sous-tend le projet, tandis que le mobilier en laiton poli miroir doré offre une modularité de circonstance : d'un côté un canapé-lit/table basse, de l'autre, un plan de travail de cuisine ou de bureau.
La cellule d'habitation utopiste de Joseph Dirand
Le salon en illusion d'optique d'Olivia Putman
Le salon en illusion d'optique d'Olivia Putman © PP.MAP
Un salon à l'ambiance feutré, tapissé de rayures - au sol, au mur, sur le mobilier et au plafond - qui accentuent l'effet d'optique et permettent de brouiller la perception.
Le salon en illusion d'optique d'Olivia Putman
Le salon en illusion d'optique d'Olivia Putman
Le salon en illusion d'optique d'Olivia Putman © PP.MAP
La toile est abstraite, et sujette à multiples interprétations... c'est pourquoi Olivia Putman a voulu lui offrir cet écrin aux rayures cinétiques.
Le salon en illusion d'optique d'Olivia Putman